Face à une machine à tuer telle que Michael Myers, aux allures de colosse inarrêtable, tous les moyens ont été mis en œuvre pour stopper le mal. Le Dr Loomis, le premier conscient de l’étendue diabolique du personnage, aura lutté toute sa vie pour éradiquer son patient, et ce de toutes les manières possibles. Par la voie médicale tout d’abord, dans le cadre de ses fonctions, puis en usant de tout le poids nécessaire (malheureusement insuffisant) pour garder Myers enfermé pour le restant de ses jours. Incapable d’empêcher l’inéluctable, le Dr Loomis se mettra en suite à la poursuite de l’évadé, afin de prévenir et ameuter les effectifs indispensables en mesure de l’aider dans sa quête. Si dans le film original rien ne semble pouvoir barrer la route du croquemitaine, certains des opus suivants ont mis en lumière des alternatives visant à l’anéantissement du mal. Retour sur ces tentatives, leurs explications, et leurs conséquences sur la franchise.

HALLOWEEN II : LES LIENS DU SANG
Première suite à explorer plus substantivement l’aura de Michael Myers, qui a conduit la saga dans une direction regrettable d’après son créateur John Carpenter mais nécessaire pour la franchise, et ce pour les dix premiers opus de la saga : le lien familial. Cet élément-clé, donnant au tueur la raison pour laquelle il traque sans relâche sa victime incarnée par Jamie Lee Curtis, donne lieu à une tentative désespérée de Laurie Strode de stopper Myers lorsque celui-ci s’avance vers elle d’un pas décidé, scalpel à la main. Un seul nom, une seule voix, et Myers s’arrête net le temps d’un instant, comme touché au cœur d’entendre sa petite sœur l’appeler par son prénom. Mais la force malfaisante reprenant rapidement le dessus, Myers relève la tête et se remet en route, obligeant Laurie à faire usage de son arme pour l’empêcher de l’atteindre. À noter qu’au moment de cet élan désespéré d’attendrir le croquemitaine dans Halloween II (1981), Laurie n’est pas encore en totale connaissance que le tueur est son frère. Le film, qu’il s’agisse de la version cinéma ou la version TV, ne fait que lancer des suppositions sur l’état de conscience de Laurie envers son lien avec Michael. Des rêves, des paroles dans une scène alternative (« Mama, he won’t die ! He won’t go away ! » lancé par Laurie au téléphone comme si elle était en ligne avec sa mère), tous peut-être la conséquence du traitement médicamenteux de Laurie dans le film, mais tout autant de signes rattachant la victime au secret qui entoure sa malédiction familiale.

HALLOWEEN 5 : AMADOUER POUR MIEUX FRAPPER
Sur cette même lancée d’héritage familial, Halloween 5 (1989) met le paquet. Jamie Lloyd sait qui est son oncle, au point d’avoir engagé un lien télépathique avec lui. Si cette nouvelle attache ne lui permet pas de stopper le mal, elle usera d’un autre stratagème, sans doute sincère, celui de l’attendrissement. Acculée dans le grenier de la demeure Myers, allongée dans un cercueil, et prête (qui sait ?) à subir l’ultime coup de lame de son oncle, Jamie l’interpelle soudain et dans un dernier élan de désespoir, cherchant à nouer avec celui qu’elle considère envers et contre tout comme un membre de sa famille. À la façon d’Halloween II quelques années plus tôt, Myers s’arrête et ira cette fois jusqu’à s’incliner devant la petite fille, et ôtera son masque pour révéler le temps d’une larme sa profonde vulnérabilité. L’erreur de Jamie aura été d’essayer de renforcer ce moment de fragilité par un contact physique lorsque celle-ci s’approchera du croquemitaine pour lui toucher le visage, provoquant à nouveau la colère, devenue fureur, d’un tueur définitivement enseveli sous le fléau de sa folie.

Dans le même film, le réalisateur Dominique Othenin-Girard, également co-scénariste, confronte à plusieurs reprises le Dr Loomis et le tueur sanguinaire. Après un échange ténébreux et lointain dans les bois aux abords de Haddonfield durant lequel le psychiatre somme son patient de le retrouver dans son ancienne demeure, les deux protagonistes finissent par une communion en plan beaucoup plus serré, prouvant la ténacité de Loomis et surtout son courage à se mesurer frontalement à l’impitoyable tueur en série. Le couvrant d’un discours émotif calculé au millimètre près, Loomis tente de tout pour le tout afin de conduire Myers dans un piège. Cet échange, séquence culte dans la saga, sonne comme l’ultime séance médicale du psychiatre envers son patient malade. Visant à l’attendrir, en rappelant des souvenirs de Michael enfant en les murs qui l’ont vu grandir, Loomis cherche une nouvelle fois à faire resurgir la part d’humanité qui reste en Myers. Tout en ayant toutefois un plan B visant à éradiquer le monstre, démontrant que Loomis a beau paraître fou, il n’a plus aucun doute sur le côté irrécupérable de son patient, qu’il souhaite mort à tout prix. À noter ici qu’à certains stade du projet, il a été envisagé que Loomis croyait encore fermement à une possible guérison de Michael Myers, comme en témoigne le script de Halloween 5 : the killer inside me, un temps envisagé par la production pour la suite de la saga.

HALLOWEEN 6 : LE POUVOIR DES RUNES
Tommy Doyle a étudié Myers pendant des années, découvrant sous couverts de multiples théories l’origine de la malédiction du tueur d’Haddonfield. Dans la version producer’s cut d’Halloween : the curse of Michael Myers (1995), il tente de stopper le tueur en s’opposant à la malédiction elle-même. Manipulant le pouvoir des runes (alphabet ancestral utilisé dans la malédiction de Thorn, tirant ses origines dans les rites païens de Samhain) lors d’une confrontation musclée avec le tueur, et à deux doigts d’être étranglé par ce dernier, Tommy invoque Samhaïn et paralyse le croquemitaine dans son élan. Dépourvu de son pouvoir destructeur, Myers n’est plus animé par le moindre mal… jusqu’à ce que s’approche de lui le Dr Wynn, son mentor, qui lui a inculqué cette malédiction alors qu’il était encore enfant. Prêt à en découdre avec le responsable de sa folie, Myers se réanime. La fin du film induit tout de même que Myers s’échappe des murs de Smith’s Grove, libéré de sa malédiction. Les pouvoirs de Thorn sont alors transmis de Wynn à Loomis, qui devient malgré lui le nouveau dirigeant de la secte qu’il a cherché à combattre toute sa vie. Cette version du film, aussi décriée que la version cinéma, donne à la fois la raison du mal et la solution à celui-ci, osant aborder pour la première fois dans la saga l’idée que Myers est vaincu par l’usage du pouvoir par lequel il est devenu un tueur sanguinaire.

HALLOWEEN H20 : LE CHOC FRONTAL
Omettons l’existence d’Halloween Resurrection pour considérer le final d’Halloween 20 ans après (1998) pour ce qu’il est vraiment : un épilogue homérique confrontant Laurie Strode à son frère Michael Myers, revenu la hanter dans un épisode anniversaire puissant. Abandonnant moult personnages et intrigues des films précédents pour se reconcentrer sur la trame basique originelle, Halloween H20 finit par effacer tous les éléments de son intrigue pour ne garder que ses deux personnages emblématiques dans un affrontement mémorable. L’idée, par cette succession de séquences de suspense et d’actions, était de finir par mettre le croquemitaine dans une situation de totale résignation face à sa proie devenue soudain la menace dominante. Ce renversement de situation, totalement inédit, apporte à la nostalgie un doux parfum de nouveauté. Ce bouleversement ne dure que quelques minutes, et se clôt en apothéose pour une dimension encore plus fantastique et intense. Si on ne saura jamais ce qui animait le croquemitaine dans son geste désespéré de quémander l’aide de sa sœur (une vile stratégie ou une véritable rédemption ?), on ne pourra que partager le chamboulement d’émotions envahissant Laurie Strode durant cet instant, face à l’objet de vingt ans de cauchemars qui reste en tout et pour tout son frère. Reste que ce geste implorant représente la potentielle évaporation du mal en Myers, devenant une créature misérable et déchue inéluctablement condamnée à disparaître.

HALLOWEEN 2007 : LA MISE À NU
On efface tout et recommence, avec Rob Zombie aux rennes du remake de 2007, où l’auteur de Living dead girl choisit minutieusement les éléments qu’il souhaite conserver, améliorer ou transgresser dans son film. S’il utilise étonnamment le lien familial entre Laurie et Myers comme leitmotiv de la quête sanguinaire du croquemitaine, il présente un monstre qui a ses travers, voire même ses faiblesses, à l’approche du final du film. Ayant réussi à retrouver la trace de sa sœur Laurie, et l’ayant ramené dans la maison familiale décrépie, Myers s’agenouille et ôte son masque face à sa victime désemparée. Son but primaire atteint, il se livre à elle, comme attendant les consignes à suivre. Livrant ainsi les prémices de ce qu’Halloween II (2009) dévoilera avec un Myers devenu le pantin de sa défunte mère, Rob Zombie aborde le côté hautement sommaire de son tueur, qui n’a de raison d’être ici qu’en cherchant à renouer avec sa famille. Sans autre mobile d’exister, Myers n’est qu’une pathétique âme en peine. Le réalisateur choisit de présenter cet état de fait au visage des spectateurs, jetant littéralement la maigreur du potentiel entier de la saga. Car que nous dévoile véritablement cette mise à nu du tueur face à la jeune fille, si ce n’est le néant émanant de Michael Myers une fois que celui-ci est arrivé à ses fins ? Cette part misérable d’une âme sans but avait, d’une certaine manière, déjà été présentée dans Halloween Resurrection, et sera donc, d’une manière bien plus primitive et extrême, étalée dans le futur Halloween II du même Rob Zombie.