Il y a quelque chose d’unique dans les années 80, un parfum dans l’air qui nous plonge irrévocablement dans une vague de nostalgie, à l’époque ou les mœurs étaient plus libérées, les formes plus généreuses, la musique plus pétillante, les meurtres plus gratinés. Car même plongé dans le Z absolu, le slasher a su coller au plus près de cette ambiance si particulière, devenant le plus fier représentant de cette décennie au cinéma, au moins à l’égale des grands films d’aventures si cultes de cette grande décade. C’est avec ces films que tout le monde a envie de retourner vivre dans les années 80. Celles et ceux qui l’ont connu souhaitent y retourner, les autres qui les découvrent par le cinéma rêvent irrémédiablement de s’y projeter pour ne plus en réchapper. À cela, on n’essayera pas d’expliquer comment on passe d’un chef d’œuvre comme Halloween à des bobines nanardesques comme ce Aerobic Killer, car ce serait passer à côté du plaisir que tient à offrir ce minuscule film de 1986, sorti à l’heure où le genre était déjà en train d’étouffer dans le vomi de son agonie.

Milieu des années 80, quand la vie n’était que training, jogging et brushing. Le tout sur musiques au synthé, tenues en lycra à paillettes et boules à facettes pour encadrer des poitrines surgonflées et corps de mâles huilés. Toute une époque. Et c’est dans cet univers de sueur et de rythmes disco qu’un tueur en cagoule noire va venir frapper de la chair musclée, armé d’une épingle à nourrice géante et d’une grande soif de vengeance. Aucun doute, on va nager en plein délire, mais avec panache ! Et pour amorcer cette virée en salle d’aérobic, petit tour sur l’introduction qui remet en lumière les plaisir des cabines à UV, avec une efficacité prouvant que Destination finale 3 n’a rien inventé. C’est là que Valérie, gracieuse égérie du mannequinat sportif, se retrouve « accidentellement » toastée comme une tranche de pain grillé, générant une aura meurtrière cinq années plus tard dans l’environnement de Rhonda, professeur de fitness dans un centre convoité. Moins de dix minutes de film, tourné comme un mauvais épisode de soap américain (gros plans et musiques à l’appui), suffisent à planter le décor, l’histoire et les personnages, sans omettre de déjà nombreux plans de poitrines frétillantes au rythme des cours de danse et de cardio.

Ne perdons donc pas une minute de ce subtil mélange de tous les clichés les plus représentatifs et lançons-nous dans une langoureuse douche du côté du vestiaire des filles pour que se perpétue entre deux bulles de savon le premier meurtre à l’épingle, tourné avec une véritable volonté de faire peur (ou rire… c’est selon). Le sang coule à flot. Pas de doute, ça n’est pas une overdose de stéroïdes. Mais qui se cache donc derrière la cagoule noire du tueur ? Et pourquoi cet habile tueur à l’épingle entache-t-il de rouge écarlate les tapis de gym de ce si luxurieux endroit de débauche et de testostérone ? Pour répondre à cela, deux caïds vont jouer leurs gros bras : le lieutenant Morgan, flic à la tronche jusqu’à par-terre et chargé de l’affaire, et Chuck Dawson, le bodybuildeur qui n’a pas froid aux yeux et castagne tout ce qui bouge. Dommage toutefois, la police est gauche et le gaillard blond jusqu’à la moelle des os. Il sera irrésistible pour le spectateur de voir avec quelle bêtise le lieutenant s’enfonce dans les fausses pistes, et comment Chuck Norris Dawson se lance dans des corps à corps brûlants avec la racaille de Los Angeles (mention spéciale au combat au râteau au bord de la piscine). Est-ce que cela sert réellement à l’histoire ? Que nenni. Mais y a-t-il là de bons gros moments de poilade en perspective ? Assurément ! Ne boudons pas non plus notre plaisir à voir les deux forces masculines du film s’affronter dans un échange verbal extrêmement mal joué mais bouillant de testostérone pour savoir qui a la plus grosse.

Quelques dialogues ennuyeux plus tard, les cours reprennent, et ce malgré les morts qui s’enchainent dans le club. Dans des mouvements équivoques à faire pâlir Jane Fonda, les filles se trémoussent sans s’affoler, tandis que Chuck démolit en toute impunité quelques mâchoires façon Street Fighter II. Le tueur peut donc s’en donner à cœur joie, son décimètre pointu bien levé, prêt à pénétrer la chair de quelques jolies donzelles. Il abandonnera son épingle au profit d’un poignard ou de poids de muscu pour développer son arsenal, mais il finit toujours sans grande difficulté à échapper à la police, jamais là quand il le faut. Une pendaison plus tard, lors d’un plan et d’un effet calqué sur Halloween de John Carpenter (lorsque Laurie découvre les cadavres de ses amis bondissant du placard), et l’enquête évolue. Dans un échange à la tension digne d’un film érotique des années 70, un coupable est suspecté. Qu’est-ce qui anime alors notre tueur à l’épingle ? Une vilaine jalousie face à tous ces corps bien galbés ? Une cible plus précise serait dans le collimateur ? L’issue de cette palpitante enquête pointe dur comme des tétons. Et on aurait tort de se priver du superbe coup de théâtre à répétition bien WTF lors de la grande révélation de l’identité du tueur, étalée sur une série de séquences plus absurdes les unes que les autres. On est à la limite de Weekend de terreur, sauf que cette fois, on aurait bien aimé que tout ça ne soit qu’une gigantesque farce.

Notons rapidement au casting Marcia Karr, égérie du bis dans les années 80, dans le rôle de Rhonda, que l’on reverra par la suite dans Maniac Cop, David Campbell (Scarecrows et l’épouvantable Aux portes de l’enfer) et Joel Hoffman dans un tout petit rôle de sportif vicelard, mais à qui on n’a pas besoin d’apprendre à mourir devant la caméra puisqu’il compte à son impressionnant palmarès une présence dans Pumpkinhead : le démon d’Halloween, Slumber Party Massacre II, ou encore Slaughterhouse : l’abattoir de l’angoisse. Une vraie réunion de professionnels pour un cours suave et sanglant ! À sa sortie, le film, jugé peu passionnant et « trop avare en nudité pour convaincre les voyeurs » par le public de Variety, n’a même pas droit à une sortie en salles à l’étranger. Il fera alors la joie des distributeurs en format VHS sur les étalages des vidéoclubs, se faisant une petite notoriété malgré des critiques estimant ce slasher banal et à l’issue immorale. Preuve définitive que durant ces années-là, le slasher était dans une mauvaise passe, incapable de se réinventer et faire mouche auprès de son public.

David A. Prior avait pourtant de la suite dans les idées. Avec son Aerobic Killer, il surfe sur la tendance la plus populaire de sa décennie, avec une formule bête et méchante qui attirera forcément le spectateur avide de mamelons bien pesés (quitte à perdre au passage la spectatrice mortifiée de voir l’étendue du désastre pour qui se pose en ennemi de la femme-objet). Le réalisateur aime la castagne, et toute sa filmographie le prouve. De Killzone à Ultime combat en passant par Le complot de l’araignée ou encore Strip Girl, David A. Prior a tout de même intégré à ses copies de Commando des acteurs de tout genre, tels que Pamela Anderson, David Carradine, Tony Curtis, Leo Rossi (Halloween II, Maniac Cop II) ou Denise Crosby (Simetière, Mortuary) et bien-sûr son frère Ted Prior à de très nombreuses reprises, comme ici dans Aerobic Killer dans le fameux rôle de Chuck Dawson. L’acteur, toujours prêt à exposer ses muscles huilés devant l’objectif, annoncera même des années plus tard qu’il a plus encore de souvenirs du temps passé avec des filles sexy que de réels moments de ce tournage en mémoire. Et tant qu’un film de ce genre, c’est fait avec drôlerie, on ne peut finalement que trouver ça génial. Alors bien entendu, dans le cas de ce slasher microscopique dans l’intrigue mais énorme dans la bêtise, on frôle le chef d’œuvre pour autant de raisons qu’on comprend qu’il soit totalement tombé dans l’oubli. Mais force est de constater que grâce à David A. Prior, le voyage vers les années 80 est ici diablement efficace, et qu’aucune faille spatio-temporelle au plutonium et à la DeLorean était nécessaire pour cela. Et rien que pour ça, bravo l’artiste !

AEROBIC KILLER (AEROBICIDE / KILLER WORKOUT),
UN FILM DE DAVID A. PRIOR, USA, 1986
● les + : Une plongée totale dans le monde du fitness des années 80, avec toute l’ineptie et les fous rires qui vont avec.
● les – : un défilé de muscleS qui manque quand même beaucoup de consistance…
● les meilleures séquences dU film : les bastons nanardesques, ou les attaques à l’épingle à nourrice, qui même quand on ne fait que les évoquer, sont déjà à se tordre de rire…
● lA pire scène dU FILM : le final bâclé, mais ça serait un peu bouder son plaisir, là…
Verdict : *****
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