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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

Halloween Kills : critique exclusive

Trois ans après avoir renoué avec le film de John Carpenter, David Gordon Green revient avec Halloween Kills. Le film, qui devait sortir sur les écrans en octobre 2020, aura subi un report d’un an à cause de l’épidémie de Covid-19, accentuant encore les attentes des fans plutôt conquis par l’expérience Halloween 2018. Les recettes au box office et les critiques endiablées ont permis une petite notoriété non négligeables pour le producteur Jason Blum qui, toujours épaulé par l’appui de John Carpenter lui-même, décide de remettre le couvert pour deux nouvelles aventures pleines d’hémoglobine. Deuxième opus d’une trilogie qu’on n’attendait pas forcément, Halloween Kills tient donc à faire ses preuves sur un registre éculé qui, d’emblée, ne le met pas dans une position facile. Incontestablement un épisode de transition avant le grand final que devra être Halloween Ends l’an prochain, il poursuit les méfaits d’un Michael Myers survolté malgré son âge, dans la nuit du 31 octobre 2018, tout en cherchant à s’imposer comme une digne suite du film original de John Carpenter. Pour cela, il poursuit l’histoire du film précédent qui se voulait déjà comme la seule et unique séquelle du chef d’œuvre de 1978, mais il rameute accessoirement tous les rescapés du film original et projette même des séquences de flashs back censées se dérouler 40 ans plus tôt. L’audace est grande, mais la question sera plutôt de savoir si elle est à considérer comme légitime. Sur ce point, les avis sont partagés.

Un trio d’héroïnes qui n’a pas fini d’en baver…

La nostalgie qui habitait l’opus de 2018 avait créé la surprise, voire l’émoi. À présent, un peu comme Rob Zombie sur son Halloween II de 2009, le réalisateur pouvait construire sa propre histoire, imbriquer sa propre personnalité et conduire Michael Myers et Laurie Strode vers une destinée originale et exclusive, permettant ainsi d’amener un nouvel angle, un nouveau souffle à une saga qui non seulement était partie dans toutes les directions, mais devait de toute façon faire oublier ces opus alternatifs pour ne se concentrer que sur des bases solides et épurées de toutes vaines tentatives. Eh bien, au lieu de cela, Halloween Kills choisit de prolonger cette nostalgie excessive, jouant avec les fans en réintroduisant après Myers et Laurie tous les autres survivants du film original (même ceux, très anecdotiques, dont on ne se souvenait pas vraiment) comme pour composer une équipe de la seconde chance prête à en découdre avec l’origine de tous leurs cauchemars. Si l’idée semblait bonne, si ce n’est trépidante pour bon nombre de fans de la première heure, force est de constater que le résultat laisse un goût très amer à la vue du traitement imposé à tous ces personnages.

Tommy Doyle, Lindsey Wallace, Marion Chambers, Lonnie Elam et le shérif Brackett reviennent, forts de leur aura respective dans le cœur des fans mais dénués ici de réelle profondeur, la faute à un scénario qui ne leur laisse pas le temps de légitimer cette réintroduction somme toute forcée. Ramenés à l’image de façon quelque peu grossière, ces personnages semblent toutefois prêts à en découdre eux aussi avec Michael Myers, comme de potentielles Laurie Strode le temps que cette dernière se refasse une santé à la clinique de Haddonfield. Le film va-t-il pour autant porter autant d’intérêt sur eux qu’il ne l’a fait pour le personnage campé par Jamie Lee Curtis ? Bien-sûr que non, et quel dommage, puisque David Gordon Green préfèrera, pour des raisons floues, étriper ainsi la force de ce retour en éliminant purement et simplement la moitié de ces personnages dans les quelques minutes suivant leur retour à l’écran. La nostalgie n’a pas le temps de faire des vagues que le sang les macule avec une sévérité et une vitesse stupéfiante. Quant à ceux qui parviennent plus ou moins à se débattre au milieu de ce carnage, c’est pour mieux disparaître de la bobine lors d’une débâcle finale ahurissante face à laquelle on ne peut rester de marbre.

Quand on n’a plus sa baby-sitter pour être protégée du monstre…

Cet étonnement s’accompagnera sur une plus grande frustration encore que cette formule « sitôt arrivé, sitôt tué » qui parsème le film : celle du traitement fait au personnage de Laurie Strode dont on attendait le grand retour après cette première bataille livrée en fin du métrage précédent. Halloween Kills devait maintenir cette flamme (pardonnez l’expression), mais ne sera qu’un segment de pause puisque, à la stupéfaction générale, Laurie Strode ne croise Myers à aucune seconde du film. Le personnage surfant maladroitement de victime blessée à furie revancharde par intermittence pour n’apparaître en tout et pour tout à l’image que vingt minutes et le plus souvent à resasser le passé sur son lit d’hôpital. Impossible de ne pas penser à l’Halloween II original où son personnage subissait le même sort sur 90% du métrage mais offrait au moins un final décent sur ce que le public était en droit d’attendre. Ces deux points grinçants plombant une bonne partie de l’impact du film sur le spectateur, amènent forcément à ce questionnement malsain : Halloween Kills était-il vraiment nécessaire ? Toutes ces tentatives de combler les brèches du scénario ne prouvent-elles pas tout bonnement que cette transition avant l’opus 3 était purement opportuniste (si ce n’est une totale arnaque) ? À cela, n’omettons pas toutes les séquences de cohues anarchistes à l’hôpital qui ne font que dérouler de la bobine en attendant que les choses sérieuses se mettent en place en ville. Car tout le versant de la « justice par soi-même » était un acte certes intéressant pour illustrer la dramaturgie vécue par tous les habitants de Haddonfield, mais qui n’est au final qu’un gâchis supplémentaire. Le tout pour entendre un serment du « monstre engendrant des monstres » déjà survolé dans les propos du Dr Sartain dans le film précédent et envisageant à l’époque de faire de Laurie Strode la conséquence fâcheuse et inexorable de Michael Myers. Ici, ce sont tous les habitants de Haddonfield qui, conduits par un Tommy Doyle déchaîné (Anthony Michael Hall, habité par le rôle) mais aussi par toute leur rancœur et leur esprit de vengeance sur Myers, qui finissent par causer la mort et la désolation autour d’eux. Étrangement, cet épisode lorgne vers ce que John Carpenter et Dennis Etchison avaient envisagés il y a plus de 30 ans lors des premières ébauches d’Halloween IV. Les échauffourées répétées à outrance « Le mal meurt ce soir ! » de Brackett et Tommy et reprises en cœur par tous les habitants comme un cri de guerre sont à ce propos sans doute très fortes sur le papier mais beaucoup moins crédibles à l’écran tant on a l’impression d’assister à une tragédie grecque remaniée à la sauce politicienne dans la pure veine de l’Amérique post-Trump. Et au niveau des archétypes actuels, même le subtil mouvement féministe que composait plutôt intelligemment le trio familial des Strode à la fin de dernier film s’étiole ici par manque cruel de véritables renforts dramatiques convaincants. C’est d’autant plus dommage puisque l’effacement du personnage de Laurie pouvait permettre à celles qui en étaient dans l’ombre (en l’occurrence sa fille Karen et sa petite fille Allyson) de prendre le flambeau et assurer le show. La milice dirigée par Tommy Doyle prendra le pas sur le métrage et sur beaucoup trop de scènes avec au final le douloureux et déchirant « À quoi bon ? » résonnant dans la tête du spectateur.

Michael Myers, tout feu tout flamme…

Et comment ne pas mettre le doigt sur l’horreur graphique d’une violence inouïe à faire pâlir les boucheries pourtant déjà bien gratinées des deux opus de Rob Zombie ? Les afficionados du film original apprécient les références mais comment ne pas trembler devant les effusions de gore quand on les compare à tout le talent subjectif dont Carpenter avait fait usage à l’époque ? Michael Myers est ici une machine à tuer aux antipodes du croquemitaine fantôme de 1978. Une barbarie d’abord impressionnante (la sortie des flammes est un moment d’anthologie qui marquera les mémoires) puis déconcertantes (on reproche une certaine facilité dans le procédé des meurtres, dont la gratuité dans la maison d’origine avec le couple Big John et Little John et une mécanique qui manque cruellement de cohérence notamment dans l’attaque de la voiture avec Lindsey et Marion) avant de devenir gênantes (l’explosion sanglante finale, en mode totalement « what the fuck ? »). Fait marqué qui plus est par les trois premiers quarts du film en rouage de pur mouvement contre le tueur (« Le mal meurt ce soir ! », pour peu que vous vous en lassiez) qui finit par un virage à 180° balbutiant un timide « ah ben non, en fait le mal ne meurt jamais » menant à cette nouvelle théorie selon laquelle Myers tirerait sa force de ses meurtres plus que de la peur qu’il génère. Car de la peur, avouons-le, plus personne n’en ressent vraiment face au bourreau masqué. Ni dans le public habitué aux jump scare parant un manque flagrant de suspense, ni dans le film. Puisqu’après une séquence aussi lisse que malaisante dans le bar où Tommy exprime ses ressentiments d’enfant apparemment choqué à vie, des personnages censés être rongés par 40 ans de hantise s’emparent finalement très vite de tout ce qui leur passe sous la main (mention spéciale à cette habitante de Haddonfield armée… d’un fer à repasser pour affronter Myers) comme si la thérapie par l’électrochoc était encore la véritable formule libératrice de tous les traumatismes liées à l’enfance. La violence est alors non seulement visuelle à travers près de la trentaine (oui oui !) de meurtres de Myers, mais aussi sournoisement psychologique à travers des personnages bouffés par la haine et les remords et pour les lesquels on ne sait plus si on ressent de la pitié, du dégoût ou une totale désaffection.

Pour attirer l’attention du public, il faut de bons arguments…

Heureusement, Halloween Kills n’est pas complètement dénué d’intérêt, bien au contraire, car tous les reproches qu’on peut lui faire peuvent tout autant se voir comme de judicieuses tentatives de réveiller des intrigues inattendues si ce n’est inavouées. Mais elles s’adresseront à un public avertis, et prendront le risque de laisser l’amateur sur le carreau. Les séquences de flashs back de 1978, décriées comme une succession de sacrilèges pour beaucoup de critiques, restent d’une beauté époustouflante, comme si David Gordon Green avait tiré de son chapeau magique des séquences inédites du film de John Carpenter. Tout dans la photographie (de la lumière au grain d’image en passant bien entendu par les plus infimes détails de la mise en scène) sont d’une minutie absolument bluffante. Ces séquences, qui apportent à leur façon une alternative à la partie mainte fois suggérée par John Carpenter dans le final de son film, délivre ici un cadeau pour les fans en allant jusqu’à ressusciter le Dr Loomis et ramener à l’écran un croquemitaine criant d’authenticité. Prolonger le film original pour en extraire de nouvelles intrigues, intimement entremêlées avec le Haddonfield de 1978 : un travail de reconstitution titanesque qui donne à l’ensemble du métrage une dimension jamais atteinte jusqu’à lors dans la saga.

Retour(s) en 1978, un bond dans le temps qui sent bon la nostalgie… et le meurtre.

Les clins d’œil aux autres opus atteignent une fois encore un niveau d’excellence dans Halloween Kills. Les références à Halloween II allant jusqu’à en replacer un extrait du métrage de 1981 (le shérif Brackett découvrant le cadavre de sa fille Annie) alors que ce film n’est pas censé exister dans cette nouvelle timeline. Dans la même veine, on soupçonne bien le retour à l’image de l’adjoint Hunt lors de l’arrestation de Myers dans les flashs back (il est même cité au générique de fin). Sans oublier bien entendu le retour des masques Silver Shamrock d’Halloween III, ici au-delà de la simple référence puisqu’ils finissent par recouvrir les visages des dernières victimes du monstre, dont un personnage culte qu’on aurait aimé ne pas voir aussi honteusement éliminé avec un tel empressement. David Gordon Green continue de jouer avec les fans, allant jusqu’à inclure des notes subtiles lors du générique du début (la police d’écriture d’Halloween II, après le défilé de douze citrouilles comme les douze films de la saga et une allégorie par les flammes de la colère des habitants de Haddonfield). Les regroupements d’habitants justiciers s’étaient déjà formés dans Halloween 4 (et y avaient également provoqué la mort d’un innocent), tandis que l’attaque à la fourche n’est pas sans rappeler un meurtre savoureux dans Halloween 5. Laurie Strode cite dans la version originale les termes de « true curse of Michael » (en français : « la véritable malédiction de Michael »), qu’on ne peut saisir autrement que comme une référence à The curse of Michael Myers, titre original d’Halloween 6, avec pour la première fois depuis ce film une séquence de Myers massacrant les nouveaux résidents de sa demeure d’enfance? Enfin, le cadavre de Lonnie derrière la trappe du grenier de la maison Myers, scène identique à un candidat malheureux du jeu d’Halloween Resurrection… Plus ou moins flagrantes, ces références sont tout autant de cadeaux veillant à entretenir la notion de jeu avec les fans, avant la future hécatombe que promet véritablement d’être Halloween Ends d’ici à octobre prochain.

Dans Halloween Kills, la vengeance est un plat qui se mange saignant…

Impossible non plus de passer à côté des envolées mélodiques que nous offre le film avec la musique toujours signée John Carpenter. Le thème principal, une nouvelle fois décliné, formera un ultime écho au thème d’Halloween II et qui résonnera longtemps. Les nostalgiques regoûteront avec délectations aux retrouvailles avec les thèmes du premier film qui se reflètent via les retours au soir de 1978 avec des variations de The Shape stalks Laurie, The Haunted House et Halloween 1978. La rythmique électronique chère au compositeur ne sera pas en reste et donnera à l’ensemble cette aura de prestige que seul un Halloween peut apporter à l’œil et à l’oreille. Michael Myers vaut également la peine qu’on s’y intéresse, puisqu’il apparaît dans ce film de deux façons magistrales. Tout d’abord avec la séquence de flash back dans son ancienne maison abandonnées, affublé de la meilleure réplique du masque original jamais revu depuis, puis lors de la spectaculaire séquence de l’incendie où, contre toute attente, il aura su créer la surprise en trouvant une façon originale et diablement efficace de survivre au feu et réapparaître de façon brutale et dantesque. L’acteur/cascadeur James Jude Courtney livre une performance musclée impressionnante. Le tueur en série est inquiétant (à défaut d’être vraiment effrayant) et frappe là où ça fait mal (et à grands coups de néon s’il le faut). On retrouve le Myers qui aime « jouer » avec ses victimes, allant jusqu’à frapper et planter des couteaux à n’en plus finir dans le dos d’une de ses victimes. Avec Halloween Kills (le titre idéal, n’ayons pas peur de le relever), Michael Myers remplit largement son quota, présentant un plat de résistance saignant peut-être un chouilla excessif avant de revenir bientôt pour le dessert qu’on espère explosif mais aussi toutefois un peu moins lourd à digérer… Le spectateur, lui, choisira s’il voudra se délecter ou crisser des dents à la vue du spectacle que le film lui aura proposé en l’attente.

Juste une dernière fois, au cas où : « Le mal meurt ce soir ! »

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1 Commentaire

  1. Guillaume 3 novembre 2021

    Très très bonne critique, et je suis plutôt d’accord avec les arguments avancés. Pour ma part j’ai détesté la scène de cohue à l’hôpital, ridicule à souhait, avec une bande d’écervelés (des docteurs, des badauds, des patients…) qui court après un pauvre type sans trop savoir ce qu’ils font. En plus d’être mal jouée, cette scène longue frôle la gêne. En revanche j’ai adoré la scène en 1978 avec Hawkins et Loomis et j’ai beaucoup aimé Karen qui provoque Myers en lui piquant son masque. Mention spéciale à la BO de Carpenter qui est pour moi l’une des bande son les plus réussies de la saga. Donc en conclusion, pas le meilleur film de la saga mais bien meilleurs que beaucoup des métrages qui la compose.

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