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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

Halloween Resurrection : les dessous d’un ratage complet (3/3 : le marketing déloyal)

À Hollywood, comme dans bien d’autres univers, il n’y a pas de mystère sur la façon dont tourne le monde. Pour vendre un produit, il faut une stratégie marketing optimale, qu’importent les qualités du produit en question (ou son absence complète de qualités, soit dit en passant). L’objectif est de vendre, même si pour cela il faut être excessif, sournois, ou carrément mensonger. Tous les moyens sont bons, et vont de l’affiche à la bande annonce, en passant par le titre du film et ses recours promotionnels. Dans le cas d’Halloween Resurrection, si l’on concède aux producteurs une certaine connaissance de la qualité toute relative de leur film, il ne fallait absolument pas rater une seule étape au sujet de sa promotion. Informations erronées, titre suspicieux, photos promotionnelles et affiches lissées, actrice principale jetée en pâture, rapports marketing mensongers, Halloween Resurrection n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour tenter de s’assurer un succès médiatique. Au risque avec le temps de voir resurgir les revers de ces techniques balourdes. Retour sur un cas d’école.

Quelques exemples d’images promotionnelles qu’on ne verra jamais dans le film…

Halloween Resurrection traite d’internet. Comment pouvait-il d’emblée ne pas en subir aussi les effets néfastes ? En 2000, les forums battent leur plein sur la toile. Dans un sens, il s’agissait de lieu d’échanges par excellence, avec les plateformes de chats, avant l’apparition des réseaux sociaux. Des discours enflammés venaient attiser les sujets les plus élémentaires, notamment les futures sorties de films, sources inépuisables de passions. L’annonce d’une suite à Halloween 20 ans après a beaucoup délié les langues. Désormais, à l’heure du net, les internautes suivent pas à pas l’élaboration du nouveau métrage, les dernières rumeurs, les premières images, rien ne leur échappe. La production joue sur ce tableau, en promouvant les informations au compte goutte, avant de subir un remaniement inattendu de scénario. La faute à un autre métrage qui dévoile une trame très proche d’Halloween Resurrection. Trop proche selon les producteurs, qui décident de revoir certaines parties du film. Le métrage en question : Final Stab de David Decoteau (baptisé Final Scream dans notre contrée), dont on cherche encore comment il a pu faire de l’ombre au synopsis de la dernière épopée de Michael Myers. Quoi qu’il en soit, des bribes de scénario sont modifiées, certaines pourtant déjà relayées dans la presse concernée. Un meurtre au marteau et un à la batte de base-ball disparaissent du film, et les énoncés de séquences ne sont plus dévoilées sur internet avant leur mise en scène réelle et définitive. Mettre la charrue avant les bœufs une nouvelle fois aurait risqué fort d’endommager l’indulgence des fans.

Jamie Lee Curtis, l’atout marketing par excellence.

Les internautes, pour en revenir à eux, sont même invités à prendre part à l’élaboration du projet. Moustapha Akkad accorde une importance capitale aux souhaits des fans, et décide d’écarter toute ambiguïté au sujet du retour du croquemitaine dans ce nouveau métrage. De H2K à MichaelMyers.com en passant par Evil never  dies et Homecoming, ce Halloween s’appellera finalement Halloween Resurrection, pour ainsi clamer haut et fort que ce huitième chapitre ne sera pas un épisode alternatif comme Halloween III et que Michael Myers sera le véritable tueur et non pas qu’une entité (il se disait un moment que le film traiterait d’une troupe de fans de Michael Myers en tant que personnage de film, qui décide d’explorer la maison ayant servi au premier métrage, et découvrant avec stupeur que le tueur existe bel et bien). En adoptant le titre de Resurrection, les producteurs pensent se retirer une épine du pied, pour finalement se la replanter dans l’autre en mentant une nouvelle fois au public sur la pirouette expliquant le retour de Michael Myers après sa décapitation dans le final d’Halloween 20 ans après. Après tout, qui peut parler de résurrection si le tueur n’était pas mort à la fin du métrage précédent ? Le subterfuge du masque placé sur le visage d’un innocent n’en est que plus dur à digérer, mais qu’importe pour la production qui ne s’attarde finalement qu’à trouver les moyens les plus fumeux pour rameuter le public dans les salles. Et pour cela, le moyen ultime reste la carte maîtresse de leur jeu, déjà à l’origine du succès d’Halloween 20 ans après : Jamie Lee Curtis.

Joker ultime pour Halloween Resurrection, la carte « Laurie Strode », à ne surtout pas manquer au milieu de cette pagaille.

L’actrice, qui a elle-même lancé l’idée de sa re-confrontation avec son frère meurtrier pour H20, est liée contractuellement pour un caméo de 30 secondes dans une suite éventuelle, ce qui était pour elle du niveau de la chimère selon ses plans. Malheureusement pour elle, qui tenait vraiment à se débarrasser du tueur dans ce film, les producteurs en décident autrement, et ce n’est que tard durant la production d’Halloween 20 ans après que Jamie Lee Curtis apprend qu’elle n’aura jamais le dessus sur le meurtrier. Vient alors sa décision de jouer un peu plus longtemps dans cette séquelle, mais à la condition d’offrir un « au revoir » digne à son personnage. Si le tueur ne peut mourir, alors c’est à elle de partir. Nouvelle occasion pour les producteurs de se frotter les mains et d’écrire le nom de l’actrice en gros sur l’affiche du film, même si Laurie Strode n’y apparaîtra pas plus d’un quart d’heure. D’ailleurs, le mystère ne tient pas longtemps, à l’heure du web, et cet ultime combat entre Myers et sa sœur devient même LA raison d’aller voir le film. Après tout, anciens et nouveaux fans voudront tous savoir, ne serait-ce que (ou surtout) par curiosité, comment se termine cette histoire commencée en 1978 sous la houlette de John Carpenter. Libre à chacun d’apprécier l’épilogue de ce chapitre, de ce piège désespéré tendu par Laurie et le revers qui lui vaudra sa disparition prématurée. Tant et pour tout, Jamie Lee Curtis elle-même finira par exprimer tous ses regrets sur les proportions que prirent les choses et qui l’ont conduites à apparaître dans ce métrage qu’elle qualifie « de grosse blague ». Opportunistes dans l’âme, et n’ayant pas froid aux yeux d’user des pires supercheries pour parfaire la promotion du film, les producteurs iront quand à eux jusqu’à prétendre qu’« époustouflée par le scénario, Jamie Lee Curtis décida de s’impliquer davantage que ce que la durée de son caméo lui prévoyait au départ ». Comme quoi tout est une question de formulation. La vérité n’a que peu d’importance si la promesse des billets verts est belle.

Contenu en 1 minute 15, Halloween Resurrection n’a pas l’air si mal, en fait…

Forte du succès de Scream, sur lequel elle a bâti sa solide réputation (inutile de remettre sur le tapis le sort de sagas telles que Hellraiser ou Les Enfants du maïs sous la houlette de cette même société), la firme Miramax/Dimension étale les affiches d’Halloween Resurrection en grandes pompes dans tout le milieu. Ce poster contiendra tous les ingrédients du succès espéré : une mise en détail avec le masque en gros, une lame sur laquelle apparait le casting affublé d’une mine très concernée (en gros, l’affiche US d’H20 avec les nouveaux venus). À défaut du nom en grand de Jamie Lee Curtis, il y aura Jamie Lee Curtis elle-même, avec la tête qu’elle a dans H20 (on n’est plus à un faux détail près), qu’importe qu’elle prenne la pose à côté de gens qu’elle ne croisera jamais dans le film. On place au passage Tyra Banks sur la plus grande marge (occupée principalement par son décolleté, ça peut toujours faire son effet) et on flanque ça d’un slogan qui fait mouche (« Evil finds his way home » aka « Le mal retrouve le chemin de sa demeure » qui devient en France un pathétique « Il revient se venger en direct« ). Doté d’un budget de 13 millions de dollars, Halloween Resurrection finit sa course avec une timide recette de 30 millions de dollars sur le sol américain, à laquelle s’ajoutent 7.500.000$ à travers le monde. Une déception pour les producteurs, mais également pour les fans, qui s’attendaient sans doute à un bien meilleur traitement pour leur croquemitaine préféré, ainsi que pour tous les protagonistes évoluant autour de lui. Nul doute que la légende née sous le sceau de John Carpenter méritait une issue bien différente que celle dépeinte dans cette bancale et présomptueuse production… C’est pourtant par ce film que se clôt la saga originale, avant la parenthèse « remakes » de Rob Zombie, puis d’un remaniement presque total à l’occasion du film de David Gordon Green en 2018.

Poitrines et mines déconfites, l’affiche d’Halloween Resurrection transpire les années 2000.

Retrouvez les précédentes parties de ce dossier
Halloween Resurrection : les dessous d’un ratage complet
partie 1 : retour sur le film, l’analyse objective
partie 2 : révélations de l’actrice Katee Sackhoff
partie 3 : autour du film, le marketing déloyal 

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4 Commentaires

  1. Guillaume 13 décembre 2020

    Merci pour ces 3 articles très intéressants! Malgré tous les défauts de film, tes publications me donnent envie de revoir le film!

    • ze shape 14 décembre 2020 — Auteur d'un article

      Merci à toi pour tes appréciations. Pour ma part je vais mettre ce film de côté et me reconcentrer sur les autres. 😀

      • Arnaud Germain 23 janvier 2021

        Bravo pour cet impeccable article a propos de ce qui me semble être le pire de la franchise. Ton travail textes recherches sérieuses font que c’est toujours un plaisir de te lire

      • ze shape 24 janvier 2021 — Auteur d'un article

        Un grand merci à toi pour ta fidélité à mes articles, Arnaud. 😉

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