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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

HALLOWEEN 8, LORD OF THE DEAD : L’IDÉE AVORTÉE

Daniel Farrands, le scénariste d’Halloween 6, doit sa carrière à sa rencontre avec Moustapha Akkad, à qui il a présenté très tôt au début des années 90 son script de potentielle suite à Halloween 5. Il n’était alors pas induit professionnellement dans le domaine de l’écriture, mais était un fan invétéré de la saga, au point de la connaître par cœur. Son objectif : répondre aux questions soulevées par le film de Dominique Othenin-Girard en 1989 et revenir aux sources du mythe, et par là, aux origines du mal qui ronge Michael Myers. Interrogé par le site Bloody Disgusting, Daniel Farrands révèle l’étendue de son projet :

« Dans ma grande et jeune naïveté, certainement due à ma jeunesse et à mon exubérance, j’avais à l’époque écrit ce truc épique de 35 pages environ, dans lequel il se passait énormément de choses. Lorsque monsieur Akkad [producteur exécutif de la saga, NDR] l’a lu, je ne savais pas à quoi m’attendre quant à sa réaction. Je me suis dit « Ça passe ou ça casse ». Mais il l’a lu et m’a dit : « Je pense que c’est fantastique, mais il y en a beaucoup trop. Nous devons réduire cela de moitié, et la première partie sera le 6. Ainsi, nous aurons une feuille de route de ce que sera le 7 ». Il était, je pense à l’époque, assez sérieux à ce sujet. Donc le début de tout ça était le traitement originel d’Halloween 6, qui était trop ambitieux. Trop gros, trop cher pour en faire un seul film. À l’époque, ils ne donnaient pas de feu vert à plusieurs productions consécutives [à la façon Halloween Kills & Ends, annoncés simultanément, NDR]. Rétrospectivement, si les choses avaient été actées à ce moment-là, du style « Faisons-en deux ! », nous aurions eu Halloween 6 et 7 et ainsi une clôture à l’histoire. Mais à ce moment précis, nous n’étions que dans la continuité de mon histoire avec Halloween 6. ».

La fin d’Halloween 6 (version cinéma ou Producer’s cut) montre le départ de Tommy Doyle, Kara et Danny Strode, avec le bébé de Jamie Lloyd. Mais Farrands révèle que l’histoire ne s’arrêtait pas là, et ce dès le final de son script originel, dans lequel Kara mourrait, et Tommy était accusé de son meurtre : « La fin de mon scénario était ainsi. Pas eux qui partent en jeep. Ils se rendaient à la station déservant les bus, la même que celle où tente de se réfugier Jamie Lloyd au début du film pour passer son appel à Loomis. Il pleut des cordes. Tommy entre dans la cabine pour tenter de joindre le 911, sans succès. Pendant ce temps, Kara descend aux sanitaires avec les enfants. Puis un cri retentit. Tommy court en trombe vers l’étage du dessous, découvre une mare de sang, puis Kara, la gorge tranchée, tendant une main vers lui. Les enfants ont disparu. Des sirènes retentissent. Tommy est dans une merde noire« . À partir de là, Tommy serait en cavale, tentant de fuir les autorités… et Michael Myers toujours lancé à ses trousses. « J’ai été inspiré par The Hitcher, dans un versus entre Tommy et Michael, un genre d’idée d’autoroute sombre, leur route vers Haddonfield. La suite de ce traitement était mon idée de scénario pour Halloween 7. Cette ébauche de scénario se déroulait à Haddonfield. Les gens y sont un peu comme dans Halloween Kills [ou à l’époque du traitement de Dennis Etchison, dans la version alternative d’Halloween 4, NDR], c’est-à-dire engagés dans leurs coutumes d’Halloween, mais conscients que quelque chose de dramatique s’est passé, et que la peur envahit les rues. Les portes se verrouillent. Des groupes de milices se forment. Pas de foules entières, mais des gens, dont certains commencent à se faire tuer. Très vite, nous réalisons finalement que ce clan, cette société secrète louant le dieu Thorn, est composée d’un grand nombre d’habitants de Haddonfield. Cela ne se limitait pas aux quelques illuminés de la clinique de Smith’s Grove. Il s’agit bel et bien d’un rituel. L’histoire d’une famille choisie pour être sacrifiée, une tradition remontant aux premiers jours druidiques de la célébration de Samhain. Dans cet élan de folie, toute la ville serait sortie, à la manière de The Wicker Man [Le Dieu d’osier, film fantastique de 1973 avec Christopher Lee, NDR], pour le sacrifice final. L’objet de cette célébration païenne : Jamie Lloyd et Michael Myers. Mais une silhouette apparaîtrait parmi cette foule : celle de Laurie Strode, de retour pour sauver sa fille. Fin du film »

C’était donc sur ce coup de théâtre que se clôturait le script d’Halloween 7 dans l’esprit de Daniel Farrands : « C’était censé être le retour de Laurie Strode. Je me souviens d’ailleurs, en en riant aujourd’hui, qu’à cette information, Moustapha Akkad m’avait répondu : « C’est bien ! Mais Jamie Lee est une grande star aujourd’hui. Elle ne reviendra jamais dans la série. Il faudra donc penser à autre chose ». C’est amusant d’y repenser désormais, quand on sait qu’elle a joué dans cinq films supplémentaires« . Bien entendu, cette pirouette remet en cause la mort du personnage de Jamie Lloyd dans Halloween 6, via une machine agricole dans la version cinéma, tuée par balle dans la version Producer’s cut : « Non, tout cela est venu plus tard, à la demande des studios. C’est relatif à la controverse sur la participation de Danielle Harris au film. Un traitement horrible, comme si elle était l’actrice d’un jour. Elle a eu raison de refuser, même si ça a été un crève-cœur pour les fans, et j’en étais. Le film est devenu la proie des géants des studios, gourmands et méchants, mais qui ont depuis eu le revers de la médaille. On récolte ce que l’on sème, n’est-ce pas ?« . Et lorsqu’il est question de la suite, de cet Halloween 8 et ce qu’il mettait en place, Daniel Farrands répond : « On ne savait pas vraiment. Le fait qu’on m’ait déjà demandé d’écrire le 6 était époustouflant à l’époque, il n’y avait pas de vision plus large à mon sens. Surtout que Moustapha Akkad ne partait donc pas du principe que la présence de Jamie Lee Curtis (et donc de Laurie Strode) soit possible, ça m’aurait donc obligé à revoir mon scénario. À moins que le 6 ait été un tel succès que nous ayons lancé le projet et peut-être que Curtis serait revenue. Ça aurait été génial. Ces éléments ignorés d’un film à l’autre, j’estime que c’est de la triche. Voir Jamie Lee Curtis et Danielle Harris aurait été cool pour boucler la boucle. Une belle façon de relier les points entre eux »

Faire suite à Halloween 5 et son grand nombre de questions en suspens n’avait pas été une mince affaire. Toutefois, après les modifications effectuées sur le montage cinéma d’Halloween 6, en rédiger la suite aurait impliqué d’expliquer de nombreux mystères et libertés prises par les studios : des fœtus momifiés au liquide vert sortant du masque de Myers lors de son passage à tabac par Tommy Doyle… Farrands décline cette responsabilité : « Je ne pense pas qu’on puisse apporter réponse à ça. On ne peut pas tout expliquer. Honnêtement, on m’aurait demandé de donner suite à cela, j’aurais répondu avec grande franchise que je ne saurais pas par quoi commencer parce que je ne sais même pas de quoi il s’agit !« .
Tandis qu’Halloween 20 ans après a finalement été produit à la place d’Halloween 7, le scénariste Daniel Farrands a été rappelé pour présenter une version d’un potentiel Halloween 8, avec pour défi de faire revivre Myers après sa décapitation par Laurie Strode à la fin du film précédent : « J’ai toujours été très proche et en bon contact avec la famille Akkad. Leur plan a toujours été clair : « Même si elle lui coupe la tête à la fin d’H20, il reviendra ! ». Nous savons qu’il revient toujours, et j’avais une idée de comment ça pouvait se passer. Malek Akkad et son père Moustapha m’avaient alors encouragé à leur écrire une ébauche et la leur envoyer. C’est ce que j’ai fait. Ça s’appelait Halloween 8 : Lord of the dead. C’est en tout cas le titre que j’ai choisi et tamponné sur la page de couverture du script envoyé à Malek et à son père, mais il n’a pas été publié. Je doute que ça soit allé au-delà de leur bureau, parce Dimension avait sans doute sa propre idée de la suite« . Cette ébauche de Farrands faisait suite à H20 et réussissait la prouesse de renouer avec Halloween 6 et les autres films oubliés lors de cet opus anniversaire : « De mon point de vue, je me suis en quelques sortes inspiré du traitement original que j’avais envisagé lors de mes premières écritures de l’opus 6. Je me suis même dit que ce qui était intéressant ici, c’est que Michael Myers est clairement mort à la fin d’H20… mais ils veulent que la franchise continue. J’ai donc rédigé cette très brève version, en m’inspirant de mon Halloween 6/7, simplement remis à jour pour qu’il concorde avec H20. Cela commençait par une sorte de résumé des événements d’Halloween 6 et H20, presque à la manière d’une journal télévisé. Évidemment, quelques années s’étaient écoulées, mais Tommy était en fuite et se cachait. Il sort finalement de son trou et est attaqué par ce qu’il croit être Michael Myers. Il finit par retourner à Haddonfield. L’intrigue déployait aussi l’idée que Tommy Doyle parcourait le recueil de Loomis, ses mémoires de psychiatre, qui rassemblaient en quelques sortes les morceaux de l’histoire de Michael Myers. Il s’intéressait vraiment à cela, au point de devenir obsédé, voire hanté par le croquemitaine. Il avait changé physiquement, était barbu, une sorte de Loomis 2.0.« 

Une grande partie d’Halloween 8 racontait les années d’isolement de Michael Myers à Smith’s Grove (tout comme le projet The missing years, un temps envisagé par Moustapha Akkad pour faire suite à Halloween Resurrection), comment cela a affecté Loomis. Parallèlement, il y avait cette histoire de meurtres autour de Haddonfield, Tommy était soupçonné d’avoir commis les meurtres (dont ceux du final de Halloween 6, et celui de Kara Strode). Les événements d’Halloween 20 ans après étaient inclus, et ramenait l’affaire à Haddonfield : « Le truc, dans mon propos, c’est qu’une fois que l’enfer s’est déchainé, que les meurtres ont commencé, que le chaos de produit à nouveau dans la bourgade originelle de Michael Myers, Tommy assume son rôle de nouveau Loomis et affronte le croquemitaine pour le démasquer et l’éradiquer une bonne fois pour toutes. Dans le final, le tueur sous le masque Myers s’avèrera être Laurie Strode elle-même. Devenue complètement folle, marquée jusqu’au désespoir par les événements auxquels elle a à peine survécu, elle est devenue comme The Shape. Cela avait tout son sens pour moi, après le final d’H20. Car ce que vous entendez, après qu’elle lui ait tranché la tête avec une hache, c’est sa respiration, forte, distincte, comme celle de Michael à la fin du film original. Je pense que c’était une configuration parfaite. Surtout que les Akkad m’avaient bien dit que Jamie Lee Curtis était tenue par contrat à un caméo de cinq minutes. Je leur avais même balancé : « Eh bien, réservez-lui les cinq meilleures minutes. Ne la tuez pas dès le début du film ! », ce qu’ils ont malheureusement fait dans Halloween Resurrection. Pour moi, ça ne faisait pas de doute : il fallait marquer le coup. Je pensais : si vous comptez la faire revenir, ne le dites pas au public. Faites-en une grande surprise. Abordez l’histoire, développez-la, mettez Laurie dedans à la fin, sous le masque, lors de la révélation ultime. Laurie Strode, la tueuse du film. Un vrai choc, comme Jamie à la fin d’Halloween 4« 

Cette grande révélation a finalement été adaptée en bande dessinée dans le triptyque Halloween I, II et III édité chez Chaos Comics en 2000 et 2001. « Phil Nutman, scénariste de BD, était venu me voir parce qu’il savait que j’avais écrit un des opus ciné. Lui ne se disait pas aussi « calé » que moi sur le sujet. Aussi ai-je pensé que puisque cette idée de menait nulle part au cinéma, pourquoi ne pas la retranscrire sur ce support pour lui donner vie ? Sa bande dessinée a dont été basée sur cette idée que j’avais écrite« . Une façon de ne pas voir mourir cette idée et ce coup de théâtre, qui n’aurait jamais trouvé d’arrangement au sein des studios propriétaires des droits ciné, toujours selon Farrands : « Rien de tout cela n’aurait été pris au sérieux. Je savais comment était la politique à ce moment-là. C’était très moche les animosités entre le camp Dimension/Miramax, toujours en désaccord avec le camp Nightfall/Akkad. Il n’y avait rien d’amical dans leurs rapports après Halloween 6. Je pense que malgré Halloween 20 ans après, il y avait toujours une tension, un malaise, voire un malheur. Ce n’était pas un bon mariage, et je pense que les Akkad auraient adoré s’en séparer à de nombreuses reprises au fil des ans, mais comme Dimension avait une option continue, s’ils avaient donné le feu vert à un autre film dans ce trop court laps de temps, Dimension aurait continuer à contrôler ces suites. Je ne suis même pas sûr d’avoir eu un retour quand à ce script que j’ai rédigé à l’époque. Il a du se retrouver sur ou sous une pile d’autres traitements, mais j’ai apprécié qu’ils m’ouvrent à nouveau une porte. Nous sommes restés en très bons termes et ont toujours fait preuve de soutien et d’une grande gentillesse à mon égard. Après l’accueil mitigé d’Halloween 6, personne d’autre qu’eux n’auraient eu de considération pour mon travail chez Dimension. Mais au final, l’univers d’Halloween est en constante expansion et prend des tournures différentes à chaque film. C’est un peu comme autant de choix potentiels qui s’offrent à vous, pour que vous choisissiez l’aventure qui vous plaît. Il sera intéressant de voir où ira cette franchise, après la fin de cette trilogie de David Gordon Green, dans un an ou deux, car je sais pertinemment que ça n’est pas terminé. Halloween, c’est comme Noël ou Thanksgiving. Halloween vivra éternellement« 

(sources : Bloody-Disgusting, Wikipedia, HalloweenMovies)

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2 Commentaires

  1. Guillaume 15 novembre 2023

    Passionnant de voir ce que les scénaristes en général et Daniel Farrand en particulier arrivent à imaginer. Ça va un peu dans tous les sens mais firxe est de constater la passion qui animé le scénariste.

    • ze shape 16 novembre 2023 — Auteur d'un article

      À ce niveau, c’est vraiment de la passion, en effet. Farrands est quelqu’un de très animé et de très productif, pour la saga et pour le genre en général.

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