Si Halloween fait figure de proue en matière de film d’horreur, sa notoriété s’est construite avec le temps. Car à sa sortie en octobre 1978, le film, qui n’avait pas la prétention de vouloir changer le monde, n’a pas été accueilli très favorablement. Le parcours de John Carpenter, alors démarré en 1969 avec le court-métrage Captain Voyeur, puis par son premier film Dark Star en 1974, suivi par Assaut en 1976, ne le menait pas à un film aussi marquant qu’Halloween, qu’il réalise avec l’aide au scénario et à la production de sa compagne Debra Hill, sous le couvert des producteurs Moustapha Akkad et Irwin Yablans. Le succès est venu par effet de surprise, sans qu’aucune publicité particulière n’ait aidé le film à soulever les foules. Les premiers articles étaient alors encourageants, parfois provocants (« On vous met au défi d’aller le voir ! » , « Quand est-ce qu’un film vous avait donné la frousse de votre vie pour la dernière fois ? » pouvait-on lire sur des affichettes promotionnelles) mais toujours bienveillants. C’est le bouche-à-oreille qui a fait son œuvre, permettant au film d’acquérir de plus en plus de spectateurs au fur et à mesure des semaines, quand dans la majorité des cas c’est l’effet inverse qui a tendance à se produire.
C’est alors que la presse s’est emparée du phénomène, décidant principalement de revoir à la baisse son opinion au sujet du métrage, critiquant le pouvoir du film sous prétexte de froisser les mœurs puritaines de la société américaine de l’époque. Les journaux décriaient alors un film peu original, calqué sur le cinéma plus emblématique d’Alfred Hitchcock, George Romero ou Brian De Palma, tandis que certains allaient jusqu’à l’estimer bien réalisé, mais « vide et morbide » . La mauvaise foi était telle que certains estimaient le film suffisamment terrifiant, mais qu’il n’allait pas plaire à la majorité car jugé « différent de ce qui avait été fait auparavant » . Parmi les seuls éléments notables, on retrouvait la réalisation soignée et la performance de Jamie Lee Curtis, écartant encore une fois tous les éléments qui faisaient la force du métrage, à savoir son côté novateur et son influence future sur le genre, sans recourir à des effusions de sang pour transmettre la peur.
Comme s’est souvent le cas dans le cinéma d’horreur mais aussi en général, les impressions quant aux qualités du film Halloween ont évolué avec le temps, selon les mœurs et les modes. Initialement critiqué pour son influence hitchcockienne, il a fini par être salué, voire consacré, lors de cérémonies officielles, puis considéré depuis comme l’un des films ayant contribué à populariser le genre du slasher des années 80. Ce qui était dès lors sujet à critiques à l’époque est devenu synonyme d’éloges par la suite. Celles et ceux qui reprochaient à Carpenter d’avoir ouvert le bal de trop de sous-films opportunistes qui polluaient les écrans ont fini par reconnaître qu’aucun d’entre eux n’a réussi à atteindre son niveau de perfection. Critiqué aussi à sa sortie pour sa violence, alors qu’il en est justement réformé de toute trace apparente, le film a gagné en notoriété par le public enjoué de leur confrontation avec de la terreur psychologique plutôt qu’une sauvagerie sanglante. Fort d’un succès commercial colossal, armé d’un résultat au box office américain proche de 47 millions de dollars pour un budget initial de 325.000$, Halloween est considéré aujourd’hui comme l’un des meilleurs films d’horreur jamais réalisés, et les critiques initiales reléguées au passé. Le film est devenu à son tour une source d’inspiration pour de nombreux cinéastes, le style est devenu un genre à part entière, son casting est devenu mondialement célèbre, et Michael Myers fait désormais partie de la pop culture. Sans omettre bien-sûr l’immense franchise de films qui a découlé de ce petit film réalisé « entre potes » en à peine trois semaines.
