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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

LE SLASHER DU MOIS : VENECIAFRENIA (2021)

Il est presque incroyable de réaliser qu’il aura fallu attendre 2021 pour découvrir un slasher prenant pour thématique la dimension baroque et hautement inquiétante du carnaval de Venise. Les masques de porcelaine si indissociables du mythe vénitien sont au centre de ce Veneciafrenia, servant d’ouverture à la collection de films d’horreur espagnols « The Fear » financée par Amazon et Sony. Le réalisateur des cultes Le jour de la bête, Action Mutante et Mes chers voisins Alex de la Iglesia s’empare de la caméra pour la mise en bobine de ce slasher sombre et décérébré portant sur un petit groupe d’amis venu à Venise fêter l’enterrement de vie de jeune fille de l’une des convives. La troupe va vite réaliser qu’elle est la proie d’une bande de tueurs masqués, décidés à éradiquer le trop-plein de touristes qui envahit la célèbre lagune.

Cinq amis venus se délecter des victuailles crapuleuses de Venise…

La première grande surprise est que le film a réellement été tourné dans Venise, profitant de l’épidémie du Covid-19 pour s’emparer de certains des plus beaux endroits qu’offre la ville. Ceci expliquant également pourquoi ses recoins sont aussi déserts à des moments du film alors que la réalité est bien évidemment toute autre. Le tournage ayant eu lieu dans le contexte hautement particulier du confinement, le résultat est un savant mélange de la folle frénésie que propose continuellement Venise, avec son décor de carte postale bafoué de lieux moins illustres tombant en décrépitude, et l’angoissant labyrinthe nocturne dépeuplé de ses habitants hauts en couleurs et tout en plumes. Une alliance attraction/répulsion qui fait même par moment penser que le film surgit d’une époque révolue, celle du giallo mêlant astucieusement l’épouvante et la fête, sur fond d’allégorie, de débauche et de comedia dell’arte. En gros, un subtil mélange de ce que les cinémas italien et espagnol étaient en mesure d’offrir de mieux à l’écran, le tout lié au véritable fait que Venise est mise en péril par l’affluente surenchère visiteurs des quatre coins du monde.

Mort à Venise, revisité par Alex de la Iglesia…

Malheureusement, et on ne saura trop comment l’expliquer, Veneciafrenia choisit de poser sa trame décomplexée sur une bande de jeunes particulièrement idiots, conférant à l’ensemble une médiocrité assez malvenue. Incapable de s’identifier à cinq fêtards libidineux inconditionnels d’actes alternants l’immaturité à l’ivrognerie, le spectateur n’aura dès lors pas beaucoup d’égard face à l’horreur que les héros vont dès lors rencontrer. Celle-ci s’impose pourtant très vite à l’image, sans véritable suspense sur ce qui motive ce trio d’olibrius masqués en Arlequin, Rigoletto et docteur de la peste. Les habitants de Venise expriment ouvertement, à grands renforts de manifestations et de banderoles, leur colère contre les bateaux de croisière déversant une hordes de touristes toujours plus nombreuses et salissant l’aura légendaire de la ville. Les trois compères masqués, quant à eux, étant déjà passé à l’étape supérieure en exterminant drastiquement les touristes à coups de lame, de crochets ou… d’appareil photo (l’originalité avant tout).

La mort se cache derrière chaque masque…

Les personnages ne sont donc pas le point fort du film, ni la trame surexposée de l’enquête pseudo-policière menée alternativement par un flic désœuvré, un conducteur de vedette surinvesti, et la très énervante héroïne forcément final girl face à la menace masquée, qui, elle, n’y va pas avec le dos de la cuillère. Si les réelles motivations du trio d’espiègles bouffons se révèlent très rapidement fantaisistes, voire quasi-chimériques, elles ont l’avantage d’être graphiques et impressionnantes, telles l’attaque du couple de l’ouverture, l’égorgement de la touriste asiatique, toutes mises en scène en exposition complète devant une foule extatique croyant assister à une comédie carnavalesque, ou mention spéciale au meurtre aux crochets, délivrant une marionnette humaine aussi malaisante que la célèbre séquence du marionnettiste dans Freddy 3 : les griffes du cauchemar en 1987. Les inconditionnels de gore ne passeront pas à côté d’une décapitation plutôt efficace, perpétrée sur un bateau entre deux (douze ?) coups de lame dans le ventre et de poing dans la figure. Efficace !

« Tu l’as vue, ma grosse épée ? »

Le tandem du Docteur et de Rigoletto représente aussi les deux aspects de la comedia dell’arte, et la figure générale au théâtre du chef de meute et du rigolo de service, comme les alter ego d’une seule et même figure cherchant par la présence de l’autre à s’enfoncer dans les archétypes de leur rôle. Mais si la directive est pompeuse, il n’y a pas de hasard dans les missions de chaque personnage masqué. Arlequin, bien qu’au premier abord discret et effacé, aura une importance capitale dans la mission morbide engagée. La vraie magie repose donc sur les tueurs, et non sur les tristes victimes qui s’engouffrent dans le pathétique définitif à la venue du fiancé de l’héroïne pour une succession de séquences plus aberrantes d’ennui les unes que les autres. Heureusement, Rigoletto  parvient à pimenter chaque scène dans lesquelles il apparaît, par le pouvoir de son personnage, l’allégorie de sa folie, et le costume (magnifique) dans lequel ils évolue, jamais séparé de sa canne-épée et sa petite effigie gentiment flippante. On regrettera que le réalisateur n’ait pas reconduit dans Veneciafrenia l’humour qui intègre habituellement à ses œuvres, et qui rend celles-ci aussi savoureuses et décalées. Le résultat n’en aurait été que meilleur, le cadre et les anti-héros permettant largement cette sirupeuse liberté.

La belle Venise… et des fêlés déguisés.

Côté casting, on survolera la troupe de héros composée d’acteurs « naissants », pour se concentrer sur le plaisir de retrouver à l’écran Caterina Murino (Casino Royale… et Les bronzés 3, ça ne s’invente pas !) et Cosimo Fusco (Anges & démons) dans les seuls rôles valables et positivement mémorables du film. L’enjeu écologique narré dans Veneciafrenia, sans doute porté à cœur par son réalisateur (aidé du scénariste Jorge Guerricaechevarria, connu pour être le duo de la Iglesia pour Le jour de la bête, Action Mutante, Le crime farpait, Mes chers voisins, mais aussi et plus récemment sur Crimes à Oxford et Les ordres du mal de Paco Plaza) ne saura sans doute pas marquer les esprits, mais sera assez original pour trancher (et c’est le cas de le dire) avec la redite habituelle de ce que ce genre cinématographique impose en général. Dommage aussi que toute cette combine visant à ralentir, si ce n’est éradiquer le déclin de Venise, soit entachée par un final un peu facile, voire moisi, bien que se déroulant dans l’intrigante île-cimetière de San Michele, sur ces notes rebelles déjà portées par le groupe des Anonymous avec bien plus de pêche et d’efficacité dans leur genre. Le film restera une étrange et anticonformiste représentation du slasher, pour le bonheur des amateurs de tueurs bien barrés, prêts à en découdre avec la débilissime nouvelle génération dans un environnement farfelu, voire enchanteur. Venise étant, malgré ses bas quartiers et recoins inquiétants tout à fait exposés dans le film, un lieu de fantasmagorie et d’enchantement dont aucun corps, même décapité, ne saura altérer la magie.

Une campagne d’affiches de toute beauté…
VENECIAFRENIA, UN FILM D’ALEX DE LA IGLESIA, ESPAGNE, 2021
● les + : Un tueur particulièrement barré, et un cadre et une atmosphère incroyables, grâce au potentiel graphique de la belle Venise et de ses recoins sombres.
● les – :
Des personnages dépourvus de profondeur, et des éléments scénaristiques quelque peu aseptisés 
● les meilleures séquences des films : De l’introduction fonçant tête baissée dans l’action, à la séquence de l’effroyable marionnette humaine, Rigoletto n’est pas là pour rigoler !
● les pires scènes des films :
La pseudo-amourette naissante entre l’héroïne et le conducteur de vedette, la séquence de la danse dépravée un peu inutile, et le final en demi-teinte…
Verdict : *****
Dans le même (mauvais) genre : le bonhomme de neige tueur et blagueur de Jack Frost 1 & 2 ou le St-Nicolas de l’angoisse dans Sint

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