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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

HALLOWEEN SAGA : TOMMY DOYLE, UN HÉROS PAS COMME LES AUTRES

La première fois que les spectateurs découvrent Tommy Doyle, c’est dans Halloween, la nuit des masques de John Carpenter en 1978. Un enfant ordinaire, plus réservé que la moyenne, et surtout très influençable. Passionné par les grands héros de la science-fiction des comics de l’époque, Tommy est un garçon dont l’imagination débordante prend parfois des proportions qui le dépassent. Chambré par ses camarades de classe au sujet du croquemitaine, dont il ignorait jusque-là l’existence, il affrontera ses troubles intérieurs avant de se retrouver confronté à la matérialisation de ses angoisses à travers Michael Myers. En 1995, nous retrouvons Tommy Doyle dans Halloween 6, la malédiction. Très désireux de vouloir apporter des explications au mystère entourant Michael Myers, le scénariste Daniel Farrands fait revenir plusieurs personnages du film original et offre à Tommy le rôle principal. Dix-sept années se sont passées, mais le jeune homme n’a pas oublié cette nuit d’Halloween, et ne s’est jamais arrêté de penser que Michael Myers reviendra, estimant que « son travail n’est pas terminé à Haddonfield« . Renfermé et discret, peut-être un peu dérangé, Tommy est un personnage très mystérieux mais indiscutablement intéressant. Un héros original qui vaut pour beaucoup à l’interprétation de son interprète Paul Rudd dans ce sixième opus.

Un anti-héros qui n’a pas froid aux yeux…

Lorsqu’Halloween 6 entame sa pré-production, le scénario de Dan Farrands fait la part belle au jeune Doyle. C’est tout naturellement que l’acteur original, Brian Andrews, est envisagé pour reprendre son rôle. Malheureusement, Andrews n’avait pas d’agent à l’époque, n’ayant pas poursuivi de carrière au cinéma après Halloween de John Carpenter. Dans l’impossibilité d’entrer en contact avec lui, la production se tourne vers un autre acteur. Dans ses ébauches, Farrands imaginait pour le rôle un acteur au physique proche de Keanu Reeves. C’est Paul Rudd qui remportera la palme. Ce sera d’ailleurs son premier rôle au cinéma. De son côté, Brian Andrews indiquera avoir amèrement regretté l’opportunité de rejouer dans la saga.

Les auditions de Paul Rudd pour le rôle de Tommy Doyle en 1994.

Le tournage et la post-production d’Halloween 6 ont connu de nombreux déboires, divisant les équipes de production et de réalisation, semant la confusion dans l’esprit des acteurs, et menant au désastre commercial du film à sa sortie en salles. Depuis, Paul Rudd a continué son chemin au cinéma, principalement dans des comédies (de Romeo + Juliette à Comment savoir, en passant par 40 toujours puceau, The Dinner ou encore I love you man. Aujourd’hui, après avoir enfilé le costume de super-héros Ant-Man pour Marvel, il est un incontournable du paysage hollywoodien). Ces choix de carrière, aux antipodes de son rôle dans Halloween 6, lui ont valu la rumeur de renier sa participation au film de Joe Chappelle. L’acteur ne participant pas aux conventions de fans ou aux bonus d’éditions DVD, la rumeur s’est généralisée. Pourtant, le scénariste Dan Farrands indique : « Tout le monde dit que Paul Rudd a détesté le film et surtout détesté le fait d’y avoir participé. C’est totalement faux. Nous nous sommes recroisés il y a quelques années lors d’un vol en avion et il a été très heureux de me revoir. Nous avons beaucoup discuté. Bien entendu, il a souffert comme tous les autres membres du casting des aléas de tournage et de production, mais il est très heureux d’avoir participé à cette aventure. Nous étions tous très jeunes lors du tournage d’Halloween 6, et ça a été un très bon moment pour tout le monde, malgré les bouleversements souvent indépendants de notre volonté. Et le désintérêt de Paul est tourné sur cette partie-là, pas sur le film en soi. Il n’a pas aimé les changements qui ont été imposés pour ce qu’ils étaient, pas parce qu’il devenait une star ou je-ne-sais quoi. Il aimait vraiment ce personnage et désirait sincèrement apporter quelque chose ». À l’époque du tournage d’Halloween 6 en 1994, Paul Rudd n’avait de toutes façons aucune raison de se considérer comme une star, puisqu’il s’agissait de son premier film. Il cumulera encore de nombreux seconds rôles, voire même des rôles de figuration, avant d’arriver au sommet de l’affiche avec la comédie L’objet de mon affection aux côtés de Jennfier Aniston. « Bien qu’il n’intervienne jamais sur la saga ou sur Halloween 6 plus précisément, Paul Rudd ne renie pas son rôle. Et vous ne m’entendrez jamais dire du mal de lui car j’ai été très touché par l’attention qu’il avait pour moi sur le tournage. Il avait conscience que ce projet m’importait énormément, et que j’étais un fan invétéré de Michael Myers. Après le tournage d’une scène, il venait parfois me voir en me demandant : ‘Est-ce que ça allait ? Est-ce que ça correspond à ce que tu voulais ?‘. Une implication dont je garderai d’éternels bons souvenirs ». Paul Rudd s’est depuis exprimé sur son implication dans Halloween 6, révélant tout le plaisir et l’appréhension de participer à une aussi illustre saga de films.

Tommy Doyle (Brian Andrews) dans le film original de John Carpenter

Halloween 6 est, peut-être plus encore qu’Halloween 20 ans après, le film de la saga avec le casting le plus ‘adulte’. Ces personnages s’éloignent du schéma des étudiants, le cliché du slasher par excellence, et plonge en immersion avec des personnages dotés d’une certaine maturité. Certains reviennent (Loomis, Wynn), plus mûrs avec les années, et d’autres font leurs premiers pas (Kara, Danny), mais sont déjà affublés d’un lourd passé familial. Tommy Doyle, quant à lui, est le fruit de ces deux maturités. Anciennement bambin solitaire et peureux dont la baby-sitter Laurie Strode a été la proie d’un tueur sadique, il a affronté les années en s’impliquant corps et âme dans l’histoire de Michael Myers. À Haddonfield cette année-là, ce n’est pas l’habituel Dr Loomis mais bel et bien Tommy qui annonce à qui veut bien l’entendre que Michael Myers n’est pas mort dans l’incendie du commissariat six ans plus tôt et qu’il va revenir pour une nouvelle hécatombe. Et comme le Dr Loomis, Tommy ne sera pas pris au sérieux. Il sera même jugé « malade » par le présentateur radio Barry Simms, à l’écoute des explications saugrenues du jeune homme.

Un personnage étrange et diablement charismatique…

De nombreux plans du personnage dans Halloween 6 montrent la nature ambigüe du jeune homme. Il élit domicile dans la demeure de madame Blankenship, afin de mieux pouvoir observer les allers et venues de la maison Myers juste en face. Enfermé dans un certain mutisme et habité par des réactions confuses, Tommy Doyle n’a pas dévoilé tous ses mystères (que représente le collier qu’il porte autour du coup et qu’il embrasse même lors d’une scène du film ?). Cette ambiguïté, Paul Rudd l’illustre parfaitement. Certainement traumatisé par l’expérience dont il fut spectateur quand il était enfant, et à l’image de Laurie Strode dans Halloween 20 ans après, Tommy Doyle n’a jamais pu tourner la page Michael Myers et s’est investi au point d’en connaître bien plus qu’il n’y paraît. Dans la version Producer’s cut, Tommy ne fera pas que mettre en lumière la malédiction entourant le symbole rune Thorn (à l’origine de la folie sanglante de Michael Myers), il la combattra en affrontant le croquemitaine lors d’une séquence surprenante durant laquelle le jeune homme dirige une incantation celte contre le croquemitaine lancé à ses trousses. Cela mènera même à la fin de la folie barbare de Michael Myers, stoppé en plein élan grâce au pouvoir des runes. Malgré sa vie de solitaire et son détachement social, le jeune garçon timide est devenu un courageux jeune homme qui n’hésitera pas à risquer sa vie pour sauver Kara et son fils Danny. Dans la version cinéma, Tommy n’en est pas moins courageux, mais l’accent est mis sur un certain degré de décalage, voire de folie du personnage. Lorsqu’il tente de libérer Kara enfermée dans une cellule de Smith’s Grove, Tommy provoque ouvertement Michael Myers à les rejoindre, comme pour pimenter une séquence qui ne manquait pas de tension. Plus tard, face au bourreau et prêt à lui remettre le bébé tant convoité par Myers, il éclate de rire sous les sceaux de la nervosité, et peut-être même d’une certaine admiration pour le croquemitaine qui a hanté ses esprits pendant toutes ces d’années. La carrure impressionnante et impassible de Michael Myers face à lui n’est sans doute pas étrangère à cette surprenante réaction du jeune homme. Sain et sauf à la fin d’Halloween 6 (il devait à l’origine devenir le bouc-émissaire du carnage de Smith’s Grove dans la suite qu’envisageait Daniel Farrands pour Halloween 7), Tommy Doyle reste un personnage emblématique de la saga, habité par une forte et trouble personnalité, d’autant plus forte grâce à l’interprétation irréprochable du charismatique Paul Rudd, incontestablement investi dans son rôle.

Hyperactif mais peureux, Tommy Doyle revient dans Halloween (2007) de Rob Zombie.

Pour la relecture du mythe par Rob Zombie en 2007, Tommy Doyle redevient le petit garçon un peu froussard imaginé par John Carpenter. Interprété cette fois par Skyler Gisondo (The Resort, Santa Clarita Diet), et bien qu’agrémenté de quelques séquences supplémentaires comparé au film original, il reste le petit garçon fasciné par le croquemitaine mais incapable d’affronter ses peurs enfantines face au danger qui le menace. Pour contribuer à cet élan d’effroi, les nouveaux jeunes interprètes de Tommy et Lindsey (Skyler Gisondo et Jenny Gregg Stewart) n’avaient pas vu l’acteur Tyler Mane (Michael Myers) avec son masque avant le tournage de la scène de l’attaque. Dans le film original, Tommy n’est pas témoin d’une réelle attaque du croquemitaine. Dans le remake, il assiste, blotti dans une baignoire et totalement à la merci du monstre, à l’agression de sa baby-sitter. Après s’être sauvé en alertant le Dr Loomis, il disparaît sans qu’un élément ne vienne indiquer ce qu’il adviendra de son personnage.

Une force de la nature ou un éternel petit garçon tourmenté ?

Dans la timeline entamée en 2018 et qui fait suite directe au film original, Tommy Doyle revient sous les traits d’Anthony Michael Hall (Une créature de rêve, Edward aux mains d’argent) pour Halloween Kills, après que Paul Rudd ait été recontacté pour reprendre la casquette du personnage (rôle désisté par son implication déjà programmée dans S.O.S. Fantômes : l’héritage). Cette décision du retour de l’interprète du rôle dans Halloween 6 était celle du réalisateur David Gordon Green, qui avait dirigé Paul Rudd dans Prince of Texas en 2013. Le producteur exécutif de la saga, Malek Akkad, s’était rassuré de ce désistement, comme il l’a indiqué à l’époque : « Cela m’aurait fait chaud au cœur qu’il revienne et il y a évidemment de la déception ici. Mais Anthony Michael Hall remplit le rôle d’une manière moins détonante et qui risque moins de sortir les spectateurs du récit. Car Paul Rudd est un acteur fantastique, et très grand dans plusieurs domaines dont la comédie. Il y a une raison pour que les choses se soient passées ainsi, et nous sommes très excités de cette tournure. Anthony Michael Hall délivre un performance qui va vous sonner, et ce sera assurément l’un des chouchous des fans.« . Dans ce nouveau film, Tommy Doyle est un personnage tourmenté et bienveillant. Il rappelle à qui veut l’entendre l’histoire qu’Haddonfield a connu en 1978 et partage ses moments d’amitié avec les survivants de cette terrible nuit : Lindsey, Marion et Lonnie. Emprunt à une grande nostalgie, accentuée par le retour (pour la plupart) des personnages originaux, Halloween Kills prend le risque de faire de Tommy Doyle un personnage prisonnier du petit garçon qu’il était cette nuit-là, jusqu’au retour annoncé du croquemitaine et de la possibilité de vengeance que celui-ci représente. À la façon de Laurie Strode dans Halloween 20 ans après, Tommy Doyle décide en un éclair dans Halloween Kills de combattre le mal, armé d’une emblématique batte de baseball, quitte à rameuter l’ensemble des habitants de Haddonfield à sa cause. Créant une milice visant à la destruction pure et simple du tueur masqué, il devient le leader maladroit dirigeant un groupe de forcenés qui ne parviendra ni à sauver ses amis (presque tous décimés par le monstre quelques minutes plus tard), ni à protéger Laurie avec des paroles rassurantes (il ne convainc personne de son potentiel à maîtriser et arranger la situation), ni à éradiquer la bonne cible (en portant son attention sur la mauvaise victime dans les couloirs de l’hôpital. À la fois courageux et implacablement pathétique, il finit par prendre à revers la vengeance de Michael Myers alors que tout semblait faire croire qu’il avait réussi à surmonter son traumatisme et l’incarnation de ses peurs. Le dernier plan de Tommy illustre toute l’angoisse du personnage subissant ses derniers instants face au monstre, renforcée par l’échec de sa mission et l’incapacité à tourner la page sur le plus grand trouble de sa vie. Faisant preuve d’une énorme erreur de jugement (il confond Myers avec un prisonnier en fuite), sa quête toute entière se sera retournée contre lui, emprunt à un esprit de vengeance spontané et irréfléchi, accentué par la dominante d’un rôle de chef de milice qui lui aura complètement échappé.

Une erreur de jugement et toute la colère de Tommy Doyle tombe à néant.

Selon les timelines de la saga, Tommy Doyle est tour à tour l’illustration de l’enfance face à la prétendue incarnation de ses cauchemars et légendes de la nuit (Halloween 1978/2007), une référence gratuite voire totalement accidentelle (dans Halloween 4, un personnage nommé Tommy et interprété par Danny Ray à exactement l’âge qu’aurait le petit garçon du film original dans cette suite), l’incarnation d’une force rebelle et confuse, parfois victorieuse (Halloween 6), parfois tragique (Halloween Kills). En tous les cas, bien qu’il soit à l’origine un timide personnage secondaire, il détient au fond de lui le potentiel exploré dans les suites pour faire de lui un protagoniste à part entière qui a marqué à plus d’une reprise et de façon solennelle le parcours sanglant du terrible Michael Myers.

Tommy Doyle à travers les âges et ses interprètes, dans Halloween 1, 4, 6, 9 et 12 de la saga.

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