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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

Halloween Resurrection : les dessous d’un ratage complet (1/3 : l’analyse objective)

La saga Halloween, comme beaucoup d’autres séries de films au cinéma, regorge de secrets et d’anecdotes qui tiennent à prouver que souvent, l’envers des films a parfois plus d’intérêt encore que les films eux-mêmes. Les péripéties de production des opus 5 et 6 d’Halloween sont autant de pépites qui assurent la longévité de la légende. À ce titre, Halloween Resurrection n’est pas en reste en ce qui a grandement contribué à sa perte.

Au-delà des déboires de Jamie Lee Curtis au sujet du devenir de son personnage à l’issue d’Halloween 20 ans après, le producteur exécutif Moustapha Akkad est-il le seul responsable d’Halloween Resurrection ? En un sens, non, puisque le public lui-même a indirectement opté pour que la sanglante hécatombe de Michael Myers ne s’arrête pas avec H20. Heureux du final du film de 1998, les dirigeants de Dimension espérèrent toutefois surfer sur le succès de ce dernier et de la jouissance des droits de la franchise en envisageant un épisode alternatif dans la lignée d’Halloween III : le sang du sorcier, sorti en 1982, et ne mettant pas en scène Michael Myers. L’idée était la même qu’à l’époque, présenter une histoire inédite, et qui sait, peut-être apporter avec elle un nouveau potentiel à exploiter en ce début des années 2000. Sur les forums en ligne, les fans se sont insurgés contre cette idée. Mouvement que Moustapha Akkad suivit, inquiet des résultats et de la réputation du film de Tommy Lee Wallace. Moustapha Akkad est le seul qui souhaitait poursuivre la voie de la saga originale. Les dirigeants de Dimension et les frères Weinstein eux-mêmes tenaient à tuer pour de bon Michael Myers via le final présenté dans Halloween 20 ans après. Le sort de Myers sera bien triste puisque Moustapha Akkad décédera tragiquement dans un attentat en Jordanie en 2005, ne laissant pas la chance au producteur de rattraper le naufrage de Resurrection avec la tentative de Halloween : the missing years, une sorte de préquelle audacieuse faisant toute la lumière sur le tueur emblématique.

« Rendez-vous en enfer », ou les adieux de Jamie Lee Curtis à son bourreau de frère

La première vraie question est de savoir si Michael Myers se suffit à lui seul, la saga s’étant, avec le temps, débarrassé de manière voulue ou accidentelle de John Carpenter, puis de Donald Pleasence, et maintenant de Jamie Lee Curtis. La seule chose à laquelle Michael Myers ne survivrait pas, c’est au désintérêt du public, fidèle depuis plus de 20 ans. Resurrection n’a pas véritablement pris en compte cet état de fait, malgré certaines bonnes intentions. La demeure originale de Michael Myers tout d’abord, puis la tentative d’inscrire le tueur à l’ère d’internet. Le problème est le potentiel limité d’une si petite maison (en apparence tout du moins, puisqu’elle s’avère incroyablement vaste une fois à l’intérieur) face à l’idée d’une émission de télé-réalité entièrement consacrée au tueur légendaire. Dès lors, apparaissent moult caves, couloirs, tunnels et pièces secrètes complètement improbables pour combler les brèches, au détriment de toute crédibilité. Après ça, force est de reconnaitre qu’Halloween Resurrection s’inscrit parfaitement dans son époque. Mais comme tout produit des années 2000, il est incapable de traverser les années sans paraître totalement obsolète. Aux deux premiers films vintage, puis fleuron des années 80 (Halloween 3 à 5), menant à un Halloween 6 psychédélique typique des années 90 et un H20 alambiqué à la sauce néo-slasher, arrive cet étrange bazar cyber-connecté branché pour les ados du moment mais insipide pour les aficionados.

Le casting du film, à la recherche d’un soupçon de crédibilité dans le scénario…

Côté casting, Moustapha Akkad reconnaît des influences qui le dépassaient. Il ne connaissait pas Busta Rhymes. Ce sont ses petits enfants qui trépignaient à son nom. Une star du rap au casting d’un Halloween ? Après tout, LL Cool J avait lancé la marche avec Halloween 20 ans après, dans un rôle tout à fait crédible et légitime pour le genre. Busta Rhymes interprète donc Freddie Highmore, créateur du concept Dangertainment et l’émission de télé-réalité qui s’introduit dans l’univers du célèbre tueur de Haddonfield. Et cette fois, le produit censé cibler le public afro-américain s’affuble d’un top model tout aussi inepte dans son jeu d’actrice : Tyra Banks. Mais là où l’une s’accommode d’un rôle promis à une disparition rapide (et hors champ, tant sa performance était vouée à tomber dans l’oubli), l’autre reçoit les grâces des scénaristes en devenant le héros qui crée toute l’intrigue, affronte le tueur dans un combat final et sauve la fille. La part de clichés est remplie jusqu’à l’écœurement. Pour se démarquer, dieu seul sait pour quelles raisons, Freddie Harris sera un fan des films d’arts martiaux, et opérera quelques prises de karaté lors de ses affrontements pathétiques avec Michael Myers. Ce dernier n’y résistera pas, condamné se faire traiter comme un parfait idiot dans la maison après l’excellente séquence (de prime abord) du croquemitaine, à l’humiliation suprême de se faire électrocuter les bijoux de famille avant de disparaître dans les flammes, prisonnier des câbles comme un vulgaire pantin.

La pire idée au registre des pires idées…

Le reste du casting composé de l’équipe des jeunes gagnants du jeu Dangertainment tente le tout pour le tout pour relever le niveau (avec, entre autres anonymes, des restes tièdes d’American Pie et Save the last dance). Mais qui sauver dans ce nouvel amas de clichés ? Les garçons surexcités par le moindre bout de soutien-gorge ? La blonde décérébrée avide de célébrité ? Les pièces rapportées au comportement complètement insensé ? Ou l’héroïne sans charisme qui ne fait que hurler quand elle n’exprime pas tout le malaise qu’elle ressent à ne pas savoir où elle a mis les pieds (un peu comme nous en fait) ? Le film tente de créer un lien entre Sara Moyer et Michael Myers, via des visions, des hallucinations, autant d’entraves sans fondement qui ne mettent qu’en lumière le trop peu d’intérêt qu’a la jeune héroïne pour devenir une nouvelle cible de poids pour le croquemitaine. Sara est donc la final girl d’un slasher lambda sans saveur, réduisant par la même occasion l’impact effrayant de Michael Myers. Axé sur le cliché de la scream queen, les hurlements de l’actrice Bianca Kajlich devront même être doublés en post production, un comble pour celle qui reçut de la part de Jamie Lee Curtis un spray pour la gorge comme la transmission symbolique du sacre de la reine du cri originale.

Sara Moyer, la fille qui crie mais que personne n’écoute…

Parmi les autres grands mystères entourant ce film, il y a Rick Rosenthal. Le réalisateur qui, avant Resurrection, s’était fait un nom (et malgré lui une réputation) avec Halloween II en 1981, revient prendre sa revanche sur le cinéma et la saga. Une occasion qui ne lui vaudra pas les honneurs, loin de là. À l’époque d’Halloween II, il lui avait été fait le reproche d’une réalisation trop pantouflarde, manquant d’action, car peut-être trop calquée sur la mise en scène hyper stylisée de John Carpenter, mais manquant pourtant cruellement de mordant. Carpenter dut lui-même se charger de tourner des séquences plus vigoureuses afin de palier le manque de rythme de l’ensemble. Vingt ans après, pour Halloween Resurrection, Rosenthal est seul aux manettes, n’a plus besoin de ressembler à quiconque, et décide d’à peu près tout au sujet de son film. Le résultat est proche du désastre, tant les faiblesses de rythme et l’indigence générale donnent presque à l’ensemble des allures de téléfilm à la limite du rabais. Quelques belles scènes (les travellings dans les couloirs et tunnels de la clinique psychiatrique, la séquence des enfants déposant une citrouille devant la demeure de Myers, la vidéo de famille [restée inédite à la version ciné] dévoilant Myers enfant, l’ultime scène de la morgue) tranchent avec le reste des bobines, pâteuses et redondantes (ralentis à outrance, flashs de Myers entre deux passages des caméras miniatures), qu’un montage à la scie sauteuse rend encore plus stupide (le meurtre du premier gardien, dont la tête est tranchée et planquée dans une essoreuse en quatre secondes). Une aberration sans personnalité, pour laquelle le réalisateur se prêtera toutefois à un caméo dans le rôle du professeur parlant d’une menace viscérale au néant d’une assistance plongée dans un coma sidéral. Exactement l’effet que provoquera son film sur un public médusé par le fait que 90 minutes de métrage puissent regorger d’autant d’inepties.

Rick Rosenthal dirigeant Jamie Lee Curtis dans Resurrection, 21 ans après Halloween II.

Ne passons pas à côté de Michael Myers, devenu l’essentiel du métrage, puisque de l’origine du film de John Carpenter, il ne reste dorénavant que lui. À peu près aussi reluisant que la vieille baraque d’où il vient (et dans laquelle il retourne, allez savoir pourquoi [oui, pour dormir dans une cave murée et manger des rats, semble-t-il. Il n’était donc finalement pas si vital de répondre à cette question]), le croquemitaine va nous servir beaucoup de pire et un peu du meilleur de ce qu’on est en droit d’espérer, arrivés à la huitième étape de son chemin de croix. D’emblée, affublé d’un nouveau masque (aux traits hyper prononcés et aux allures froncées) et d’une tenue trop courte au niveau des panards, comme ce fut le cas dans Halloween 4 (ce qui ne le met pas franchement à son avantage), sa première apparition hors flashs back est complètement dépourvue de mysticisme (on le voit planté en plein milieu d’une cour gazonnée, loin de l’aura derrière les draps du film original), mais sa carcasse déambulant dans les couloirs garde tout de même une classe indémodable, force est de le reconnaître. Malheureusement, le plaisir sera de courte durée puisque le metteur en scène lui prêtera très vite une entrée fracassante (au sens propre) en défonçant la porte en carton pâte de la cellule de Laurie avant de se prendre de nouveau pour un piaf en confondant sa victime avec un oreiller (la redite d’avec Halloween II n’en est encore pourtant qu’à son début) puis semi-électrisé d’un coup de lampe (d’où sort-elle, d’ailleurs, du catalogue spécial déco des patients de l’asile ?). Le voilà reparti à la poursuite de sa sœur, les cheveux hirsutes suite à ce premier coup de jus. Deux couloirs et trois escaliers plus tard, le voilà sur le toit de la clinique, près à tomber dans un piège digne d’un gag de Scoubi-Doo, qu’il retournera contre Laurie, grâce à subterfuge hyper malin : imiter les derniers instants de son subterfuge d’Halloween 20 ans après… qu’à aucun moment il n’avait pu voir faire puisqu’il n’était pas présent sur les lieux (et dieu sait qu’on nous l’a rabâché à grands sermons pour qu’on comprenne la pirouette de cette « résurrection »). Passons le fait que Myers résiste à la chute, plante un couteau dans le dos de sa sœur et se hisse à nouveau hors de son piège à la force d’une seule main, pour enfin offrir son geste le plus digne d’intérêt de toute la saga, prouvant qu’il y a quand même des neurones derrière ce masque de latex : tendre le manche de son couteau à un illuminé de la clinique, le rendant coupable du meurtre de Laurie et donnant la symbolique de la passe d’arme après avoir atteint tant bien que mal ce but qui le motivait depuis toutes ces années. Ainsi, libéré de sa tâche, Myers pouvait enfin disparaître comme un fantôme à l’orée du jour. Agrémentée de ces quelques minutes post Halloween H20, la saga pouvait de nouveau se clore une bonne fois pour toutes. Mais non, il restait une heure à combler. Qu’importe de salir encore au passage un croquemitaine qui, tout but écarté, n’allait de toute façon plus effrayer grand monde. Alors les scénaristes lui confèrent une existence de reclus (détails visuels dont on se serait allègrement passé, les images de ce lit drapé cramoisi dans une cave noyée sous la crasse et les reflux d’égouts ne servant pas vraiment au croquemitaine censé être le Mal à l’état pur. À cela Rob Zombie ne fera qu’à peine pire avec le sans abri de son film de 2009). Ici, Myers erre dans une maison bourrée de caméras mais personne ne le voit, surgit d’un miroir (?!), mate comme un ado les jolies filles venues se perdre dans sa demeure, obéit contre toute attente aux ordres vulgaires hurlés par une crapule véreuse, et a même un mal fou à nous servir des meurtres crédibles (son super couteau de cuisine passe à travers tout : les portes, les murs, les boîtes crâniennes ; et décapite d’un simple revers de lame. Stupéfiant, quand on s’aperçoit avec moue que le couteau en question ne parviendra pas à l’extraire de quelques câble électriques venus s’entortiller autour de ses bras. Vraiment pas de chance…). On comprend que John Carpenter ait failli tomber de son fauteuil le jour où sa maudite télécommande l’a conduit sur ce film.

Michael Myers a le masque, le couteau, mais manque cruellement d’un but…

Après une telle débâcle, est-il encore nécessaire de revenir sur le cas de Deckard et son horripilant acolyte Scott, les représentants de l’indigeste tranche des moins de 18 ans, puérils, irréfléchis et ô combien ennuyeux, qui vont au fur et à mesure du film agrémenter en nombre les cas les plus insignifiants de la désolation américaine (ou comment une fête d’Halloween peut être nulle au point d’attirer tous ses participants devant un écran de télé). Reste l’idée de la communication texto par tablettes interposées, intéressante mais malheureusement pas assez exploitée, donnant lieu à autant de moments de suspense que de tragédies du bon sens (l’inoubliable « Ne crie pas ! » qui fera hurler l’idiote liseuse de ces mots). À savoir qu’au-delà de la piètre cyber-alchimie entre Deckard et l’héroïne Sara, c’est le dit Deckard qui à l’origine devait sauver la dulcinée des flammes du garage de Haddonfield. Une idée incongrue (grosse incohérence de temps et de lieu) qui devait rationnaliser cette histoire d’amour naissante, et crédibiliser le personnage aux yeux de Sara. Suite à un éternel remaniement de scénario, c’est le personnage interprété par Busta Rhymes qui fera office de sauveur de ces dames. Ou comment remplacer une mauvaise idée par une encore pire. Mais ça, on l’a déjà dit…

Tant de visages mais pas une seule cellule grise à l’horizon.

Au final, aujourd’hui, il ne reste pas grand chose d’Halloween Resurrection dans les mémoires, si ce n’est un parfum encore un peu rance, et ce malgré toute la clémence que l’on peut accorder à tel ou tel métrage avec l’objectivité et le recul que leur valent les années. N’étant ni un chapitre final (l’épilogue étant une porte ouverte explicite), ni un épisode transitoire (aucune suite n’eut lieu), ni même le début d’une nouvelle intrigue (aucun personnage ou action nous laisse dans l’appréhension d’une menace future), Halloween Resurrection a tout du métrage qui ne sert à rien. La suite entrevue à l’époque, avortée suite au décès de Moustapha Akkad, allait déjà dans le sens du préquel, finalement mise en œuvre cinq ans plus tard avec le remake/reboot de Rob Zombie. Et malgré l’insuccès de cette nouvelle mouture, alliée à Halloween II en 2009, rien ni personne ne souhaite revenir quelque peu en arrière et donner suite à Resurrection. Au point même que les producteurs, bien soucieux du problème, feront table rase totale de la saga ; le principe de séquelles ayant mené aux pires bas fonds du possible avec ce douloureux métrage que, bientôt vingt ans après, presque tout le monde a (heureusement) fini par oublier.

En deuxième partie (en ligne le 4 décembre) :
la réaction de l’actrice Katee Sackhoff (Jen) en découvrant
Halloween Resurrection pour la première fois.

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2 Commentaires

  1. Guillaume 24 novembre 2020

    Encore un article très intéressant, merci! La critique est assez dure… mais réaliste! Le plaisir de visionner ce film, pour moi, s’arrête à la scène d’ouverture (la confrontation entre Michael et Laurie) et au retour de la maison du croquemitaine. Hâte de lire la suite!

    • ze shape 7 décembre 2020 — Auteur d'un article

      Un grand merci Guillaume ! Tu peux d’ores et déjà retrouver la deuxième partie de ce dossier, et la dernière sera en ligne le 11 décembre ! 😉

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