Bonjour Candice ! Merci d’avoir accepté de répondre à mes questions. Pour démarrer, pouvez-vous nous indiquer dans quelles circonstances, et surtout par quelle vocation, vous êtes devenue actrice ?
Avec plaisir. C’est moi qui vous remercie ! Je suis née lorsque mes parents vivaient dans le W.C. Fields mansion de Los Angeles [un manoir luxueux voisin des anciennes demeures de Charlie Chaplin et Angelina Jolie, NDR]. Mes parents sont des passionnés d’art, qui nous emmenaient voir des pièces de théâtre, des comédies musicales, des opéras, et visiter de nombreux musées. J’étais très investie dans tous les spectacles et représentations à l’école et prenais des cours de piano et de danse en activités extra-scolaires. J’ai grandi avec mes deux films favoris mettant en scène Julie Andrews : Mary Poppins et La mélodie du bonheur. J’ai probablement vu ces films des dizaines de fois pendant des mois, et j’adorais être transportée dans d’autres mondes. Je convoitais ce pouvoir, et m’envoler comme Mary Poppins, c’est pourquoi j’ai un jour essayé en sautant du haut d’un mur de briques de 2 mètres avec ma sœur. Je n’ai pas besoin de dire que ça n’a pas marché. (rires)
Incroyable ! Voilà de quoi forger des souvenirs mémorables ! Et comment avez-vous été amenée à remporter le rôle de madame Allen dans Halloween Ends ?
C’est intéressant parce que j’avais postulé pour un film intitulé Cave Dweller [L’homme des cavernes en français, NDR], rémunéré au standard du SAG majoré de 10%, ce qui correspondait à ce que je souhaitais. Il s’agissait d’un long-métrage tourné à Savannah, en Géorgie. J’avais trouvé cette annonce via un site de “service et de dépannage” pour acteurs et actrices. J’ai postulé et ai passé l’audition. Ils ont fait un travail de recrutement extrêmement large pour ce rôle, donc la concurrence était incroyable. J’ai reçu un appel et j’en ai parlé à mon manager qui m’a dit : “Tu sais de quoi Cave Dweller est le nom de code ? C’est la franchise Halloween !” . Je n’arrivais pas à y croire. J’ai alors eu un appel en visio par Zoom en retour avec David Gordon Green.
Pouvez-vous nous parler de cette audition avec David Gordon Green et ses équipes ?
Les éléments donnés aux acteurs sont assez factices, je n’avais aucune information ni scénario, aussi je ne comprenais absolument pas pourquoi je criais cette fameuse réplique : “What have you done ?!” . J’ai du imaginer par moi-même l’instant pour m’en imprégner. J’ai des rideaux de soie bleus dans ma chambre, que j’adore, avec un passepoil doré et une bordure brodée. J’ai fait comme si le baby-sitter avait abîmé ces rideaux en répandant des excréments dessus ! Et c’est à ça que j’imaginais réagir avec cette réplique. J’étais loin de me douter qu’il venait en fait de tuer (accidentellement ou non) mon enfant ! David m’a fait recommencer la scène en regardant la caméra au lancement de ma réplique.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que vous aviez fait mouche ! Qu’est-ce que la lecture du scénario vous avait évoqué ?
J’étais loin de me douter que ce serait la scène d’ouverture du film. Tout était tellement secret. Ce titre était même dessiné sur les chaises des acteurs et du réalisateur pendant le tournage. On l’appelait encore Cave Dweller. Lors d’une répétition, David m’a indiqué que seul les scénaristes et lui connaissaient la fin du film. Personne d’autre. Ni les acteurs, ni les producteurs. Personne. Je n’avais pour ma part que mes six à huit pages de scénario pour travailler.
Bien que vous ne sachiez pas qu’il s’agissait d’un film de la saga de prime abord, connaissiez-vous la franchise Halloween avant de participer à ce métrage ? Quelle est votre opinion sur le genre ?
Je me souviens du premier film Halloween en 1978 et je l’ai adoré, mais il était effrayant. Pour être honnête, l’horreur n’est pas mon genre de prédilection, car la peur, en tant qu’émotion, n’est pas relaxante. J’ai l’impression que la peur me fait perdre des années de vie ! (rires) Quand j’ai été choisie pour Halloween Ends, j’ai évidemment regardé les deux premiers volets de cette trilogie, mais je devais les regarder le matin pour pouvoir dormir le soir. J’adore les thrillers psychologiques, et j’avais l’impression que ces films étaient finalement plus palpitants que terrifiants. C’est peut-être parce que je suis plus âgée maintenant et que je sais qu’il n’y a plus de monstres sous mon lit ou dans mon placard. Du moins, c’est ce que je pense !
Votre rôle est puissant, tant par la tragédie que vit votre personnage, que par la force de votre interprétation et le désespoir qui s’empare d’elle à ce moment-là et pour le reste de sa vie. Comment envisage-t-on un rôle pareil ?
J’ai choisi de ne pas avoir d’enfants. Cela dit, j’ai ressenti le besoin d’incarner ma propre mère et je suis devenue elle d’une certaine manière, même lors de l’audition. Pour ma part, pour une raison ou une autre, je ne me suis pas sentie emportée par l’émotion. Je n’ai pas eu de réaction personnelle aussi profonde, je m’amusais davantage parce que je savais que c’était un événement choquant au début d’un film, et on voit rarement ce genre de choses avec des enfants au cinéma. Ceux qui ont des enfants, je le savais, allaient s’identifier à ce qui se passait dans cette scène, c’est le but en tant qu’acteur/actrice. Savoir comment ma mère réagirait dans une telle situation m’a donné une bonne feuille de route.
Pour ma préparation concrète à la scène dans le bar, je n’ai pas fermé l’œil la nuit précédant le tournage. J’ai eu du mal à accepter que Corey soit si jeune et innocent. J’ai eu du mal à me mettre en colère contre lui en tant que Mme Allen, alors qu’en tant qu’être humain, en tant que moi-même, en tant que Candice… j’en suis restée à l’impression que c’était un accident. Je pense que si j’avais su que toute la communauté rejetterait Corey dans le scénario et que je ne serai pas qu’un obstacle de plus à sa vie normale, cela m’aurait aidée. Je ne savais pas où canaliser ma colère, alors j’ai dû faire semblant. Ça paraît fou, mais ce fut une bonne expérience. David est un vrai directeur d’acteurs, et il a su déclencher encore plus d’émotions en me hurlant dessus avec un masque Covid. Son regard a transpercé mon âme et j’ai compris ce qu’il voulait. La leçon que j’ai apprise, c’est de ne pas juger le personnage que l’on incarne. Il faut vraiment ÊTRE cette personne. Bien sûr, on me l’a appris en cours de théâtre, mais tant qu’on n’est pas dans cette situation, c’est difficile. Avec le recul, c’est une bonne leçon.
Mme Allen n’est au final ni une victime de Michael Myers, ni de Corey Cunningham. Pourtant, elle subit un sort plus fort que la mort, via la perte de son fils unique dans des circonstances effroyables. Pensiez-vous que votre personnage disparaitrait du film d’une autre manière que celle-ci ?
Honnêtement, je pensais qu’après la première scène, le public ne reverrait jamais Mme Allen. Je pensais que c’était simplement le début dramatique d’un film. Je n’ai pas l’impression qu’elle aurait pour autant disparu ; elle est clairement toujours en vie, mais son état mental est perturbé par son abus d’alcool. Elle est devenue l’ombre d’elle-même et recluse, et le public n’a eu qu’un aperçu de sa vie après la perte de son enfant trois ans plus tard. Cela a ruiné sa vie, mais elle existait toujours. Elle est devenue une victime par la mort de son enfant, mais à mes yeux, elle reste une survivante.
Quelles anecdotes concernant le tournage pouvez-vous nous raconter ? Quels souvenirs gardez-vous de cette expérience et des autres acteurs avec qui vous avez travaillé ?
À cause du Covid, la production ne voulait pas que les acteurs fassent d’incessants allers-retours entre les répétitions et le tournage, alors ils m’ont hébergé à l’hôtel pendant deux semaines, même si je n’ai personnellement tourné que quatre jours. Pendant mes jours de congés, j’ai pu visiter la ville de Savannah, et d’ailleurs, David Gordon Green, avec ses enfants, participait au même tour de la ville auquel je m’étais inscrit. C’était génial.
J’ai trouvé intéressant que mon mari dans le film, Jack William Marshall, ait eu l’opportunité d’auditionner, car le réalisateur se souvenait de lui pour une publicité pour Planters Peanuts, dans laquelle il l’avait engagé, je crois que c’était en 2012. Il ne poursuivait même pas activement une carrière d’acteur, il s’était consacré à temps plein à l’immobilier. Il avait été fait venir du Texas. David Gordon Green, ou DGG comme on l’appelait souvent sur le plateau, avait une vision très précise et, visiblement, une excellente mémoire.
C’était un plaisir de travailler avec tout le monde sur le plateau, y compris l’équipe. Très professionnelle. J’ai été particulièrement impressionnée par l’assistante de production qu’ils ont recrutée à la SCAD, une université locale de Savannah, en Géorgie. Elle s’appelle Alyse Landry. Dès le début de notre collaboration, j’ai su qu’elle allait faire un tabac ! Après le film, elle m’a finalement engagé pour jouer un second rôle dans son mémoire de fin d’études. Après avoir obtenu son diplôme, elle a été choisie comme agente associée à la célèbre agence Gersh de New York, et elle s’y épanouit. Elle connaît très bien l’industrie cinématographique, c’est une travailleuse acharnée, très polyvalente, intelligente et bienveillante.
Que pensez-vous de l’issue que représente Halloween Ends à la saga Halloween ? Pensez-vous qu’il s’agit d’un bon épilogue pour la saga, indépendamment du fait qu’il s’agit d’un bon film isolément ?
La qualité d’un épilogue dépend des attentes de chacun. Personnellement, je trouve qu‘Halloween Ends offre une approche nouvelle et une conclusion significative, mais comme tout dernier chapitre, il ne satisfera peut-être pas tout le monde. Le fait qu’il s’agisse de la dernière apparition de Jamie Lee Curtis (d’après ce que j’ai entendu) dans la franchise Halloween est, à mon avis, ce qui en fait une manière puissante de conclure la saga. J’ai lu qu’une série télévisée sur Halloween était en cours de développement et que Miramax avait acquis les droits et prévoyait de créer une nouvelle série qui serait une « réinitialisation créative » revenant au film original de 1978. Je ne sais pas si elle en fera partie, mais j’espère que Mme Allen réapparaîtra !
Si vous deviez faire face à Michael Myers, là, maintenant, quelle serait votre réaction ?
En voilà une question ! En tant que Candice, je m’enfuirais dans la direction opposée à toutes jambes ! En tant que Mme Allen, et connaissant sa réputation à Haddonfield, je ferais probablement de même. C’est un individu très menaçant !
Vous avez déjà une grande carrière d’actrice, principalement dans des séries. Préférez-vous ce format à celui des films de cinéma ? Quels sont les projets passés qui vous ont apporté le plus de satisfaction ?
Je n’ai fait que quelques films, je ne peux pas vraiment dire que j’ai assez d’expérience pour me prononcer sur celui que je préfère. À ce stade de ma carrière, j’accepterais n’importe quel emploi syndiqué qui voudrait m’embaucher. On dirait que tout va beaucoup plus vite à la télévision, de l’audition à la validation. Les films prennent beaucoup plus de temps : on peut être engagé sur un film et ne pas être sollicité sur le plateau pendant 3 à 5 semaines, voire plus. Au début de ma carrière, je voulais jouer dans une série policière. Mais ayant démarré au bas de l’échelle, je n’ai pas vraiment le choix. Comme je l’ai dit, j’accepte n’importe quoi. Mais s’il s’agit d’un projet à petit budget, je dois être très passionnée par le scénario. On dit que je suis drôle, mais je n’ai pas vraiment exploité cette facette de ma personnalité et ma vulnérabilité pour décrocher ce genre de rôles. Je préfère les thrillers et les comédies noires aux séries plus légères. Parmi mes séries préférées ces derniers temps, il y a Your Honor et The Lioness. À ce stade de ma vie, j’ai tendance à regarder des séries dont je sais qu’elles seront récurrentes, surtout celles dans lesquelles je me sens à ma place. C’est important pour moi de connaître les intrigues, les personnages et le ton de la série, afin d’être prête à tout donner lors d’une audition ! J’ai été sollicitée à plusieurs reprises pour différentes séries, alors je me tiens au courant de leur actualité !
Justement : quels sont vos projets actuels et futurs ?
Je jouerai prochainement dans Murdaugh Murders et dans le long métrage de Wachsberger/Daggenhurst, aux côtés de Percy Hynes White. J’ai produit et interprété un second rôle dans un prochain film, Gaia, que nous venons de terminer et que nous soumettons actuellement à des festivals. J’ai également obtenu ma première voix off pour le feuilleton télévisé Hôpital Central [un feuilleton existant depuis 1963, NDR], diffusé sur plateforme depuis le 19 mai.
Un immense merci à vous, Candice, pour votre implication et votre infinie gentillesse pour ces échanges. J’ai été très honoré de pouvoir discuter avec vous de tous ces points. Pour finir, souhaitez-vous adresser quelques mots aux fans français ?
Volontiers ! Chers fans français, votre soutien signifie énormément pour moi en tant qu’actrice, surtout dans des films comme Halloween Ends. J’espère avoir l’occasion de vous rencontrer bientôt lors d’une convention d’horreur en France, car j’adorerais découvrir votre culture plus en profondeur. Bien que j’aie déjà visité Paris, grâce à ma sœur qui y vivait, je reste toujours fascinée par cette ville incroyable. Et entre nous, je ne peux résister à une bonne crêpe Nutella quand je suis là-bas ! Je suis vraiment honorée moi aussi par votre soutien et j’espère que vous continuerez à suivre ma carrière avec autant de passion. À tous, merci du fond du cœur !
florian 13 juin 2025
Merci pour cette interview passionnante ! Que d’anecdotes et quelle carrière ! Un grand merci à Mme Candice Rose 😍
ze shape 13 juin 2025 — Auteur d'un article
Un grand merci à toi pour ton retour ! Je lui partagerai tes appréciations. 🙂