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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

INTERVIEW EXCLUSIVE DE JOHN OTTMAN (COMPOSITEUR, HALLOWEEN H20)

Bonjour John ! Merci d’avoir accepté cet entretien !

Tout le plaisir est pour moi. Je suis en vacances, j’ai tout loisir de répondre à vos questions !

Pour commencer, pouvez-vous nous indiquer de quelle manière vous vous êtes tourné vers la composition de musique de film ?

C’était un hobby qui est devenu un plan de carrière. Enfant, j’étais un véritable geek qui écoutait sans arrêt des musiques de films et de la musique classique. Puis j’ai appris la clarinette, et me suis mis à écrire moi-même mes mélodies, les composant ensuite grâce à la technologie midi. Après avoir terminé mon école de cinéma, j’ai acheté un équipement de créations midi et ai appris la façon de manipuler les accords de séquences vidéos, le langage de code SMPTE sur cassettes, et toutes les sortes de procédés techniques. J’ai appris les mécanismes pour ensuite composer mes musiques. J’étais très intéressé de savoir comment composer la musique d’un film. Pour m’en donner l’occasion, j’écrivais la musique des vidéos des étudiants de certains de mes amis. J’ai réalisé que j’avais une vraie passion pour ce travail. J’ai alors écrit des musiques pour des spots d’entreprises, ce genre de choses. Puis j’ai composé ma première véritable musique de film avec Public Access, de Bryan Singer [réalisateur de plusieurs des films X-Men et grand ami de John Ottman, NDR], en 1993, car le compositeur attitré avait rencontré des difficultés et il y avait des problèmes de timing. J’ai donc pris le relais, avec synthétiseurs séquentiels au lieu de mes habituels programmes informatiques. J’ai fini par remporter un prix au Festival du film de Sundance, et le reste a suivi tout seul.

Un tout jeune passionné de musiques et de films.

Comment avez-vous été amené à composer la musique d’Halloween H20 ? Étiez-vous le choix personnel du réalisateur Steve Miner ?

J’ai été auditionné à l’occasion de ce projet. La production tenait à donner au film un esprit plus « classique » dans le sens musical du terme. Façon « musique classique », façon Hitchcock. Steve souhaitait à son tour que les partitions soient mois… Scream, et plus Hermann-esque [Bernard Hermann est le compositeur de la musique de Psychose, NDR] !

Vous avez réalisé un travail formidable avec la reprise des différents thèmes d’Halloween. Je suis un grand fan de votre travail sur ce projet, comme beaucoup d’autres. Vous avez certainement du avoir beaucoup de plaisir à composer ces partitions, n’est-ce pas ?

Merci beaucoup. J’ai pensé que conduire la version orchestrale du thème d’Halloween serait une bombe. C’était une vraie partie de plaisir. Écrire l’ensemble des partitions également, rendant concrètes les indications du réalisateur Steve Miner. J’ai adoré adapter les versions très intimistes de John Carpenter pour leur donner une toute autre dimension.

Malheureusement, au moment du montage définitif du film, beaucoup de vos partitions ont été remplacées par des extraits des bandes originales de Scream, Scream 2 et Mimic, de Marco Beltrami. Ce dernier a même été crédité au générique du film en tant que « compositeur additionnel », alors qu’il n’y a aucune création originale de sa part pour le film. Puisque l’envie de la production était de s’éloigner de Scream pour la musique, comment expliquez-vous ce revirement ? Quels ont été vos sentiments lorsque vous avez découvert la chose ?

Eh bien, naturellement, ça a été vraiment horrible, car beaucoup de mes notes ont été « perdues » et ont été remplacées par un atroce raccord de musiques cinglantes. La cohérence musicale et le côté psychologique du film ont été détruites, selon moi. Steve Miner et l’éditeur ont été conquis par mes travaux et les ont approuvés à tous moments de leur élaboration. Les responsables du mixage des morceaux ont commencé à trancher mes partitions durant le montage. Un travail épouvantable. Steve n’était pas présent durant ces moments. Il n’était pas au courant de ce stratagème d’élaboration foireuse de la musique.

Une intervention inattendue de membres de la firme Dimension ?

Un montage alliant vidéos et musiques a été visionné par le producteur Harvey Weinstein. Il avait donné son accord à mes morceaux sans savoir qu’ils allaient être tronçonnés de cette manière. Il a alors assumé que le « score » allait alors devenir des extraits piochés par-ci par-là qui en mettraient « plein la tronche ». Indiquant alors aux mixeurs de rester sur cette lancée brute et violente, ils ont allié des morceaux des bandes originales de Scream et Mimic de leur propre chef. Et il faut voir à quelle vitesse ! Ils se sont mis à envoyer des morceaux à tort et à travers avec une rapidité vraiment regrettable. Ça s’entend au montage final. Marco a été amené à créer des liens musicaux pour équilibrer les raccords.

D’une certaine manière, il a donc participé à ce montage sonore final ?

Sur ce point uniquement, à ma connaissance. Quand j’ai vu le résultat final j’ai grincé des dents, mais pas pour les bonnes raisons. Il n’y avait plus l’harmonie musicale que j’avais créé notamment par rapport au personnage de Laurie Strode. La musique de Marco est bonne, mais elle ne correspondait pas au concept que nous avions imaginé pour le métrage, Steve et moi. Et par extension, ça m’embarrasse que des gens soient amenés à penser que ce score est le fruit de mon travail. Certaines scènes sont de ma composition, d’autres non. Puis des morceaux de moi retravaillés, puis rebelote, des extraits de Marco, etc… Un vrai bordel selon moi. 

Deux compositeurs mais aucune prise réelle sur le projet.

Dans les bacs, votre score a été édité sous le titre John Ottman : portrait of terror au lieu de bande originale du film Halloween H20. Qui a fait ce choix ?

Les studios Dimension ne voulaient pas éditer la B.O. sous le titre du film parce qu’il n’était pas similaire au score présent dans le film. Je pense aussi que ça aurait pu exposer de manière plus officielle les morceaux initialement prévus au départ. Ils ont donc opté pour une sortie des partitions effectuées comme un album plus personnel, même s’il s’agit bien de la bande originale d’H20.

Juste par curiosité, il y a sur cet album une piste baptisée « Letting go » . Il s’agit de mon morceau inédit préféré. Ce morceau était-il réellement prévu d’apparaître dans le montage final ou est-il une réadaptation personnel du thème que vous avez créé pour Laurie Strode ?

Il s’agit d’une extension de la séquence où Laurie regarde les enfants partir à bords des bus en partance pour Yosemite [extension de la piste « Advice » sur l’album Portrait of terror, NDR]. J’aime cet extrait également, contrairement à l’abominable raccord qui l’a couvert à la place. J’ai toujours pensé que vous ressentez plus d’émotions en faisant vivre les personnages d’un film à travers une musique pour mieux effrayer le public ensuite, qu’en lançant des effets sonores à tout va pendant tout le métrage. L’histoire tournait autour de Laurie, sa paranoïa, et son désir de lâcher du lest. Au lieu de ça, ils ont balancé le thème d’Halloween quand les cars quittent le campus. J’ai vu le résultat et ai pensé que ça n’avait pas de sens. J’ai trouvé ça stupide ! Mais la production a donc tout fait pour rendre le truc tape-à-l’œil, accentuant les instants aux sonorités puissantes, au détriment de l’émotion.

Letting go, piste magique au milieu de l’album…

Qui a eu l’idée de la variation du thème de Psychose durant la grande scène avec Janet Leigh ?

C’est moi. Quand je l’ai vu près de la voiture [réplique de celle qu’elle conduit dans le film culte d’Alfred Hitchcock de 1960, NDR], j’ai tout de suite pensé à ce clin d’oeil musical. Cela fait partie des nombreuses notes subtiles dont je parlais tout à l’heure. J’ai été très surpris qu’ils l’aient gardé, celle-là, au final.

Vous avez également été en collaboration avec Steve Miner sur Lake Placid. Quel souvenir en gardez-vous ?

Steve est un réalisateur qui vous laisse faire votre travail. Les notes de départ pour Lake Placid ne fonctionnaient pas. En fait, elles ne collaient pas aux images. Ou le film ne collait pas à la musique, si vous préférez. Quoi qu’il en soit, j’ai donc eu carte blanche pour faire ce que je voulais. J’ai rencontré des difficultés car les personnages dans le film ne sont jamais vraiment isolés. En tout cas pas assez pour que je puisse leur accoler un thème, comme j’ai l’habitude de le faire. J’aime raconter les personnages à travers un thème ou une mélodie.

Dans Lake Placid, on peut considérer le lac comme un personnage à part entière, un personnage central récurrent.

Exactement. C’est pourquoi j’ai composé un thème principal qui revenait régulièrement selon les dimensions. Surtout que le crocodile n’était qu’une toile de fond. Impossible d’être empathique et de lui accorder un réel thème. J’ai eu beaucoup de plaisir à faire cette bande originale, même si ce n’est pas ma préférée.

Vous avez composé de grands thèmes dans de nombreux registres : l’horreur (Urban Legend 2, Esther, La maison de cire), le thriller (Trouble jeu, Gothika), la comédie (Disjoncté, Arac Attack) et les films de super-héros (Superman returns, Les quatre fantastiques, saga X-Men). Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Mon compositeur de musique de films est et restera Jerry Goldsmith [Omen, Alien, Gremlins, Psycho II, Poltergeist, La Momie 1999, NDR]. Bien entendu, j’ai mon propre style, mais j’ai beaucoup appris de son travail et sa façon d’accompagner les films. Il n’a pas composé de musiques pour des films de super-héros, mais je pense qu’il était vraiment absorbé par cette sensibilité à composer, écrire de vrais thèmes, garder une thématique constante dans ses partitions. Il était également un artiste qui approchait au mieux son point de vue par rapport à la dimension psychologique du film. J’aime également John Williams [Les dents de la mer, Jurassic Park, Star Wars, NDR], bien-sûr. Un vrai génie. Mais la musique de Goldsmith m’a toujours paru plus profonde.

Que pensez-vous d’Halloween 20 ans après en temps que film, ce retour aux origines et le personnage de Michael Myers vous ont-ils convaincu ?

J’ai pensé que c’était une attention louable de revenir au commencement. Retrouver « la grande classe » de l’origine le mieux possible. Je n’ai pas trouvé ça si artificiel. C’était en fait une extension toute naturelle de l’histoire, vingt ans après.

Avez-vous vu les autres opus de la franchise ? Quel est votre Halloween préféré ?

L’original est évidemment le meilleur. J’ai aussi beaucoup aimé Halloween 4 parce qu’il conserve cette façon dégoutante et viscérale dont Myers use pour tuer. Les doigts dans le yeux ou enfoncés dans le front.

Avez-vous écouté les bandes originales des autres films de la saga, celles du copositeur Alan Howarth, notamment ?

Je me souviens avoir écouté celle d’Halloween II, mais je ne possède pas la bande originale pour autant. Je n’ai pas écouté celles des autres films, ni vu la plupart des films, honnêtement. Je me souviens d’Halloween III, qui était très étrange.

Pas même le remake de Rob Zombie ?

Je ne regarde pas tellement de films, en fait. Celui-là aussi, je l’ai manqué.

Si vous deviez vous retrouver face à Michael Myers, là, tout de suite, quelle serait votre réaction ?

Je dirais : « Tiens ? Vous ressemblez à William Shatner. Puis-je avoir un autographe ? »

John Ottman, récompensé aux Oscars pour Bohemian Rhapsody en 2019

Accepteriez-vous de composer la musique d’un autre Halloween ?

Cela dépend de s’il s’agit d’un événement à part entière, tel que l’a été Halloween 20 ans après. Il faut un côté unique à un film s’il est l’énième opus d’une longue franchise.

Vous ne participez pas à des conventions, ce n’est pas votre style ?

Je n’ai pas vraiment de raison à ne pas y avoir participé jusqu’à présent. Je devais être occupé à autre chose. Ou peut-être que je ne suis pas assez fan de la saga pour avoir le droit d’assister à pareil événement.

Aimez-vous les films d’horreur en général ?

Dans tous les cas, Alien restera mon éternel préféré dans ce domaine. Je ne vais pas voir les films d’horreur au cinéma parce que… parce que je ne vais pas en voir du tout, en fait ! Je pense que je compose davantage que je vais voir, finalement !

Quelques mots au sujet de vos projets ?

J’aime avoir des moments pour moi entre deux projets, ou après une période de forte activité artistique. Mais dès que Bryan Singer a quelque chose dans les tuyaux, j’attends de pouvoir y participer car cela me demandera beaucoup d’énergie !

Merci en tous les cas, John, pour toutes ces révélations quant à votre travail sur Halloween 20 ans après.

Merci à vous. Cela m’aura permis de replonger un peu dans les origines de mon parcours. Avec toutes mes amitiés.

PROPOS RECUEILLIS, TRADUITS ET ÉDITÉS PAR ZESHAPE
JUILLET 2010 / JUILLET 2025
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