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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

LE SLASHER DU MOIS : JEUX DE RÔLES (1983)

Après la critique (ô combien critique) de Phenomena de Dario Argento le mois dernier, il était temps de retrouver notre sérieux. Et, pour se faire, rien de tel qu’une plongée dans le slasher rare, obscur, voir inédit. Cette plongée nécessitera un appareil sous-marin colossal car les abîmes de cette expédition risqueront de vous perdre en cours de route. La pépite du mois, délogée dans les abysses sous un massif d’algues putrides, n’est autre que Skullduggery, alias Jeux de rôles dans l’exercice de titre simplifié que la France lui a accordé à sa sortie en 1983, sans doute immédiatement à la plus basse rangée d’un vidéoclub sans grande prétention. Le film, écrit (vomi ?) et réalisé par Ota Richter, est une rareté canadienne dans le douloureux domaine du slasher qui tache. Le Canada, contrée glaciale qui n’en pouvait plus de voir les américains envahir son sol le temps de tourner moult productions foireuses dans le genre, aura donc contre toute attente décidé de mettre en bobine sa propre injure cinématographique avec un tueur masqué et une tablée de tâcherons en guise de victimes potentielles. Pour marquer le coup face aux concurrents américains qui lâchaient dans leurs salles des monstres tels que Jason Voorhees dans Meurtres en 3 dimensions, Angela Baker dans Massacre au camp d’été et Norman Bates dans Psychose II, il fallait frapper fort. À la manière du Monstre du Train, qui donnait à son tueur la particularité de revêtir plusieurs costumes, Skullduggery va lui aussi déployer ses cartes comme tout autant de tenues pour brouiller la partie, tant auprès des personnages de l’intrigue, que des spectateurs trop impatients de deviner l’identité du tueur. L’intrigue, justement, ne tiendra pour une fois pas dans un mouchoir de poche. Notons d’emblée la rareté des slashers dont la scène d’intro se déroule… en 1382 ! Dans cette contrée reculée de la vieille Angleterre, le jeune propriétaire d’un château succombe à la prise d’assaut d’un sorcier médiéval très porté sur les jeux et devinettes macabres, qui lance au passage une malédiction sur tous les descendants de sa victime. Bond dans le temps de six siècles pour arriver à la soirée de jeux d’un groupe d’amis, emmené par Adam, illustre progéniture du prince maudit. C’est là que, lors d’une partie de jeu de rôles, les disparitions des protagonistes commenceront. S’agit-il d’une immense farce ou de la représentation sinistre de l’odieuse malédiction ?

Que le risible et incompréhensible spectacle commence !

Entre deux séquences de dialogues aux répliques débilissimes et de gags qui ne feraient pas rire un enfant de 5 ans, la galette de honteux personnages s’amenuise par strangulation, meurtre au coupe-papier ou au tir à l’arc, triple empalement à la lance, étouffement avec un python, brûlure au gaz, coup de couteau, de seringue, de hachoir ou carrément d’épée. Un florilège certes impressionnant mais plombé par le défilé sans queue ni tête de représentations théâtrales minables et surtout interminables lors d’un bal de promo complètement hors sujet. Non pas que l’intrigue soit absurde, mais elle est confuse. La faute à un scénario embrouillé par son univers aussi fantaisiste qu’inaccessible. Les scènes se suivent sans logique, et les meurtres s’enchaînent avec une incontestable grossièreté. Adam est le jeune héros dont on ne sait s’il est possédé par le sorcier responsable de la mort de son aïeul ou juste dérangé au point de faire de ses fantasmes meurtriers une réalité. S’imagine-t-il le film par la force du jeu auquel il se prête, ou tue-t-il réellement son misérable entourage ? Pour compliquer encore la situation, déjà bien enlisée sous quelques allégories sur les déguisements et un aspect humoristique déplorable (les canadiens ont-ils réellement un humour aussi merdique ?), il déambule en costume de chevalier, de chirurgien, de cuisinier, de polichinelle ou de lapin géant, entouré lui-même par des protagonistes affublés en roi, en magicien, en vahiné, en gorille ou (soyons fous) en tenue d’Ève. Pour carnaval, y’a de l’idée. Pour un film, niveau crédibilité, on repassera…

Comment passer de la pure magie au pire des cirques en un temps record…

On n’y comprend que dal, au point même que l’issue de l’intrigue n’a plus aucun intérêt. En fait, Skullduggery est sous sa forme un précurseur de ce que le genre apportera malheureusement dans les années à venir : du pastiche foireux à la manière de Killer Party, Girls Nite Out, et dans un registre plus maîtrisé mais tout aussi indigeste : Weekend de terreur. Sauf qu’ici, non seulement les meurtres sont ou ridicules ou hors champ et les répliques insupportables, mais la réalisation, la musique et l’interprétation accompagnent le ton et contribuent au désastre général. Le clap de fin est une délivrance, décidé à lever le voile sur l’insoutenable suspense de qui est le tueur, pourquoi poursuit-il ses victimes déguisé en tout et en n’importe quoi, et surtout pourquoi met-il des rollers au four (oui oui !) et, accessoirement, quel est son but final ? Cette possession est-elle confirmée ? Adam est-il juste fou ? Ou bourré ? Dire qu’on s’en tamponne complètement serait irrespectueux de lourd travail effectué par le scénariste/réalisateur Ota Richter, qui a mis le paquet pour rendre son film le plus idiot possible. Idiot, inutile et indigeste. Tout ce qui peut faire d’un film une erreur à tous les niveaux. Le zéro absolu. Le fond du gouffre. En toute vérité, les mots manquent. La supercherie est en fait à un niveau jamais atteint dans un film. Si vous n’avez jamais entendu parler de Skullduggery (qui, après tout, signifie quand même ‘filouterie’), si vous avez réussi à ne jamais poser vos yeux sur les immondices qui s’en dégagent, alors mesurez l’incommensurabilité de votre chance, et surtout pardonnez-moi de vous en avoir parlé aujourd’hui.

Le film résumé en un GIF…

SKULLDUGGERY (JEUX DE RÔLES), UN FILM DE OTA RICHTER, CANADA, 1983

● les + : Euh… c’est une blague ?
● les – :
Les promesses vendues par l’affiche et le résumé ne sont pas tenues. Le film de A à Z est d’une imbécillité sans pareille. D’abord confus, il devient ensuite bête, puis énervant. Une très mauvaise équation dans le genre.
● la meilleure scène du film :
Pas tout à fait dans le film, le moment préféré c’est quand on fait « clique droit sur le fichier, supprimer, vider la corbeille »
● les pires scènes du film :
Y’a du choix : la représentation de théâtre au spectacle de fin d’année ? Le dialogue sur le passé/présent/futur ? La visite chez la voyante ? La course poursuite dans le cimetière ? Ou peut-être le doigt d’honneur qu’on nous fait ouvertement à la fin du film ?

Verdict : *****

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Retrouvez chaque 1er du mois un nouveau film dans la rubrique
Le slasher du mois
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sans oublier les tueurs fous du cinéma de genre dans Génération croquemitaines : les ancêtres et descendants de Michael Myers !

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