Amis campeurs, sortez les mini-shorts et affublez vos plus belles coupes mulet, et soyez les bienvenus au camp Rolling Hills !
Nous sommes en 1988, les aficionados du slasher et les producteurs l’auront bien compris, il est dorénavant bien trop tard pour rameuter les foules auprès d’une histoire originale, après que le genre ait sévi sur une dizaine d’années avec tous les barjots masqués qu’il était possible d’imaginer. Dorénavant, le slasher est en souffrance, aussi se tourne-t-il définitivement vers la comédie, afin de rendre l’exercice fun, pour peu qu’il soit encore réellement indispensable. Nombre de sagas se sont faites une notoriété grâce à ce recours (Le bal de l’horreur en tête de lice), et Massacre au camp d’été s’apprête à surfer sur la même vague avec cette suite née de l’idée de Robert Hiltzik (très investi sur la saga) et Michael Hitchcock. Le postulat est d’une simplicité renversante : Angela, après une opération chirurgicale et cinq ans d’internement et d’électro-choc, se fait engager comme monitrice dans un camp de vacances dans lequel elle souhaite par-dessus tout briller par son civisme et son implication. Mais pour cela, elle ne peut surtout s’empêcher de combattre tous les campeurs qui ne répondent pas aux plus élémentaires règles du respect en communauté. Et ils seront nombreux ! Angela décide donc de punir ces infidèles de la plus rude manière. Le massacre ne fait alors que commencer…

Réalisé au coude à coude avec Massacre au camp d’été 3 en 1987 par Michael A Simpson (Kinapping Mr Heinecken avec Anthony Hopkins et Sam Worthington), ce deuxième opus tombe dans la franche rigolade, à la limite de la parodie. On ne va pas se mentir, le suspense et la frousse ont été relégués au placard au profit de l’autodérision et de la fanfaronnade, ce qui n’est pas forcément une mauvaise idée. Pour survivre, le slasher se devait de s’adapter à son époque, et Sleepaway Camp II : Unhappy Campers est finalement un métrage tellement débridé et sympathique qu’on ne peut qu’apprécier. Mais pour se faire, malgré sa trame honteusement facile et son scénario pas plus grand qu’une serviette hygiénique, il aura fallu subir le désistement de Felissa Rose, l’interprète originale d’Angela, qui n’était pas fan de la tournure comique de la franchise, et qui accessoirement était au lycée au moment de cette production naissante. Pamela Springsteen prend donc le relais, avec une bonhomie qui colle parfaitement à la nouvelle version du personnage. Celle-ci a même choisi de n’indiquer à personne qu’elle est la sœur de Bruce Springsteen pour que cela n’interfère en rien l’ambiance sur le plateau. Beaucoup de membres de l’équipe ne l’apprendront que bien plus tard. Le film de Michael A. Simpson sera donc un Vendredi 13 encore plus décérébré, avec la combinaison sang + rires + gros nibards, tout simplement. Enfin, loin de vouloir faire de l’ombre à son aîné, devenu culte dans le genre depuis sa sortie en 1983, Massacre au camp d’été 2 s’amusera à faire des clins d’œil référenciels à de nombreux métrages et séries télé, même aux antipodes du genre (de Vendredi 13, aux Griffes de la nuit, en passant par Le magicien d’Oz et Drôle de vie, série dans laquelle a démarré un certain George Clooney).

Angela Baker devient donc la nouvelle figure féminine psychopathe du massacre à grande échelle, à l’identité ouverte au public, à la manière d’un Freddy Krueger, agissant avec dextérité et humour. L’idée ne sera donc pas de chercher à deviner qui est le tueur, mais savoir qui va y passer (et de quelle folle manière !), et comment Angela va-t-elle s’en sortir ? On restera spectateur d’une gigantesque farce sur deux épisodes (le 3e film étant du même acabit), avec un festival de morts plus absurdes et farfelues les unes que les autres. On démarre avec un coup de bûche et un tranchage de langue (trop bien pendue, la victime relatant l’histoire d’Angela lors d’une soirée au coin du feu qui n’est pas au goût de la tueuse en série), et on passe direct à une combustion vivante, une décapitation, un meurtre à la perceuse, à la tronçonneuse, ou à la corde de guitare, sans omettre les pastiches de Freddy, Jason et Leatherface lors d’une scène complètement décalée qui a même inspiré l’outrageuse affiche originale du film.


Angela, loin d’être aussi un personnage aussi trouble que dans le premier film, sera cette fois bel et bien une fille (quoi qu’une allusion à la baignade laisse encore planer un malaise), pour éviter toute polémique de transmisogynie (reprochée au métrage original) et foncer tête baissée dans le vif du sujet. Il faut dire que le statut culte du premier film repose grandement sur sa scène finale, restée dans les mémoires, et comptant parmi les fins définies comme « les plus dérangeantes » de l’histoire du cinéma. Ce final, avec toutes les questions qu’il soulève, a été à coutre-courant et avant-gardiste des mœurs de l’époque, exposant au grand jour le cas de la transsexualité, doublé du trouble de la personnalité, le tout chez un être à peine sorti de l’enfance. Cinq ans plus tard, Angela est dorénavant plus avenante, sûre d’elle, mais totalement instable. D’une certaine manière, son sens du devoir et de la vertu est la complète hypocrisie du genre, visant à punir les ados se laissant pervertir par l’impertinence, le sexe ou la drogue. Au final, cela représentera le camp tout entier, impliquant qu’à cet âge, personne n’échappe au moindre écart. L’écart étant le sceau-même de l’adolescence dans toute sa splendeur. Autrement dit, personne ne peut échapper à la folie vengeresse d’Angela, dont le parcours sanguinaire ne trouvera de toute évidence jamais de fin.

Les campeurs sont donc éradiqués les uns après les autres avec un rythme soutenu, au couteau, à la hache ou à l’acide, quand ils ne sont pas expédiés purement et simplement dans les toilettes, de la façon la plus arbitraire possible. Le film ne fait qu’accumuler le plus grand nombre de meurtres réalisable (Jason Voorhees peut presque aller se rhabiller !). Le tout aussi original et explicite que possible, souvent au grand jour, loin de toute la morale qu’on pouvait attendre dans ce type de métrage (parfois puritain et dès lors encore une fois très souvent hypocrite). Il n’y aura, en effet, que très peu de mises à mort en hors champ, le tout suffisamment tourné en dérision pour que l’interdiction du film s’arrête aux moins de 12 ans. À la fin du métrage, lors d’une séquence expéditive et complètement claquée au sol mais on n’est plus à une supercherie près, le spectateur pourra légitimement se demander pourquoi il s’est prêté à l’exercice de cette fastidieuse suite, mais ne pourra bouder son plaisir, dès lors qu’il admette aux autres et à lui-même qu’une suite à Massacre au camp d’été ne pouvait définitivement ressembler qu’à ça…

MASSACRE AU CAMP D’ÉTÉ 2 (SLEEPAWAY CAMP II : UNHAPPY CAMPERS), UN FILM DE MICHAEL A. SIMPSON, USA, 1988
● les + : une comédie portée par cette diablesse d’Angela, plus cruelle et imaginative que jamais !
● les – : un intérêt plus que discutable, et quelques facilités qui deviennent presque rageantes…
● les meilleures séquences du film : le meurtre aux sangsues, vomitif à souhait ! et les pointes de comédie ponctuant UN métrage DÉGAGÉ DE TOUT enjeu IDENTITAIRE ET social.
● lA pire scène dU film : une fin outrageusement facile et totalement dénuée d’intérêt. Vite, la suite !
Verdict : *****
POUR REMETTRE LES PENDULES À L’HEURE, RETROUVEZ LA CRITIQUE DU PREMIER OPUS DE LA FRANCHISE :
MASSACRE AU CAMP D’ÉTÉ (SLEEPAWAY CAMP), 1983

