L’ère Zombie, qui vient à contenir les « remakes » de 2007-2009, soit les neuvième et dixième opus de la franchise, forme une parenthèse dans la saga, tout autant qu’une bulle musicale un peu à part. Les deux bandes originales sont signées Tyler Bates, un ex-guitariste de Marylin Manson, devenu compositeur de musique sur des films dont les débuts seront notamment Tammy and the T-Rex (1994) et Scary Scream Movie (2000), avant de devenir acolyte des oeuvres de Zack Snyder sur L’armée des morts, 300, Watchmen et Sucker Punch, de David Leitch pour Atomic Blonde, Deadpool 2 et Fast & Furious : Hobbs and Shaw, et Ti West sur la trilogie X, Pearl et MaXXXine. Il a également signé les musiques des Gardiens de la galaxie 1 & 2, See no evil, John Wick 1 & 2 et Ballerina. Dans le cas d’Halloween I et II, il s’agit avant tout d’une commande de Rob Zombie, pour qui Tyler Bates avait déjà signé les partitions sur The devil’s rejects en 2005.
Le tout pour signaler de prime abord que les compositions de Tyler Bates se collent parfaitement à l’ambiance et l’univers dépeints par Rob Zombie dans son diptyque. Notes brutes et détonantes, mélodies cassées, sons rocailleux et penchés, l’auditeur des disques va re-découvrir les thèmes initialement composés par John Carpenter, revus et salement corrigés par Bates pour le meilleur et pour le pire. Car oui, malgré la volonté de moderniser l’œuvre originelle, les thèmes musicaux ont été repris, plus encore que dans Halloween Resurrection qui n’avait pu en son temps reprendre que le célèbre « Halloween theme » . Ici, au milieu de cette débâcle sonore (qui, avouons-le, n’est vraiment pas un régal pour les oreilles), surgissent comme d’outre-tombe les morceaux qui avaient fait la force des musiques de l’époque. Après une ouverture avec la réorchestration grunge du thème principal (diablement efficace, il faut le reconnaître), le thème de poursuite débarque la première fois dans « Judith Kill » , accompagnant dans la douleur le chemin de croix de la sœur de Myers, nouvelle victime malheureuse du remake. Ce qui avait été un peu plantureux jusque-là dans les mises à mort portées musicalement via « Bully kill » , Ronnie Kill » et « Steve Kill » deviennent avec Judith plus percutant grâce à ce recours aux notes de Carpenter, reconnaissables entre mille.

Si l’ambiance sombre à souhait est amplement respectée (rares sont les B.O qui collent aussi bien aux images), le défaut principal est certainement le manque de mélodies mémorables, une fois les thèmes originaux écartés. Les pistes se suivent et se ressemblent, alternant d’inquiétantes notes à rallonge à des jump scares sonores diaboliques, illustrant les méfaits sinistres et nombreux du croquemitaine dans les films. À l’écoute, le plaisir est aussi agréable que le son de la fraise du dentiste, ou du bruit d’une scie circulaire tranchant du métal. En fait, la musique en soi ne raconte pas grand-chose, elle ne fait qu’accompagner la bobine et les actes ténébreux de Michael Myers. Le travail louable sera donc celui d’avoir créé des variations des thèmes de Carpenter sur les excellentes pistes « Mexican Wolfman » , « Trick or treat, smell my feet » , « Bob and Lynda arrive » , « Chasing Laurie » , avec une actualisation lourde et sordide mêlée à une forme de nostalgie croupie, qui, dans un sens, sont les prémices du travail de Carpenter lui-même sur la trilogie de David Gordon Green. Niveau tensions et suspense, toutefois, la rythmique des pistes telles que « Silverware » ou « Michael breaks through » mettront les nerfs à rude épreuve.
Dans Halloween II, détaché de devoir suivre un cahier des charges visuel et scénaristique vieux de 30 ans (nous ne sommes plus à proprement parler dans un remake), Rob Zombie et son compositeur Tyler Bates signent avec le film de 2009 une mise à trépas des ultimes signes de bon sens accordés à la franchise. Si le résultat visuel est acide et peu pertinent, la musique d’Halloween II est beaucoup plus inspirée, voire inspirante, comme si Tyler Bates avait définitivement trouvé son style pour accompagner le croquemitaine dans sa quête sanglante désespérée. Libéré des thèmes originaux (repris uniquement sur le thème principal et à la fin du métrage avec une réorchestration extraordinaire du thème « Halloween 1978 » dans la version cinéma), Bates lève le voile sur un monde apocalyptique dépourvu de tout espoir. « I killed a man » annonce la couleur, noire, de la destinée des personnages, plongeant dans une profonde détresse sonore et émotive (« White horse » , « Love Shack » ou « Can I see the pig ? » , pendant lesquelles Tyler déploie aussi son vrai potentiel de guitariste rock). L’inédit « Laurie’s theme » sera finalement la seule réelle composition musicale de Tyler Bates sur ce doublon Halloween et Halloween II. Un pessimisme permanent, dérangeant, mais incroyablement maîtrisé et surtout diablement percutant (« I won’t let you down » en est peut-être le plus parfait exemple, avec le doublon « Surveillance » et « Brackett finds Annie » ). Évidemment, on ne sort pas de l’écoute de ce disque avec une pêche d’enfer, bien au contraire…
À l’heure d’internet, la musique se retrouve facilement pour une écoute en ligne, dévoilant au passage certains extraits inédits. Car la bande originale musicale d’Halloween par Tyler Bates n’a été éditée qu’en tirage limité, à usage promotionnel uniquement, en 2007 via Falling Mountain Music, dans un CD de 33 pistes. Une B.O. non officielle sera éditée via Arranged Records avec les même titres. Chez Hip-O Records, l’album Halloween original motion picture soundtrack ne contiendra que deux pistes musicales de Bates (le thème principal et « The shape stalks Laurie » ), le reste étant de très dispensables dialogues du film, heureusement rehaussés par les excellents titres en chansons du métrage, dont les cultes « (Don’t fear) The Reaper » de Blue Öyster Cult et « Mr Sandman » revu par Nan Vernon. Pour Halloween II, les partitions de Tyler Bates ont été éditées via un CD de 16 titres en 2009 chez E1 Music pour une durée totale de 51 minutes, tandis qu’un album Hip-O Records rejouera avec des dialogues du film et uniquement deux morceaux de la B.O. choisis : « Therapy » et « Nurse Killa » . Le reste est une compilation de titres de légendes « The thing we do for love » (10cc), « Night in white satin » (The Moody Blues) et l’incroyable « Love hurts » , à nouveau signé Nan Vernon. Les deux albums seront pressés en vinyle collectors quelques années plus tard, sans y dévoiler pour autant l’ensemble des morceaux créées par le compositeur de la musique.

LES TITRES PRÉFÉRÉS DE ZESHAPE
(ISSUS D’HALLOWEEN 2007) :
JUDITH KILL – MEXICAN WOLFMAN
TRICK OR TREAT, SMELL MY FEET
BOB & LYNDA ARRIVE – SILVERWARE
(ISSUS D’HALLOWEEN II 2009) :
I KILLED A MAN – WHITE HORSE
LOVE SHACK – CAN I SEE THE PIG ?
