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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

HALLOWEEN 5 : CRITIQUE EXCLUSIVE

Le retour de Michael Myers dans les salles de cinéma en 1988 a été un succès colossal. Les fans du film original de John Carpenter et les inconditionnels des slasher movies ont été au rendez-vous. Le pli dans le tapis que fut Halloween III est oublié, et la saga peut reprendre de plus belle. Mais en répondant si massivement présent, le public a écarté la partie lucide des films originaux en acceptant irrémédiablement des retours mécaniques du tueur, comme le faisait alors Jason Voorhees envers et contre toute logique, au seul nom du dieu dollar. Le producteur exécutif Moustapha Akkad, lui-même aveuglé par ce succès retentissant, lance la production d’un nouvel opus dès la fin de l‘année en cours. Une décision précipitée qu‘il regrettera amèrement.

Danielle Harris et le réalisateur Dominique Othenin-Girard sur le tournage d’Halloween 5.

Moins d’un an après la sortie d’Halloween 4 sur les écrans, Halloween 5 : la revanche de Michael Myers débarque à son tour, prêt à rafler une nouvelle part du box-office. À sa tête, Dominique Othenin-Girard, réalisateur suisse qui a gagné les commandes du métrage grâce à une audace invétérée auprès de Moustapha Akkad. Son dévolu, il le jette sur une mise en scène calfeutrée, aux teintes et lumières tamisées et baroques, un souci du détail technique qu’il perfectionnera, au détriment d’un scénario (qu’il signe dune main hasardeuse et peu inspirée malgré l’aide de deux acolytes) et d’une direction d’acteurs maîtrisée (le nouveau casting ne fera toutefois jamais rien d’autre suite à ce métrage). Durant le tournage, de nombreux aléas entre le réalisateur et Donald Pleasence viendront étoffer la légende, mais rien de transcendant pour permettre d’éveiller la curiosité des fans ; car le premier problème dHalloween 5, au-delà des défauts artistiques flagrants, fut bel et bien sa sortie précipitée en salles, qui précédait la sortie VHS de l’opus auquel il fait suite. Le seul public que pouvait alors trouver Halloween 5 au cinéma était au mieux le même que celui d’Halloween 4, un risque qui lorgnait de prime abord davantage vers le suicide commercial.

Michael Myers et le Dr Loomis, de retour dans la maison natale du tueur…

La déception ultime d’Halloween 5 réside en la façon dont il traite le final choc d’Halloween 4. Dominique Othenin-Girard ne le poursuit ni ne l’atténue, il ne fait que l’ignorer, faisant de cette scène culte un détail noyé dans une intrigue qui aborde la saga sous un angle fantastique. En effet, on découvre un étrange symbole gravé au poignet de Myers, Jamie devient aphone comme le fut Myers après son premier meurtre, et une liaison télépathique noue à présent le tueur et sa nièce. La malédiction familiale est si intense que les actions et réactions des personnages sont complètement incompréhensibles. Rachel est terriblement inquiète pour Jamie, mais elle décide de s’absenter le soir d’Halloween. Meeker, témoin de la barbarie de Myers sur sa fille unique dans Halloween 4, ne lève pas même un sourcil aux premières alertes de Loomis. Quant à ce dernier, il ne sert dans les trois premiers quarts du film qu’à brailler et geindre à tout va contre une petite fille, si adorable dans Halloween 4 et si énervante dans cette suite. Et pour ce qui est des nouveaux venus, on ne retiendra que Tina, une hystérique et pathétique nymphomane qui prend étonnamment les rennes de l’héroïne du film, une bande de jeunes amis aussi stupide qu’inintéressante, et un duo improbable de flics benêts et lourdingues. Avec cela et les armes incongrues qu’utilise Myers dans le film (fourche, faux, binette), Halloween 5 noue davantage avec un mauvais Vendredi 13 qu’avec une suite valable de La nuit des masques.

Samantha et Tina vont passer une nuit d’Halloween dont elles ne reviendront pas…

Les incohérences sont légion dans Halloween 5, la mise en scène pantouflarde ne fait que mettre l’accent sur ce point. Le réalisateur a tant placé d’énergie dans la photographie et les décors, que la faiblesse des séquences de suspense du film n’en est que plus flagrante. Dès l’introduction du film, Myers échappe à des explosions de dynamite en rampant dans un tunnel qui le conduit à une rivière, situation impossible à la vue de l’espace de la scène de fin d’Halloween 4. Sorti de l’eau, il s’effondre chez un ermite et s’endort pendant un an avant de reprendre sa quête sanglante. Ces dix minutes à peine entamées, le film est enlisé dans l’absurdité la plus regrettable. La nuit des masques avait une efficacité lambda grâce à un suspense quasi-réaliste. Halloween II jouait sur le contre-coup d’un croquemitaine glaçant dans un hôpital de plus en plus désert. Et Halloween 4 réduisait le champ du jour en resserrant les liens d’une ville plongée en plein chaos. Ici, il n’y a pas d’appréhension, seulement des tentatives, parfois efficaces (le jeu de cache-cache avec Rachel, la cachette dans la vieille grange, la poursuite de Jamie dans les draps à la cave de la clinique), parfois vaines (le coup de binette, les meurtres dans la grange, la poursuite en voiture dans la forêt).

Spitz, un énergumène qui risque fort de ne pas voir la mort de face…

Mais Halloween 5 n’est pas mauvais de bout en bout, il n’est pas qu’un film poussif qui accumule de lourdes erreurs, qui expose un masque affreux et qui ne sait pas trop où il va. Sa force, incontestable, réside dans la dernière partie du film, lorsque tous les protagonistes parasites sont anéantis, et que l’intrigue se ressert sur ce qui traîne depuis la fin du film précédent : le face-à-face entre Michael Myers et la petite Jamie. L’excellente idée est d’avoir intégré cette course poursuite dans l’ancienne demeure de Myers. C’est là que le réalisateur tire son épingle du jeu, avec tous les effets qu’il tenait à mettre dans la photographie et la gestion des ombres et lumières. La pression monte crescendo dès l’annonce des hostilités avec une séquence culte, celle des retrouvailles entre le psychiatre Loomis et son irrécupérable patient, plus intenses encore que dans la station service d’Halloween 4. Loomis, qui jusque-là traînait sa mauvaise humeur (communicative) dans tout le film, retrouve son aura douce mais calculatrice pour mener à bien un piège rondement ficelé, mais malmené par la fourberie du tueur masqué. Cet affront, dont Jamie est le bouc-émissaire, grimpe d’un cran lorsque celle-ci, seule contre le monstre, tente de se cacher dans un conduit à linge. La séquence est menée en main de maître, avec un suspense à couper le souffle. La souffrance de Jamie est palpable et par empathie le spectateur est témoin d’un spectacle grandiose et dur pour les nerfs. Le chemin de croix se poursuit dans le grenier. Jamie y découvre les cadavres entassés, comme sa mère dans le final de La nuit des masques, et se résout à se laisser mourir sous la lame de son oncle maléfique.

La petite Jamie Lloyd tente une nouvelle fois d’échapper au monstre…

Ce final d’anthologie est aussi à l’origine d’une autre tentative marketing audacieuse : l’image de Michael Myers ôtant son masque délibérément. Cet élément était avancé à outrance dans les bandes annonces promotionnelles du film, mais il ne s’agit pourtant que d’une semi-arnaque puisque le spectateur ne verra rien d’autre qu’un œil et une larme, jouant sur l’idée que le croquemitaine agit sous une emprise différente que ce que son cœur lui conduit de faire (idée concrètement illustrée dans Halloween 6). Et au moment où la rage meurtrière du croquemitaine reprend le dessus, Loomis refait surface pour perpétrer son ultime vengeance, le summum de sa folie grandissante, l’aboutissement de son désespoir et de son obsession maladive. Donald Pleasence, le légendaire interprète du Dr Loomis, explose à l’écran et offre un jeu d’acteur époustouflant, puisque fut considéré le fait que Loomis faisait alors sa dernière apparition dans la saga Halloween. Cette idée s’arrête donc sur une image emblématique : Loomis pris d’un ulcère et s’effondrant sur un Myers déjà à terre après avoir subi les assauts du docteur. Jamie, presque traumatisée par cette énième expérience, lancera ensuite la réplique objet de la malédiction Myers : « Il mourra jamais ». L’homme en noir, nouveau personnage énigmatique qui traversait jusque-là le métrage à des moments clés, débarque alors au commissariat où est enfermé le croquemitaine et le libère après avoir exterminé tout le corps de police. L’horreur du spectacle qui s’offre aux yeux de Jamie n’est que le début d‘un ultime ré-assaut que mettra en lumière Halloween 6. En attendant, le spectateur devra supporter l’attente qu’implique la scène de fin d’Halloween 5, une coupure nette sur fond noir où s’entame le générique. Une fin paresseuse, simpliste, évidente quand on sait que le scénario n’avait pas de fin ! Preuve ultime que le film, produit à la va-vite, aurait gagné en crédibilité s’il avait été mieux travaillé.

Le Dr Loomis cherche à faire surgir l’humanité restante chez son patient fou…

Les résultats au box-office ont été sévères, les conséquences ont été un silence de six ans, le temps pour les producteurs de se remettre de cet échec artistique et commercial. La déception des fans était immense, et ce temps a été nécessaire pour extraire les points noirs du film et permettre au scénario d’Halloween 6 de trouver des explications à tous les points d’interrogation que soulevait Halloween 5. Dominique Othenin-Girard a toujours persisté à soutenir ses idées et les éléments qu’il a apporté à la saga. Donald Pleasence indiquait quant à lui que malgré toutes les idées téméraires du réalisateur, celui-ci avait tendance à oublier qu’il mettait en scène le cinquième opus d’une saga, et que pour satisfaire les fans, il y a des règles à respecter et un un fil rouge à entretenir. Halloween 5 est finalement une bête noire dans la saga, et l’accumulation de tout ce qu’il ne faut pas faire quand on réalise une suite : de l’empressement, un mauvais casting, un scénario troué, et un potentiel mal adapté. En résumé, dans sa hâte, la saga Halloween se prend pour la première fois les pieds dans le tapis et dévale l’escalier du box-office avec des résultats en-deça de ce qu’avait rapporté Halloween III. La faute à un incontestable manque d’idées pour faire un scénario solide, malgré des séquences efficaces et une réalisation tantôt mollassonne et tantôt culottée. Quelques scènes d’anthologie à l‘impact mémorable tranchent avec des incohérences nombreuses, des idées abjectes et des personnages ennuyeux, et empêchent tout juste le film d’être un total désastre.

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