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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

LE SLASHER DU MOIS : PHENOMENA (1985)

Considéré comme l’un des maestros du genre horrifique (tout du moins à une certaine époque), Dario Argento a grandement contribué à la popularité du giallo, qui, dans un sens, reste très proche du slasher movie. Propre à l’Italie des années 70, le giallo se compose lui aussi de codes bien précis, et d’un type de réalisation reconnaissable entre mille. Sur ces différents points, Phenomena répond à tous les appels. Pourtant, cette étrange histoire d’enquête policière par une jeune fille possédée par le don de contrôler les insectes, lorgne en plus sur le fantastique, voire même le fantasmagorique. Cette composition improbable devient l’une des œuvres les plus mémorables du maître Argento, aux côtés de pépites telles que Suspiria, Ténèbres et Les frissons de l’angoisse. Pourtant, si Phenomena est aussi représentatif du giallo, c’est surtout parce que les ficelles qu’il essaye de délier sont aussi grosses que des câbles, devenant par moment l’exemple illustre de ce que ces codes peuvent faire de pire. Ici, le cadre si particulier qui donne en général aux giallos leur dimension mystique est d’une improbabilité presque insultante. Jennifer Corvino (« interprétée » par Jennifer Connelly), en l’absence de son père, rejoint un établissement pour jeunes filles en Suisse, dans un comté alpin où un mystérieux assassin commet des meurtres atroces. Avec l’aide d’un professeur spécialisé (Donald Pleasence), elle va tenter de retrouver la trace de ce tueur.

Donald Pleasence cherchant à savoir ce qu’il peut bien faire dans cette galère…

À cette trame somme toute assez concrète et classique, s’ajoutent les détails qui tuent, rendant à la fois le métrage unique et complètement à côté de la plaque. Tout d’abord, Jennifer a le don de comprendre les insectes, et les diriger par la pensée. Ensuite, le professeur qui lui donne des conseils est paraplégique et aidé dans ses tâches par une femelle chimpanzé adepte de la lame de rasoir. Enfin, pour renforcer encore un aspect décalé déjà bien consistant, l’héroïne décide de retrouver la piste d’un tueur qui s’en prend justement à de jeunes filles comme elle, et ce pour la seule raison que l’assassin a tué la collègue de chambre de Jennifer, qu’elle considérait comme une amie, alors que celles-ci ne se connaissaient que depuis la veille. Passons que Jennifer est prise de crises de somnambulisme inutiles au métrage, et ne justifiant que le fait qu’elle assiste au meurtre de Sophie, sans pour autant être sûre de ce qu’elle a vu. Oublions aussi ces idiotes séquences baignées d’un suspense collant comme du vieux sirop pendant lesquelles Jennifer suit une luciole pendant des heures pour trouver un gant plein de larves, ou celle où elle est confrontée à une odieuse marâtre qui lui ordonne d’avaler un cachet qu’elle sait dangereux mais qu’elle avale quand même, avant de trouver tous les moyens de le vomir (WTF ?!). Dans la foulée, laissons de côté le flic ennuyeux qui ne sert à rien, les marches nocturnes de Jennifer à travers des champs en fleurs sur fond de Iron Maiden, et des dialogues dignes d’un film érotique suisse des années 70. En fait, oublions le film, pour nous concentrer sur un tueur semble-t-il assez méthodique pour échapper aux autorités et assez barbare pour faire des victimes à foison.

Un scénario à sa taper la tête contre les murs…

Décapitations, lame plantée dans le corps ou à travers la tête, coups de ciseaux et de poignard, l’assassin est prolifique. Sa cible : les jeunes filles qui s’égarent aux abords de sa maison vide. Le mystère qui entoure le tueur s’accompagne de plans sur des mains gantées de cuir noir, de gros plans sur les mises à mort toujours très graphiques que l’on connaît au réalisateur (dont le désormais classique coup de la tête traversant une vitre). Du giallo dans toute sa splendeur. Mais pourquoi avoir noyé un tel potentiel sous des bêtises si déconvenues en matière de scénario ? Pourquoi avoir donné au métrage cette aura si lourde d’allégories sur la sexualité des insectes ? Et pourquoi avoir fait du personnage de Jennifer une insipide idiote aux actions et réactions si stupides qu’elles font lorgner ses facultés mentales à la hauteur de celles de la mouche qu’elle suit comme une imbécile ? Et la révélation finale, au sommet des plus colossales absurdités du genre, dévoile une mère hystéro-frappadingue et son fils mutant au visage digne d’un masque de carnaval pour enfants. Mobile en carton : « je tue parce que je suis monstrueux », suivi du « je tue parce que mon fils est monstrueux ». Dans le genre, on aura connu beaucoup mieux, et surtout plus inspiré. Et ce n’est pas comme si Phenomena ne ressemblait pas au mélange d’une longue série de films déjà existants (et pourtant beaucoup moins bêtes). Si la vague Vendredi 13 vient forcément se frotter au duo de tueurs, et que l’héroïne maîtrisant les insectes rappelle vaguement une certaine Carrie White, on peut aussi citer la tombée de Jennifer dans la fosse aux cadavres comme dans Poltergeist, ou bien-sûr l’attaque des mouches sur les fenêtres de l’internat façon Amityville.

Illustration de l’état physique et mental du spectateur à la vue de Phenomena

L’affrontement musclé se fera sur une barque au milieu d’un lac, où la télépathe lancera sur son assaillant miniature des milliers de mouches sorties des profondeurs nauséabondes d’un scénario bien pourri. Ne manquez pas le sursaut final façon Vendredi 13 avec la mère rebelle avant que le singe ne vienne sauver l’héroïne d’une situation à laquelle on n’a failli croire (ou pas). Et c’est sur cet ultime désastre que le générique vient mettre fin à près de deux heures d’inepties bourratives. Certains crient au génie et louent un culte au film, d’autres n’auront que leurs yeux pour pleurer. Dario Argento maintient encore aujourd’hui que Phenomena est le métrage dont il est le plus fier, car il répond exactement et plan pour plan à ce que le réalisateur souhaitait faire de son film. Après ça, comment s’étonner que le maestro se ramasse aujourd’hui à mettre en bobine des films plus ratés les uns que les autres avec une dextérité soumettant le plus absolu des fans à se demander si les chefs d’œuvre du réalisateur n’étaient pas à l’époque de simples incidents de parcours ? Pour ce qui est de Phenomena, résumons le malaise par des mouches, un singe et une belle sotte au service d’un métrage foireux et cliché après lequel on se demande si le plus sombre des crétins est le réalisateur, l’héroïne, ou celui qui a eu la bêtise de regarder le film.

Circulez, y’a rien à (de beau) à voir…

PHENOMENA, UN FILM DE DARIO ARGENTO, ITALIE/USA, 1985

● les + : Donald Pleasence toujours impeccable (surtout comparé à Jennifer Connelly), la musique de Goblin, et quelques meurtres graphiques assez soignés
● les – :
un film trop long, une histoire abracadabrante, des dialogues en mousse et un final ô combien absurde
● meilleures scènes du film :
le meurtre barbare de la jeune Sophie
● pires séquences du film : 
les scènes de somnambulisme, la séquence de la salle de bain de Mme Brückner

Verdict : *****

dans la même veine : BODY COUNT (1986)

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