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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

LE SLASHER DU MOIS : SCREAM VI (2023)

On ne présente plus la saga Scream, devenue légendaire dès la sortie de son premier opus en 1996 et qui devait, à cette époque, rester un film unique et sans suite, jusqu’à ce que la loi du tiroir-caisse vienne y mettre son grain de sel. On aurait tort de s’en plaindre puisque chaque nouvelle suite a été couronnée d’un immense succès (critique parfois, public en tous les cas). À l’heure où le cinéma tout entier (et non plus seulement celui de genre) est mis à mal par les nouvelles habitudes de visionnage, il n’est pas inintéressant de voir comment le 6e opus d’une saga chercherait aujourd’hui à convaincre les spectateurs de se rendre dans les salles avec une nouvelle surprise cachée sous ses jupons… Car la recette d’un Scream réussi ne se limite pas à être juste un bon film, ou seulement un bon slasher, mais se plie à devoir respecter un cahier des charges très épais en codes qu’il a à l’origine dénoncé avant de s’obliger à devoir lui-même respecter… ou déjouer.

Qui a (encore) peur du grand méchant Boo ?

C’est d’ailleurs le premier des boulets que traîne la saga depuis Scream 2 : celui de devoir se jouer des codes du genre et entretenir son aspect méta. Le potentiel, très riche au début grâce à un subtil mélange entre le thriller et le pastiche, a très vite fini par s’étioler au point de sombrer dès le 3e film (à l’époque le chapitre final de la trilogie) en une parodie qui parvenait à prolonger le plaisir à défaut de réellement surprendre. Depuis, les opus 4 et 5 ont chacun pris le temps de se mettre en place, et d’essayer de créer la surprise à leur manière. Si Scream 4, malgré un argument solide d’auto-remake a essuyé une réussite en demie-teinte, 11 ans après Scream 3, c’est surtout le 5e opus qui a réussi son pari fou de remettre la saga sur la route du succès, un quart de siècle après ses débuts, et après le décès de Wes Craven, « papa » de la franchise. Si la légitimité scénaristique de cet épisode de 2022 était plus que discutable, son triomphe au box-office ne pouvait que générer une nouvelle suite. L’arc narratif du renouveau ayant été affranchi de la validation du public (nouveau et ancien, de toute évidence), voilà que débarque Scream VI, un an à peine après le précédent, pour décliner à nouveau son tueur phare avec sa nouvelle palette de personnages. Les réalisateurs Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett remettent le couvert, définitivement libérés de la charge de devoir faire suite à Wes Craven, et même de celle du trop lourd poids du trio de héros imparable à chaque retour de Ghostface, et heureusement enfin désamorcé avec Scream 5. Par choix, donc, avec la mort du personnage de Dewey dans l’opus de 2022, mais aussi par obligation, quand Neve Campbell jette l’éponge pour cause de désaccord financier avec les producteurs sur ce nouveau film. Qu’à cela ne tienne, puisque la volonté de la saga avait été d’assurer la transition vers de nouveaux personnages, de nouvelles règles, et de nouveaux enjeux. Et force est de constater que la saga, avec ce sixième Scream, malgré sa vitesse de traitement, réussit haut la main son nouveau passage sur les écrans.

Les sœurs Carpenter, parées pour un nouveau massacre…

Et pour cause, la première raison de cette réussite est le fait d’enfin assumer pleinement son statut de franchise. C’est une petite révolution pour la saga, qui, jusque-là, ne cherchait qu’à reproduire le schéma de son opus original, encore et encore, au risque d’épuiser ses cartouches avant même d’avoir eu le temps de charger son fusil. Ici, en effet, il ne s’agira pas de copier, mais de décliner, respectant (ou citant tout au moins) les opus précédents sans les renier. Ensuite, il met aussi en lumière l’héritage cinématographique de ses prédécesseurs via l’idée (brillante) d’un sanctuaire dédié à Ghostface et à son histoire telle que décrite dans les faits (soit la saga Scream pour nous autres, spectateurs) plutôt que dans leurs interminables adaptations parallèles (soit la saga Stab pour les personnages des films) sur lesquels jouaient un peu trop les opus 3 à 5. La troisième raison du succès de cet opus repose sur l’idée de quitter la petite ville de Woodsboro et conduire sans aucune anicroche ses personnages dans les vastes avenues de New York. Et ce, avec plus d’authenticité que ne l’a fait en son temps Vendredi 13, chapitre 8 : l’ultime retour de 1989 (lui-même furtivement aperçu à l’écran dans la scène d’introduction de Scream VI). S’il faudra certes se contenter principalement de quelques plans larges de la ville et d’un store, de quelques ruelles sombres et d’une rame de métro, on se sentira suffisamment dépaysé pour apprécier le voyage. Scream 3 déjà, dont l’intrigue se déroulait à Hollywood, avait réussi à apporter au public cette bouffée d’air bienvenue, entre deux coups de couteau dans la vieille bourgade de Woodsboro.

« Je suis quelque chose de… différent »

Bien entendu, il serait facile de blâmer le scénario sur la facilité qu’il aura de rameuter tous les survivants du précédent opus dans la Grande Pomme, permettant ainsi à un(des) nouveau(x) tueur(s) de perpétrer une énième vengeance. C’est même un plaisir de retrouver les survivants, débarrassés des personnages idiots (nombreux) de Scream 2022, et rejoints par de nouveaux protagonistes. L’absence de Sidney Prescott à cette nouvelle épopée sanglante n’empêche pas le retour de la journaliste Gale Weather (pétillante Courteney Cox, bien plus éveillée et proche de son personnage comparé à sa performance très effacée dans l’opus 5) et de Kirby Deen (Hayden Penettiere, revenue à sa propre initiative), survivante de l’opus 4 et ici prête à prendre sa revanche sur le tueur masqué. Gale Weathers a même droit pour la première fois dans la saga à son appel de Ghostface, pour une séquence sous haute tension comme on les aime tant. En tout et pour tout, Scream est définitivement devenue une saga dont les intrigues se suivent et s’entremêlent, jouant sur la nostalgie des prémices d’origine tout en s’assurant un patrimoine suffisamment riche pour ne jamais faire tarir la flamme. À l’heure où les franchises aiment prendre à contre-courant leur propres opus en les effaçant de l’intrigue principale (Halloween en tête de lice), la continuité des Scream est aussi salutaire qu’appréciable. À noter que Courteney Cox a été la première à signer pour ce sixième opus, précisant qu’elle adore toujours autant son personnage de journaliste intrépide, et qu’elle serait même prête à rempiler gratuitement pour ce rôle. Un (presque) pied de nez à Neve Campbell qui a estimé ne pas avoir la rémunération méritée pour la reprise de son personnage, et qui a jeté l’éponge, malgré la stupeur des fans et du soutien de bon nombre d’autres acteurs de la saga, tels que Matthew Lillard, interprète de Stu Macher dans le premier Scream, mais aussi Jamie Kennedy, Sarah Michelle Gellar et Emma Roberts (respectivement Randy dans Scream, Cici dans Scream 2 et Jill dans Scream 4).

Un melting-pot où même les survivants figurent sur la liste des suspects…

Si on devait spécifiquement attaquer Scream VI, on l’accuserait d’être un condensé de Scream 2 et 3, dans son déroulé comme dans son ambiance, et ce jusqu’au dévoilement de l’identité de Ghostface. Près de 25 ans après les deux films en question, la tentative est louable, et on aurait tort de se priver du plaisir de voir ces intrigues réussir le pari de s’inscrire en 2023. Certes, Ghostface ne fait plus peur à personne, il taillade plus qu’il ne tue réellement (voir les mêmes personnages survivre sans cesse aux frappes du tueur nous transporte bien loin de l’émotion de croire à chaque fois aux « morts » prématurées de Dewey dans certains premiers épisodes, par exemple), et bien que quelques séquences dévoilent un certain suspense (l’échelle entre les deux appartements, la traque dans le store, l’attaque dans le métro ou dans l’appartement de Gale), on ne ressent plus la pression palpable qui faisait la force narrative des deux premiers opus. Ghostface osera tout de même se parer d’un fusil le temps d’une séquence qui a fait bondir les fans de leur siège, tant l’affront à la règle de l’arme blanche a trouvé ici un revers que personne ne s’était permis jusqu’à lors (les tueurs se sont toujours servis d’armes à feu, mais uniquement lorsqu’ils ne revêtissaient plus le célèbre costume). Mais après tout, les règles sont faites pour être transgressées. Et cela n’empêche pas le tout d’être un vrai spectacle rythmé, scénaristiquement plus solide que Scream 5, bien qu’encore une fois un peu timide dans sa trame de fond. Quant à la suite des aventures des sœurs Carpenter (toujours impeccablement interprétées par Melissa Barrera et Jenna Ortega), elles sont toutes tracées pour un inévitable septième épisode. Reste à voir s’il faille encore se coltiner tout le pamphlet sur les règles du genre, remaniées à tel point qu’on n’y croit plus une seconde.

Au jeu du chat et de la souris, Ghosface a toujours une longueur d’avance…

En l’attente d’un nouveau chapitre, on pourra se délecter ici d’une histoire suffisamment solide pour tenir sur les deux heures de métrage, et de toutes les références faites au cinéma de genre, pour le plus grand bonheur des fans. Que ce soit via les costumes d’Halloween dans le métro ou à la fête (on aperçoit le florilège de tout bon cinéphile, de Pinhead à la Nonne, et ce jusqu’à une Mercredi Addams), ou lors d’un échange savoureux entre Kirby et Mindy citant Psychose 2, Candyman et bien entendu Les griffes de la nuit, ou lors de clins d’œil cinématographiques plus ou moins appuyés à Vendredi 13 ou Souviens-toi… l’été dernier. Les réalisateurs Gillet et Bettinelli-Olpin n’ont pas fini de clamer leur amour pour le genre, ni de nous surprendre avec de nouvelles enquêtes et de nouveaux mobiles. Le rendez-vous est pris, conforté par l’immense succès au box-office de cet opus et prouvant la solidité de cette franchise à l’ère ciné-méta actuelle. Ghostface et son interminable déclinaison de tueurs fous n’ont pas fini de nous hanter. Avec Scream VI, les méandres de la folie sont une nouvelle fois abordés, non sans une grosse dose d’hémoglobine, et sans laisser sur le carreau la part psychologique des séquelles de telles expériences sur le mental déjà fragile de ses deux héroïnes, ni sans omettre de nouveaux mobiles malicieux et déments, prouvant que la vengeance est un plat qui se mange froid… mais avec le sang chaud. Beaucoup, beaucoup de sang.

Courteney Cox, en ligne avec son agent pour signer Scream 7

SCREAM VI, UN FILM DE MATT BETTINELLI-OLPIN & TYLER GILLETT, USA, 2023

● les + : Un épisode bien supérieur à son piètre prédécesseur, prouvant que Ghostface a encore plus d’une corde à son arc
● les – :
Peut-être un peu trop d’indices sur l’identité de Ghostface ?  Mais on chipote un peu, là…
● les meilleures séquences du film :
une intro surprenante, des courses poursuites rythmées, et le retour de la vraie Gale Weathers
● la pire scène du film :
La fâcheuse tendance à ne pas assumer la prétendue mort de ses personnages taillés en pièces…

Verdict : *****

Retrouvez la critique du premier Scream et tous les autres opus de la rubrique Le slasher du mois et Génération croquemitaines.

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