Bradford English est un acteur américain né le 16 janvier 1942 à South Orange, dans le New Jersey (USA), et décédé le 25 octobre 2024 en Californie. Pour les inconditionnels de la saga, il restera éternellement le père violent de Kara dans Halloween 6 : the curse of Michael Myers. Ce personnage, vil et pathétique, pourrait être considéré comme « l’autre bourreau » du film, méchant par excellence mais sans victime, si on exclut les violences psychiques et parfois physiques exercées sur sa famille, particulièrement les femmes vivant sous son toit.

Si beaucoup de personnages de la saga ont illustré autant que possible les différentes classes de la société américaine, John Strode est, dans Halloween 6, le premier à incarner un véritable bad guy, ouvertement détestable, sans aucune trace de la moindre subtilité quant à l’issue qu’il connaîtra lorsque Michael Myers se chargera de lui. Dès le premier plan qui lui est consacré dans le film, il sort une tirade devenue culte : « Enough of the Michael Myers bullshit ! » (doublé en français par le non moins efficace : « Ras-le-bol de ce Michael Myers et de toute cette connerie ! » ) avant de menacer de sa hache les quelques garnements qui lui ont joué un mauvais tour. Figure extrême et limite abusive du patriarcat, John Strode règne en maître absolu dans son vétuste foyer et sur sa fragile famille. Frère de Morgan Strode (le père adoptif de Laurie Strode, qu’on aperçoit quelques secondes dans le premier film), John est également agent immobilier chez Strode Realty, et a fait récemment l’acquisition de la maison des Myers (car invendable sur le marché) et y a collé sa famille sans leur révéler l’histoire de la demeure, ni celle de ses sinistres occupants. Passablement alcoolique, John voue une colère acharnée contre sa fille Kara, qu’il accuse de profiter du domicile familial, et du fils de cette dernière qu’il qualifie de « bâtard » . Dans deux séquences visibles dans la version producer’s cut du film, on voit son épouse Debra tenter de le ramener à la raison concernant Kara, et celui-ci répond simplement qu’elle n’est dorénavant plus sa fille. Plus tard, après une dispute téléphonique avec Debra, John sort d’un tiroir une photo de Kara et s’adresse à elle en l’accusant d’être responsable du carnage familial actuel. Ses actes malveillants et outranciers se terminent dans la cave de sa maison, lorsqu’il croise la route de Michael Myers dans une scène sombre et oppressante.

L’acteur derrière ce rustre est quant à lui une crème avec qui tous ses partenaires ont eu plaisir à travailler. À l’annonce de son décès, survenu fin octobre 2024, le scénariste Daniel Farrands et le créateur Sean Clark lui ont rendu hommage sur les réseaux sociaux en clamant sa gentillesse et son implication, à la fois dans le film de Joe Chappelle, mais aussi lors des conventions publiques auxquelles il s’est prêté, permettant aux fans de le rencontrer. De nature discrète et réservée, Bradford English doit à son impressionnante carrure et son physique sévère des rôles aux antipodes de son comportement usuel. Flic, garde, prêtre, officier, agent, détective, camionneur… souvent coriace, récalcitrant ou carrément corrompu, il traverse les films au cinéma et à la télévision lors d’apparitions qui ponctue une carrière mêlant Kojak, Ally McBeal, Basic Instinct, Dallas, Seinfeld, Wolf, 21 Jump Street, Lucky You, X-Files, ou encore L’Agence tous risques. Son premier film s’intitule The Anderson Tapes (Le Gang Anderson en VF), sorti en 1971, et il apparait dans plus de 70 films et séries. Son dernier rôle est celui de Jim Crosby dans un épisode de la série Mad Men.

Mais Bradford English est donc surtout connu pour ce rôle dans Halloween 6, qu’il effectue fidèle à lui-même et à l’investissement naturellement inculqué dans toutes ses participations. Lorsque les producteurs décident de retourner des scènes gores additionnelles pour la version cinéma du film, en 1995, il revient pour s’atteler au triste traitement infligé à son personnage. John Strode, en effet, après d’ultimes jurons crachés dans sa cuisine, descend rétablir le courant à la cave. Son sang ne fait qu’un tour lorsqu’il se retrouve face-à-face avec Michael Myers. Dans la version initiale du film, et malgré l’aura détestable du personnage, John Strode ne succombait « que » par un coup de pied de biche dans le thorax suivi d’une électrocution. Puisqu’il lui fallait une mort à la hauteur des dommages commis de son vivant sur son entourage, la version cinéma le gratifiera d’une agonie bien plus sévère (et méritée), à savoir un coup violent dans le ventre, avant d’être soulevé puis électrocuté, si longtemps et violemment que sa tête finissait par exploser. Un meurtre de Michael Myers jugé nanardesque mais qui a toutefois nécessité des effets visuels considérables de la part de John Carl Buechler (responsable des effets spéciaux du film, et futur réalisateur de Vendredi 13 chapitre 7 : un nouveau défi). À noter que John Strode est ainsi baptisé en clin d’œil à John Carpenter. Sa femme Debra doit son prénom à la productrice Debra Hill, partenaire de Carpenter sur de nombreux projets.

Absent des écrans depuis près de quinze ans, Bradford English s’éteint le 25 octobre 2024 à l’âge de 82 ans. Les gens qui ont pu le rencontrer le définissent comme un être gentil et bienveillant. Le scénariste de The curse of Michael Myers le dépeint en ces doux termes sur Facebook : « Très triste d’apprendre la disparition de Bradford English. Contrairement au personnage rustre (et, euh… explosif) qu’il a été jusqu’au bout dans Halloween 6, Brad était toujours plein de vie et plein de rires. Il manquera beaucoup à ses fans et à sa famille Halloween. Reposez en paix, sir. »

À la convention Halloween 30 years of terror, qui a eu lieu à Pasadena (Californie) en octobre 2008, Bradford English a été un invité surprise uniquement consultable par les membres VIP de l’événement. Plusieurs fans lui ont demandé de réinterpréter sa célèbre réplique du début du film.
Comparaison des deux « morts » de Bradford English dans les versions d’Halloween 6. La version « édulcorée » du producer’s cut, et la « gratinée » de celle de la version cinéma :