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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

Analyse : il était une fois Alan Smithee

Parmi les grandes légendes du cinéma, Alan Smithee est un cas bien particulier, puisqu’il s’agit non pas d’une personne, mais d’un pseudonyme utilisé par les réalisateurs reniant leur propre film. En général, ce subterfuge intervient après des conflits entre le metteur en scène et la production pendant le tournage, ou au moment du montage du film. Mais parfois, les problèmes arrivent bien avant. Le tout premier film à avoir exposé l’emprunte inassumée d’Alan Smithee est Une poignée de plombs (Death of a Gunfighter) réalisé en 1967 par Don Siegel et Robert Totten. Depuis, lorsqu’un réalisateur (mais il peut aussi s’agir d’un acteur, d‘un compositeur ou d’un scénariste, même si le cas est extrêmement rare) ne veut pas être inclus dans le générique, il peut aussi saisir la DGA (Directors Guild of America, le syndicat des réalisateurs) pour qu’elle fasse poids sur la production. Alan Smithee est en fait l’anagramme de The Alias Men (les hommes au nom d’emprunt). « Chaque fois que les studios jouaient de leur influence et trafiquaient le montage final, les réalisateurs retiraient leurs noms du projet et le remplaçaient par Alan Smithee » explique Bob Woolsey, responsable administratif et de production à la Vancouver Film School.

Dans le genre horrifique, genre qui compte le plus grand nombre de ces cas, les films signés Alan Smithee les plus célèbres sont Les Oiseaux 2 (The Birds II : Land’s end) en 1994 et Hellraiser Bloodline en 1996. Pas de bol pour la saga Halloween, ces deux métrages ont vu Rick Rosenthal (Halloween 2 et Halloween Resurrection) et Joe Chappelle (Halloween 6) participer à leur réalisation. D’emblée, la suite opportuniste et inutile du chef d’œuvre d’Alfred Hitchcock ne doit son existence que parce qu’elle « fêtait » les 30 ans du métrage original. Une raison de prime abord légitime, qui s’armait de l’argument d’utiliser la même maison que dans le film original, et ajoutait à son casting Tippi Hedren qui jouait Melanie Daniels dans le premier film (bien qu’elle joue un autre rôle dans cette suite, elle a depuis exprimé tout l’embarras qu’elle a ressenti à la vue du résultat). Pourtant, après son cahier des charges rempli, mais fatigué par une période de post-production houleuse avec les dirigeants de la chaîne Showtime qui lui ont commandé le film, Rick Rosenthal s’est empressé d’effacer la trace de son nom. Il fait partie des films les plus mal notés sur IMDb.

Les Oiseaux 2 et Hellraiser 4, deux des plus célèbres films signés Alan Smithee

Le cas d’Hellraiser Bloodline est tout autre. Le film est en fait réalisé par Kevin Yagher, qui, fidèle au script d’origine, ne manque pas d’aller au bout de ses scènes et apporte moult explications sur le mythe et ses personnages. Pourtant, les producteurs n‘attendent pas très longtemps pour clamer leur mécontentement et tiennent à ce que Pinhead, la figure emblématique de la saga, apparaisse bien plus tôt dans le film. Les aléas entre le réalisateur et Dimension provoquent de tels esclandres que Kevin Yagher finit par claquer la porte avant d’avoir mis le tout en bobine. C’est alors que les frères Weinstein confient à Joe Chappelle, qui a tout juste fini de tourner Halloween : the curse of Michael Myers pour la même boîte, la charge de finir le film. Mais là encore, les déboires continuent. Joe Chappelle réalise ses dernières bobines, conformément à la demande des producteurs, mais conteste à son tour la façon dont le film est monté. Finalement, Kevin Yagher et Joe Chappelle signent ensemble sous la houlette du pseudo Alan Smithee, pour se décharger de l’impact d’un film qui n’est finalement pas si honteux que ça. Il n’est juste pas tel qu’il était pensé au départ. Les inconditionnels peuvent trouver sur internet Hellraiser IV dans la version originelle de Kevin Yagher, tout comme le producer’s cut d’Halloween 6 qui illustre le film avant son démontage/remontage de 1995 (édité depuis en blu-ray).

La version TV de Dune (1984) n’est pas signée David Lynch

Au final, c’est près d’une trentaine de films qui s’est vue reniée par leurs réalisateurs. Parmi eux, on peut noter Supernova de Walter Hill en 2000 avec James Spader, Robert Foster et Lou Diamond Phillips (au budget de 60 millions de dollars [ça fait cher le reniement]). Et, aussi surprenant que cela puisse paraître : American History X de Tony Kaye en 1998, qui marque les hostilités qu’il y a eu au moment du montage entre le réalisateur et Michael Luca, producteur chez New Line. La presse fut intégrée aux conflits lors d’un acharnement rare à Hollywood. Et c’est après plusieurs semaines de conflits que le film trouva une issue définitive acceptée par les différents partis pour une sortie retardée mais couronnée de succès en 1999. Les productions signées Alan Smithee sont aussi et surtout des remontages d’œuvres pour le petit écran. Ainsi, les versions télévisées de Dune, ShowGirls, Heat, The Guardian (de William Friedkin) et Rencontre avec Joe Black sont toutes alliées au vil pseudonyme. Depuis, il semblerait que la malédiction ne soit pas épuisée, puisque Jim Sheridan, le réalisateur de Dream House, ait tenté de faire appel à la DGA en 2011 pour renier totalement son film qui rencontrait un succès pauvre et des critiques gre plus glorieuses. Tellement dégoûté du système hollywoodien, Sheridan serait même retourné dans son Irlande natale pour y tourner un film sur son enfance. Enfin, les Alan Smithee les plus célèbres du genre sont aussi Tom Holland (réalisateur de Chucky : jeu d’enfant, Vampire… vous avez dit vampire et scénariste de Psychose II) qui use du pseudonyme pour son téléfilm The Owl avec Adrian Paul ; mais aussi Dennis Hopper (Massacre à la tronçonneuse 2) pour Une trop belle cible (Catchfire) qu’il réalise sous ce pseudo mais dans lequel il joue aux côtés de Jodie Foster ; John Frankenheimer (L’Île du docteur Moreau) pour le téléfilm Riviera ; et Sam Raimi (réalisateur de la trilogie Evil Dead et Spider-Man) pour le scénario de The Nutt House, un film parodique qu’il co-écrit avec Scott Spiegel. Hollywood a lutté contre l’usage de ce pseudonyme au début des années 2000. Les derniers films a avoir été signés comme tel sont Another Night of the Living Dead en 2011, un pastiche dans lequel le réalisateur est cité comme mort-vivant, et The Night Watchers en 2018. « Les spectateurs n’allaient jamais voir un film d’Alan Smithee, sachant d’avance qu’il était le fruit d’un réalisateur déçu de son propre projet, explique Woolsey. Quant aux cinéphiles, ils étaient fiers de découvrir qui avait réellement réalisé ces films. Certains réalisateurs ont commencé à raconter les comment et pourquoi de leur utilisation de ce pseudo. » Sur ce point, et toute ironie mise à part, Alan Smithee s’avère au final être l’un des réalisateurs les plus prolifiques d’Hollywood…

Un documentaire sur Alan Smithee a été réalisé en 1997. Le réalisateur, outré par le remontage par le studio, le signe lui-même par le pseudonyme Alan Smithee !

(sources : IMDb, vice.com, lepoulpesavant)

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1 Commentaire

  1. Horrorchamber 11 octobre 2021

    On attend toujours un bluray avec la director’s cut de Bloodline…

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