Jane est une adolescente prise entre deux feux : doit-elle rester la tête d’ampoule au grand potentiel comme le voit son professeur de mathématiques ou faut-il jouer la carte de la rebelle pour conserver le peu de popularité qui lui reste aux yeux de sa meilleure amie indisciplinée et de son groupe d’amis ? Un concours de circonstances va les conduire, elle et ses amis, à devoir affronter un tueur affublé de la tenue de la mascotte de l’équipe de football locale, alors qu’ils sont enfermés dans le campus plongé dans le noir le plus total. Student Body, sorti en 2022, est un petit slasher décidé à se frotter aux plus grands avec une histoire des plus décousues, censées parler à tous les ados, relevant de l’éternel conflit entre le bien et le mal caché en chacun de nous. Ou pour faire plus simple : quel est le comportement adéquat à adopter en telle ou telle situation, qu’il s’agisse de faire face à un professeur malaisant, à une classe médusée, à des camarades cons comme la Lune, ou à un sanguinaire tueur en série.

Ce qui justifie qu’un film ou un autre mérite d’être produit, mis en scène et claqué aux yeux du monde reste un mystère. Mystère qui nous conduit aujourd’hui à découvrir ce métrage minuscule réalisé par une sinistre inconnue : Lee Ann Kurr, dont c’est le premier long-métrage. Armée d’études à l’université dramatique de Londres, la réalisatrice et productrice a un talent certain dans le cadrage et le visuel plus que dans la mise en scène et le montage, le film s’enlisant dans ce que tout pauvre slasher souhaite présenter à l’écran, comme si réaliser un film d’horreur était l’étape la plus basique pour marquer imparablement son sceau dans l’industrie du cinéma. Mais n’est pas John Carpenter ou Marie Lambert qui veut, puisque Student Body ne décolle jamais assez pour rivaliser avec ses prédécesseurs, ni même ne parvient à être une acceptable illustration du genre.

Une maigre réalisation, certes, mais beaucoup de jolis plans, travellings, jeux de lumières et éclairages, pour une mise en valeur de l’espace et du cadre du campus (bibliothèque, amphithéâtre, réfectoire, piscine) rappelant l’inquiétante université de Pendleton dans Urban Legend. Dommage qu’il faille attendre aussi longtemps (près de la moitié du film) pour qu’il se passe enfin quelque chose. Les personnages ne sont pas totalement inintéressants parce que bien que n’ayant pas une grande profondeur ni utilité à part entière (hormis pour répondre au quota de victimes évident de ce genre de productions), il règne une forme de suspense sur le fait que l’héroïne ne soit pas si innocente qu’il n’y paraît. Si les éléments dépeints dans le premier tiers du film peuvent paraître bateau au possible, il reste un enchaînement de comportements tous plus douteux les uns que les autres, tous baignant dans une grande immoralité. Le prof gênant aux allusions de plus en plus oppressantes, le directeur ignorant la détresse de ses élèves mais facile à corrompre, la fille prônant le bien mais n’assumant pas d’avoir eu recours au chantage pour arriver à ses fins, la meilleure amie usant de ses charmes autant que du pouvoir de son patriarche, et les habituels seconds rôles passant du gros bras décérébré au rigolo de service complètement à la masse, sans oublier l’amoureux transis discret qui déambule sans trop de raison ni de réel but dans la vie.

La véritable problème de Student Body, comme souvent dans les slasher movies post années 2000, c’est leur manque cruel de consistance. Une bonne idée de départ ne suffit pas à faire un métrage tout entier. Tout est tiré en longueur sans réelle maîtrise du rythme, donnant à l’ensemble l’allure d’un film de plate-forme réservé aux ados. L’interprétation est également en dents de scie, des ados plutôt amateurs dans leur jeu (voire surjeu) au corps enseignant transparent. Seul le fameux professeur Aunspach parvient à générer un semblant d’aura. L’acteur Christian Camargo a en effet un peu de bouteille dans le registre, des séries Dexter à See en passant par le cinéma avec Twilight, Démineurs ou Benjamin Gates 2. Au reste du casting, beaucoup de débutants, et quelques visages croisés dans Scary Stories, Once upon a time in… Hollywood ou The Resident. Notons la présence de la musicienne Harley Quinn Smith, fille du très populaire acteur américain Kevin Smith, mais qui souffre d’un manque cruel de talent d’actrice (en plus d’être une mauvaise joueuse de football), habituée à être la foudre de nombreux commentaires d’internautes et spectateurs fustigeant cette faiblesse qui, ne le cachons pas, explose littéralement à l’écran.

Notre tueur, puisque le seul intérêt du film repose finalement sur lui, reste l’autre petit mystère de ce film, affublé de la tenue de la mascotte Anvil Al, toujours armé d’une masse (à défaut d’un mobile crédible), et représentant l’équipe de football du campus. C’est de sa masse qu’il ouvrira le bal des meurtres, avec un malheureux étudiant la tête penchée au-dessus de la cuvette. Une mort hors champ, laissant toutefois la part barbare en tête de lice, avant de s’attaquer aux autres membres de ce petit groupe malchanceux. La suite ne sera pas plus réjouissante, la faute encore une fois à une mise en scène pantouflarde, juxtaposant d’interminables d’ambulations dans les couloirs sombres. Lorsque Anvil Al refait surface, c’est pour coller un coup de son gros marteau dans les tronches, l’une après l’autre. Rapidement frappé à la cuisse avec un tournevis, le croquemitaine de bas étage poursuivra sa route jusqu’à exposer dans un futile final son vrai visage Ô combien attendu. La morale de l’histoire, plus inepte encore, reste la poussée de la forte tête dans ses retranchements afin de se libérer de ses tares et réussir dans la vie. Une issue avilissante qui exclut tout le malaise originel pour ne conserver qu’un immonde semblant de matière pour faire durer ce final encore une éternité, et dans l’absurdité la plus absolue. Le clap de fin interviendra comme salutaire pour le spectateur qui aura survécu à ce voyage soporifique au pays des p’tits ados bourgeois dont on se fout encore plus après leur mort qu’avant. On y aura investi la plus grande attention possible, il ne reste rien de mémorable dans ce Student Body aussi creux et aussi dépourvu d’idées. Next.

STUDENT BODY, UN FILM DE LEE ANN KURR, USA, 2022
● les + : Un cadre plutôt bien mis en scène pour un tueur au look PROMETTEUR.
● les – : un défilé interminable de longueurs et de situations d’un profond ennui.
● lA meilleure séquence dU film : lES 20 SECONDES DURANT LESQUELLES LA GRILLE SE REFERME SUR LES ÉTUDIANTS poursuivis par le tueur DANS un COULOIR, parce qu’on y croyait…
● lA pire scène dU FILM : SON NULLISSIME FINAL, OU LA MORT DE LA BLONDE AUSSI AFFREUSE QUE MAUVAISE ACTRICE.
Verdict : *****
Dans le même (mauvais) genre :
le TUEUR AUX MILLES VISAGES DANS KILLER GAME.
