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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

HALLOWEEN KILLS & ENDS : CHUTES ET DÉSILLUSIONS

Le reboot anniversaire de la franchise, à l’occasion des 40 ans du film original, a réussi le pari de faire renaître le mythe de ses cendres. Halloween 2018 a éradiqué tous les autres opus tournés jusque-là, pour devenir une suite directe remettant (à sa manière) les pendules à l’heure. Michael Myers a fait quatre victimes le 31 octobre 1978, avant d’être interné pendant 40 ans à Smith’s Grove, l’établissement qui l’avait déjà retenu une grande partie de sa vie après le meurtre de sa sœur Judith en 1963. Laurie Strode n’a aucun lien familial avec le tueur, et se terre dans sa forteresse d’infortune aux abords d’Haddonfield, persuadée que le monstre refera un jour surface. Le film, couronné d’un succès critique et public, donne très vite naissance à son tour à deux séquelles : Halloween Kills en 2021, et Halloween Ends en 2022, aux décisions scénaristiques fort discutables. Retour sur les directions prises dans ce triptyque, et les incohérences fatales qui en ont découlé…

Laurie Strode, personnage central aux idées complètement insensées

Halloween Kills faisant suite directe du film de 2018, l’action pour Laurie Strode sera réduite à sa convalescence à la clinique de Haddonfield. Ses blessures de son affrontement avec Michael Myers ne lui laisseront pas le répit de reprendre le combat pour en finir avec le monstre. Impossible de ne pas penser à Halloween II (1981) qui illustrait la même trame, en guise de suite à La nuit des masques originelle de John Carpenter. Mais même quarante ans après, la déception est de mise de voir cet affrontement tant attendu se permettre une pause d’un film entier, bien que cette fois les promesses d’un ultime combat était d’ores et déjà annoncé dans un troisième et ultime film. Malheureusement, et contrairement à Halloween II, Laurie Strode n’aura ici aucun contact avec Myers du tout, laissant le champ libre à d’autres personnages foncièrement moins intéressants. Dénuée de son lien familial (contrairement à la timeline originelle), Laurie Strode n’est plus la proie du monstre, qui n’aura donc en effet dans cette suite aucune raison d’aller la traquer dans sa chambre d’hôpital. Halloween Kills s’avère donc d’emblée meurtri par les bonnes idées d’Halloween 2018, qui n’avait finalement pas le potentiel de se déployer aussi facilement sur 90 minutes supplémentaires…

En l’asbence de Laurie Strode, la relève est-elle assurée ? Réponse : non.

Dès lors, pour cet épisode de transition censé poursuivre l’hécatombe de cette nuit d’horreur sans Laurie Strode, l’équipe du film se charge de réunir les survivants de l’épisode originel, au pire en guise de fan service, au mieux en valeureuse équipe de substitut dans le combat contre le mal. Bien entendu, c’est au pire qu’on aura à faire. L’intention était louable, la réapparition du casting original et les quelques remplaçants pour les rôles-titres ont incontestablement fait battre la chamade dans le cœur des fans. Mais le résultat final (très expéditif, avouons-le) n’ajoute-t-il pas à la frustration générale ? Qu’il s’agisse de Marion, abattue sommairement dès le premier segment sans acte de gloire, l’hérésie de la mort hors-champ de Lonnie ou du shérif Brackett, ou la dévastation finale et totalement ubuesque de Tommy Doyle, on ne peut que comprendre encore une fois que tous ces personnages, chers à l’essence de la saga, n’avaient ici pour raison d’être que du statut d’apparitions en vue de complètes et amères éradications. Une décision regrettable qui accentue le fait qu’aucun protagoniste n’est en vue de remplacer l’éternelle final girl qui, elle, geint au fond de son lit d’hôpital en attendant la fin de la bobine. Pire encore, le traitement fait à sa fille Karen, force potentielle du premier opus qui tirait son épingle du jeu en voguant sur les deux tableaux de pathétique/héroïque pour mieux surprendre. Cette fois, outre l’événement dramatique de la clinique avec le copycat malheureux de Michael Myers, il n’y a que la redite du « gotcha« , à l’issue fatale pour le personnage de Karen, qui trépasse honteusement sans avoir eu droit à une séquence percutante dans cette suite, voire même une véritable confrontation solide avec le croquemitaine. Tout cela sans compter sur le traitement fait à tous ces personnages, et même à d’autres, dans Halloween Ends, mais il faudra encore patienter un peu pour le réaliser.

Laurie Strode en convalescence. Toute ressemblance avec Halloween II est bien entendu fortuite.

Heureusement, Halloween Kills peut compter sur le retour d’un autre emblème surgissant des entrailles du mythe : la maison de Michael Myers. Parfaitement remise à jour dans plusieurs séquences mêlant habilement l’humour et le suspense, elle fera toutefois naître elle aussi davantage de questions que de réponses. Pourquoi dans ce film Michael Myers cherchait-il inexorablement à retrouver le chemin de son ancienne demeure ? Que vaut cette image intense mais désœuvrée de lui enfant avec le regard perdu à la fenêtre ? Plusieurs théories sont nées de ces images, affublées d’un potentiel souvent frôlé dans la saga sans pour autant être véritablement exploité (Loomis attendant Myers dans sa demeure dans le film original, sa suite, puis Halloween 5 et 6, ou le retour du tueur dans ses murs dans Halloween Resurrection), notamment avec l’idée que le simple et bête but du croquemitaine était de retourner là où tout a commencé, sans pour autant chercher à expliquer pourquoi, ni à convaincre qui que ce soit que cela puisse être une fin en soi pour sa sanglante aventure. Pour être sûr de ne pas devoir se repencher sur cette question par la suite, Halloween Ends décide d’annoncer que la maison d’enfance de Michael Myers a purement et simplement été détruite. C’est bien plus pratique.

Pourquoi Michael Myers cherchait-il à retrouver sa maison ?

Les splendides séquences de flash-back, savamment mises en scène de façon à ponctuer le film, ne serviront au final (hormis au plaisir de replonger en l’an de grâce 1978) qu’à expliquer le rôle de l’officier Hawkins dans l’arrestation de Myers cette nuit-là, et d’ajouter à la dimension organique qui pousse ce personnage à avoir sa revanche sur le tueur. Cette fois encore, il y avait là une subtile idée indiquant qu’un autre personnage que Laurie Strode, animé de véritables tourments revanchards, puisse se mesurer au croquemitaine. Un potentiel finalement survolé dans Halloween Kills et délibérément oublié dans Halloween Ends, métrage durant lequel Hawkins ne sert qu’à pousser son chariot de courses et fabuler sur sa romance avec Laurie au milieu de cerisiers en fleurs… En tout et pour tout, Halloween Kills a tenté dans son entièreté à insuffler à la totalité des habitants d’Haddonfield un esprit de vengeance brute contre Michael Myers, au point de soulever les foules contre une force mystique invulnérable, qui a bien vite fait de les changer en âmes désabusées, voire désespérées, dans Halloween Ends. Celles et ceux qui n’auront pas succombé sous la lame de Michael Myers dans Halloween Kills, se plieront dans les méandres de l’oubli dans Halloween Ends, au profit de nouveaux personnages, voire même d’un seul : le sinistre Corey Cunningham.

Des images aguicheuses dont les intrigues ont sombré dans le néant

Notons en passant qu’après avoir si difficilement mais arbitrairement effacé tous les métrages qui le précédaient, Halloween 2018 avant réussi la prouesse de remettre Michael Myers sur la voie de la crédibilité dans le sens où il redevenait un électron à l’aura partagée entre l’être humain habité par une personnalité sombre et meurtrière et la menace fantomatique frappant là où on ne s’y attend pas. Qu’à cela ne tienne, Halloween Kills annule cet effet en redonnant au tueur masqué ce pouvoir d’invulnérabilité exploitée jusqu’à la moelle des os dans la saga d’origine, faisant perdre à Michael Myers toute vraisemblance et basculant à nouveau vers la facilité et l’excès. Coupable de quatre meurtres en 1978 alors qu’il n’avait que 21 ans, Michael Myers éradique à présent une quarantaine de personnes du haut de ses soixante berges, après un isolement de 40 ans pieds et poings liés dans les couloirs étriqués de la clinique de Smith’s Grove. Un défi à la logique.

Michael Myers redevient une créature increvable à la limite du surnaturel.

Le croquemitaine, figure mystique et représentation enfantine du monde des ténèbres que cite le commun des mortels pour se faire peur, cherchait lui aussi à se dessiner sous la houlette d’un monstre plutôt qu’un homme, comme aimait le souligner Laurie Strode lors de son échange avec les journalistes au début d’Halloween 2018. Il faut croire au croquemitaine, comme elle pendant 40 ans, qu’importe si on parle dans Halloween 2018 d’un meurtrier prisonnier au sens littéral, qui se voit soudain pourvu dans Halloween Kills de pouvoirs surnaturels en cours d’hécatombe, au point de devenir dans Halloween Ends une bête camouflée pendant 4 ans dans les égouts en attendant qu’on lui recharge ses batteries. En un métrage, sensé (rappelons-le encore une fois) prolonger le film de 2018, Halloween Kills ruine tout ce qui a été remis en place pour rattraper à la vitesse de la lumière la surenchère qui était si souvent reprochée aux opus précédents (dont les versions signées Rob Zombie). D’abord comparé dans Halloween Kills à un être qui « se transcende à chaque meurtre », puisant sa force dans le mal, puis lorgnant toujours sur l’idée d’une force surnaturelle animée par la soif irrémédiable de « tuer pour exister », Halloween Ends, dans sa séquence finale, refait de Myers un homme (affaibli et pauvret) qui meurt comme un homme. Rien de plus. Le tout, bien entendu, sans jamais tenter d’expliquer d’où Myers sort ce pouvoir de régénération et d’immortalité. Ce pouvoir, il l’a contre sa troupe d’assaillants dans Halloween Kills, mais ne l’a pas contre Laurie dans Halloween Ends.

Une force de la nature prête à affronter vents, marées… et abysses de l’incohérence.

En 2022, un an après Halloween Kills, Halloween Ends vient donc s’étaler sur les écrans, prêt à mettre à jour l’ultime face à face entre Michael Myers et Laurie Strode. Pourquoi elle ? Parce que les fans l’attendent, et ce, malgré qu’elle n’est concrètement plus liée au monstre que par le désespoir d’une vie en total décalage social, et la perte de sa fille en plus de celle de ses amis quarante ans plus tôt. À cela, connaissant l’implication de Jamie Lee Curtis pour le rôle qui l’a révélé au monde, on notera de prime abord la plus grande supercherie comportementale qu’il était possible d’imaginer pour son personnage. Laurie Strode, unique survivante du massacre de Haddonfield en 1978, passe quarante ans terrée dans une bicoque transformée en caserne militaire blindée de pièges et d’armes à faire pâlir le Pakistan, se préparant jour après jour à affronter un être diabolique enfermé tout ce temps entre quatre murs dans un lieu bien précis, connu de tous et sous surveillance sévère et constante. Par contre, après le massacre de 2018, cette même Laurie, frappée jusqu’au cœur avec la mort de sa propre fille sous la lame du monstre, s’installe au centre-même d’Haddonfield dans une demeure où il fait bon vivre et où l’on prépare en famille des tartes à la citrouille, le tout en complète sérénité, alors que le tueur est porté disparu après avoir saigné la ville toute entière. Comment la peur viscérale qui a pourri la vie de Laurie pendant 40 ans peut être reconsidérée avec autant de légèreté dans Halloween Ends ? Comment la perte de sa fille peut n’avoir comme impact que le vulgaire dépôt d’une photo sur la cheminée et cette faculté de passer si vite à autre chose ? Quels méandres ont pu s’emparer des scénaristes pour nous faire gober que Laurie puisse trouver la paix intérieure en se campant à rédiger ses mémoires dans un recueil dont tous les habitants de Haddonfield se foutent royalement ?

Jamie Lee Curtis adressant un subtil message aux bien pensants

Un virage à 180 degrés a été engagé avec Halloween Ends, comprenons-le bien. Cet ultime opus décide de mettre en scène un contrepied décisif auquel les fans ne sont pas préparés. Les nouvelles bases sont posées dès la scène d’ouverture. Une histoire alternative au massacre de Michael Myers se dessine pour renouveler ce qui d’entrée pouvait paraître réchauffé. Le problème étant que le personnage de Corey, et la dominante dramatique qui l’entoure prend le pas sur le film tout entier, encore habité par d’autres personnages dont l’issue n’a pas été correctement exploitée. L’intrigue fait donc fi de Lindsey Wallace, du shériff Barker et de Frank Hawkins, les reléguant à de brèves et passablement inutiles apparitions.

Les personnages à fort potentiel et grands oubliés de cet ultime opus.

Avec la trame de Corey Cunningham, qui de la toile de fond passe très vite au premier plan, ce sont les agissements généraux des personnages restants qui manquent cruellement de consistance. Le cas d’Allyson est le plus flagrant. Son état de désespoir accru par la mort de ses parents et amis lui est totalement légitime, mais son besoin de sombrer dans les méandres destructeurs de Corey restent absurdes, surtout lorsqu’elle reproche à sa grand-mère de la tirer vers le bas, alors qu’elle s’en charge très bien elle-même. Sa relation amoureuse avec Corey nait du besoin de lui venir en aide, voire de le sauver de ses tourments, plutôt que de subvenir à ses propres besoins, comme s’il s’agissait d’un concours du plus malheureux des deux, emportant avec eux toute la misère du monde plutôt qu’une véritable rédemption. Corey, quant à lui, joue sur plusieurs tableaux, alliant l’image du bad boy au grand cœur, empli de sa part de fragilité mais ambitieux sur un avenir commun avec Allyson loin d’Haddonfield, et des revers obscurs qui le conduisent au meurtre et à son propre anéantissement. Sa déclaration à Laurie (« Si je ne l’ai pas, personne ne l’aura« ) est finalement plus une menace qu’un cri de désespoir, pensant à son salut personnel plutôt qu’à l’envie réelle de sauver Allyson de sa détresse. Son geste suprême contre lui-même est d’ailleurs l’ultime signe d’affront adressé à l’encontre de Laurie. Allyson quant à elle, peut-être sous couvert de naïveté, est prête à tout quitter par amour pour son soupirant. Si la romance entre Allyson et Corey occupe une grande place dans le film, une difficulté se pose à l’issue du film, à la mort de Corey. Car bien qu’il s’agissait avec certitude de l’épisode final de cette nouvelle trilogie, l’idée du mal qui change de forme ne mène à rien si Corey ne survit pas pour endosser ce que Myers perd à la fin du film. Cette audace scénaristique de trouver un nouvel hôte au mal qui ronge Myers était l’idée la plus forte et dévastatrice qui pouvait germer dans la tête des scénaristes et producteurs. Un métrage téméraire qui arrive malheureusement trop tard car il s’ajoute à tout le potentiel (cahier des charges ?) indispensable à la clôture de la saga. Car ce que le public attendait, c’était un film sur l’affrontement final entre Myers et Laurie, pas un combat réduit à une scène de 10 minutes dans une cuisine avec un Myers piégé sous un réfrigérateur (qui après ça ose encore critiquer le final jugé expéditif d’Halloween 20 ans après ?).

Corey Cunningham… tout ça pour ça ?

N’omettons pas de dénoncer que si le film a l’insolence de prendre le public à revers, il ne lui offre même pas le plaisir de voir à l’image les mises à mort des personnages qui le méritaient tant (soit tout le contraire de ce que présentait Halloween Kills, très généreux en gore quand il s’agit du tuer des innocents). Ici, on devra deviner ce qu’il advient des petites frappes aux prises avec Corey ou la mère de ce dernier, pour exposer plus précisément le sort de personnages totalement inutiles à l’histoire (le Dr Mathis, Willy the Kid…). Une pirouette assez incroyable à la vue de la boucherie assumée jusqu’à l’os dans le film précédent où un quasi gros plan était exposé à chaque meurtre pour que le spectateur n’en perde pas une miette. Avec Halloween Ends, c’est dans les scènes alternatives que le spectateur devra chercher son contentement. Michael Myers finissant sa course avec un nombre de meurtres encore plus faible que dans le film original, soit 4 morts à son actif (dont un SDF inanimé en hors champ, et un Corey baignant déjà dans son sang). Triste constat final.

Des mises à mort clé qu’on ne verra pas dans le film. Dommage…

Enfin, un dernier versant de l’intrigue du film de 2018 promettait un regard neuf sur la saga, en indiquant via le Dr Sartain de la possibilité qu’un monstre peut en engranger un autre. Cette présentation inédite, déjà envisagée par les deux journalistes avant leur arrivée chez Laurie, pouvait être un angle original et ambitieux plus intéressant que l’histoire développée dans le dernier axe de la trilogie. L’erreur de cette nouvelle trilogie n’a pas été de tenter quelque chose de nouveau avec Halloween Ends, mais de l’avoir fait bien trop tard, après avoir brassé du vent dans Halloween Kills. Et ce après avoir ramené sur le devant de la scène autant d’intrigues et de personnages pour mieux les jeter dans le puits de l’oubli, ce qui risque d’ailleurs d’arriver à cette trilogie toute entière dès lors qu’un ambassadeur novateur de la saga s’arme à l’idée de développer un nouveau segment du mythe. Avec peut-être cette fois autant de respect pour les fans que d’irrévérence pour les sentiers battus.

Le nouveau monstre potentiel de ce nouveau triptyque semble bien las… Nous aussi.

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2 Commentaires

  1. LEBACQ 14 octobre 2023

    Très bon article, comme d’habitude. Il est tellement dommage de proposer tellement d’idées et de les laisser tomber, sans raison aucune. Beaucoup de personnages auraient mérités un traitement plus noble et beaucoup d’éléments scenaristiques restent sans réponse. En tout cas merci j’ai beaucoup aimé la lecture de ton article.

    • ze shape 16 octobre 2023 — Auteur d'un article

      Merci pour tes appréciations Guillaume. 🙂
      On espère un meilleur traitement des personnages et de la saga dans la série à venir… 😀

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