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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

HALLOWEEN II (2009) : À LA RESCOUSSE DU FILM DE ROB ZOMBIE

Sommet de toute la saga du point de vue de la controverse, Halloween II de Rob Zombie surgit parfois des méandres de l’oubli pour étaler encore un peu de sauce barbecue sur un sandwich déjà bien top garni. S’il est inutile de revenir sur la genèse du projet, il est tout de même à rappeler qu’après avoir lui-même indiqué que jamais il ne donnera suite à son « chef d’œuvre » de remake de 2007, Rob Zombie a fini par céder à une pression qu’il n’avait pas en mettant en bobine sa suite et fin des aventures de Michael Myers. Le tout pour livrer un portrait disgracieux du croquemitaine, ainsi que de tous les personnages survivants, des nouveaux protagonistes, et au passage de l’Amérique toute entière. Le résultat : un amer passage à la broyeuse du mythe, un effondrement critique et des chiffres décevants pour le studio (38 millions de dollars de revenus, sur un budget de 15 millions, hors promo). Si le film a froissé la critique et déçu le public, il n’en reste un film culte pour des aficionados de Rob Zombie, voyant en lui l’être qui aura osé compresser le mythe pour se délecter d’un nectar poisseux et inédit. Un vice auquel certains adhèrent donc avec la même notion d’engagement que pour un véritable mariage, ses promesses, sa grandeur, et son inaltérable « pour le meilleur et pour le pire ».

Michael Myers, un être sale au milieu des saletés…

Le site Écran Large s’est depuis penché sur ce cas d’école, n’hésitant pas à prendre à revers les critiques portées sur le film avec le but de venir au secours du cinéaste et de son étrange rejeton, jetés depuis tous deux à la benne par la presque unanimité du reste du monde. Le site n’hésite tout d’abord pas à réafficher les plus percutantes et lucides critiques que la presse a adressé au film, avant de reconsidérer le film sous un angle de fans émerveillés. Le résultat n’en est que plus acide, dès lors qu’on puisse réussir la prouesse de voir « la chose » avec objectivité.

« Non content de réaliser une mauvaise suite, Rob Zombie entraîne la franchise sur le terrain de la prétention » (Flickering Myth)
« Rob Zombie déborde de talent, mais il piétine ici, et on peut penser qu’il le sait » (LA Weekly)
« Ésotérisme maladroit, alignant hystérie féminine, meurtres gores et psychanalyse grossière » (Abus de Ciné)
« Halloween 2 est plein de gags et de références mais presque totalement dénué d’énergie » (New York Times)
« Avec cette nouvelle suite, Zombie passe moins de temps à rendre hommage qu’à expérimenter et faire preuve d’inventivité, pour des résultats décevants » (Boston Globe)
« À un moment, un personnage est accusé de profiter du malheur des autres et c’est exactement ce que Rob Zombie vous fera subir si vous allez voir ce film » (Cinemablend)
« Mais pourquoi tant de haiiiiine ? »

Mais le site avait déjà mentionné les propos de Rob Zombie lui-même au sujet de son film, s’accordant le mérite d’avoir fait exactement ce qu’il fallait… si ce n’est plus encore : « Pour être honnête, je préférerais quand même faire mon propre truc. Mais je suis toujours fier des deux films Halloween. Je préfère le second, ce qui peut surprendre les gens. Mais le problème est que quand vous faites un remake, vous ne pouvez jamais avoir un véritable jugement sur ce que vous avez fait. Je pense que c’est la même chose quand on refait Les Griffes de la nuit ou une autre saga. C’est trop difficile de casser complètement la formule. J’étais enthousiaste à l’idée de faire une suite, surtout parce que si le premier film parlait de Michael et de la façon dont il était devenu ce meurtrier célèbre, le second pourrait porter sur Laurie et sur la façon dont cet événement l’avait vraiment dérangée. Le premier Halloween II [réalisé en 1981, NDR] n’a jamais fait cela. Et maintenant que j’ai créé cet univers, je sens que je peux faire tout ce que je veux avec. » À noter que l’enthousiasme en question avait été de courte durée, le réalisateur n’ayant pas eu l’occasion de faire quoi que ce soit de plus à son « univers ». La firme elle-même a mis en stand-by toute idée de suite face aux problématiques rencontrées (l’accueil du public avant tout) avant de ne plus rien entreprendre du tout jusqu’au lâcher des droits de la franchise fin 2016 au profit de la société Blumhouse.

Ce que Rob Zombie fait des critiques…

Écran Large n’y va pas avec le dos de la cuillère, à l’instar du film dont il dépeint les qualités dans son article. Selon le site, nous sommes en présence ici du « chapitre le plus audacieux formellement, puissant thématiquement, et globalement radical de toute la saga, après le chef d’œuvre de John Carpenter », indiquant en tout et pour tout que « c’est précisément pour ses qualités et prises de risques que ce Halloween II est détesté. Là où avec son remake, Rob Zombie avait dû composer avec certains ingrédients indispensables, notamment une deuxième partie en forme de best of du slasher séminal de John Carpenter, il peut ici se payer le luxe de tordre complètement la mythologie de la franchise pour en livrer une vision intime, signer une pure incursion d’auteur au cœur d’une saga culte. »

Y’a pas comme un gros trou dans le scénario, là ?

Le site enfonce le clou avec les louanges de la façon dont est dépeint Michael Myers dans ce film, en le décrivant comme l’« étendard assumé des marginaux, de la foire, du carnaval et de tous les laissés pour compte, le cinéma de Zombie est tout entier précipité dans ce personnage, parmi les plus marquants de son œuvre. Silhouette formidable, être brisé, dément, renvoyé aux confins du monde pour y pourrir, il est désormais parfaitement indissociable de ce masque, bien loin de l’inquiétante tâche blanche qui hantait autrefois la franchise. Ici, la folie, le corps blessé de Myers et la souffrance qui émanent du moindre de ses gestes se voient parfaitement incarnés. » Non, vous ne rêvez pas. Et ça ne s’arrête pas là, puisque les motivations nouvelles du croquemitaine, guidé par le fantôme de sa défunte mère, devient ici une décision « cohérente dans les thématiques de certaines suites du chef d’œuvre de Carpenter », quand ces dites suites étaient fustigées les unes après les autres par le même site pour leur tentative d’expliquer l’inexplicable. Qu’importe aussi que cette motivation aussi soudaine que nouvelle a déjà été épurée jusqu’à la moelle dans la saga Vendredi 13 dont on nous rabâche toujours le sentiment de redondance : « Quelle force pourrait être susceptible de transformer un individu perdu, faible, en panzer lancé à pleine vitesse ? L’amour filial bien sûr, dernier lien de Michael avec l’humanité. […] Cruel et enragé, le film sait aussi se faire poétique, quand, offrant encore une fois à un rôle à sa muse, le metteur en scène fait de Sheri Moon Zombie l’alpha et l’omega du monde, la source de sa folie, mais aussi l’horizon de sa résolution. Les fous ne sont pas une altérité adverse chez Rob, ce sont nos semblables, des prochains qui nous hantent, pour mieux révéler l’insanité qui sommeille en chacun. » Séchez vos larmes…

Allez, qu’on en finisse…

Si la (trop) longue scène d’intro du film apparaît comme une arnaque sans nom qui permet au réalisateur une pirouette le dispensant d’expliquer la fin du film précédent, Ecran Large lui préfère une autre interprétation, encore une fois bien plus élogieuse : « Sorte de poème barbare, Halloween 2 est une des propositions esthétiques les plus fortes de ces dernières années, dont la violence sidère souvent. Mais Zombie n’est pas seulement un des bourrins les plus doués de sa génération. C’est aussi un auteur capable d’oser le vertige et l’ambiguïté. Comme lors de ce fabuleux prologue, trop long pour que le spectateur croit à un songe, qui se révèle finalement une entrée en matière jubilatoire, éprouvante et sardonique. Un piège parfait. […] Débarrassé des afféteries des films précédents ou de leurs figures imposées, Zombie peut se concentrer totalement sur cette narration syncopée, limpide, focalisée sur la démence qui ronge son héros négatif, mais toute la société où il évolue. » Si vous cherchez encore la limpidité dans Halloween II, prévenez votre entourage qu’il n’est pas prêt de vous voir revenir. Car si on peut aimer la réalisation ô combien splendide de Rob Zombie, il ne faut pas que la fluidité de la caméra parvienne à camoufler les nids de poule dans le scénario, cédant à la facilité quand il ne s’enfonce pas dans l’incohérence la plus sordide. La poésie entourant la mère de Myers ou le mythe du cheval blanc ne font que se placer en contrepied dans l’abjection de Rob Zombie envers la pourriture misérable peuplant son pays. Là aussi, le site Écran Large y voit la lumière dans l’ombre, estimant que « pour narrer cette abomination, Zombie use tout ce que son style contient de caractère et de spécificité. Avec une liberté folle, il trimballe une caméra incroyablement légère dans les recoins crapoteux d’une Amérique white trash, génératrice de monstres, qu’elle refuse de regarder en face. Il en enregistre les gueules, les mouvements et les soubresauts avec le grain reconnaissable entre mille du 16mm, qui confère à l’ensemble une dimension organique très évocatrice ».

Faut-il à ce point être à cheval sur les mots ?

Heureusement, le site finit par se montrer objectif et narre enfin les failles du film dans la dernière partie de son article, évoquant étonnamment des maquillages inaboutis lors des scènes de meurtres, sans doute dus au faible budget. Les meurtres en question restent toutefois évidemment violents, comme on le connaît dans le style cinématographique de Rob Zombie. Côté scénario, le réalisateur qui se disait profondément ennuyé par le personnage de Laurie Strode dans l’Halloween II original de 1981, cherche à dépeindre la psychologie de son héroïne au même échelon que celle de Michael Myers, pour conduire ses deux personnages vers une issue fatale, sorte d’apothéose de ce qu’on soupçonne être le chapitre final d’un chemin que Rob Zombie ne cherche surtout pas à étendre encore dans de nouvelles suites. S’il appartient à chacun d’apprécier les « talents d’actrice » de Scout Taylor-Compton, ce choix de trame oblige fatalement à réduire le champ d’action des autres personnages, ce qu’Écran Large reconnaît en indiquant que si Rob Zombie « se passionne pour Myers et Laurie quasiment à parts égales, le réalisateur n’a plus beaucoup de pellicule disponible pour traiter de ses autres personnages. Malcolm McDowell en est l’exemple le plus frappant, lui dont le personnage est passé comme par magie de psy baba-traumatisé à gros cynique porcin désireux de faire du pognal sur la figure de Myers. Jamais le film ne prend le temps de sonder son désespoir et le pourquoi de cette chute morale. Plus frustrant, si Laurie et Annie ont un vrai potentiel de protagonistes émouvantes et de vraies capacités de scream queen, le script ne leur offre jamais l’ampleur ou la finesse qu’appelaient leurs compositions. En témoigne la performance de Danielle Harris, qui en dépit de son aura, de son talent, de son lien avec la saga, est en permanence coincée entre les obligations de son rôle de poupée sexy et l’écriture de cette meilleure amie à la destinée tragique. »

« C’est à moi que tu parles ? »

Écran Large voue donc une admiration pour Halloween II, transformant ses aberrations en qualités frôlant le génie, preuve surtout que la passion est davantage dédiée au réalisateur qu’à son « œuvre ». Le sacrilège devient sacrement, et les limites n’existent plus. En se penchant sur la version alternative du film, plus proche encore de la vision jusqu’au-boutiste du réalisateur, le site s’interroge de « comment ne pas frissonner quand le metteur en scène ose (et réussit), dans sa version director’s cut, à démasquer The Shape, pour lui faire exprimer toute sa rage et son malheur, contenus dans un retentissant « Die ! » dirigé vers Loomis, le véritable boogeyman du film, symbolisant une institution de soin dévoyée, condamnée à damner ses « patients ». » Le frisson n’étant pas toujours celui auquel on pense, surtout quand il s’agit d’apposer l’ultime affront à un personnage trop cher au cœur des fans pour se permettre de telles infamies. Et ça, même David Gordon Green l’a su, en suivant la même conduite narrative que Rob Zombie en faisant de Michael Myers le Mal absolu, avant de l’enfoncer dans les méandres de la plus abjecte des désolations. Au fond, est-ce qu’il faut finalement juste ne pas confier à un même réalisateur la tâche de réaliser plusieurs films de la même franchise ? On posera la question à Rick Rosenthal…

Faites comme Michael Myers : triez vos déchets.

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