À la manière de Psychose d’Alfred Hitchcock (1960) dont il s’est beaucoup inspiré, John Carpenter réalise avec Halloween un film dont l’impact révolutionnaire repose autant sur ses images que sur sa musique. À dire vrai, c’est la combinaison son/image qui provoque le véritable effroi, cette alliance n’étant pas négligeable dans le monde de l’horreur. Historiquement, Carpenter s’est retrouvé dans la même situation qu’Hitchcock lorsque ce dernier s’est aperçu, lors de la scène de la douche de son célèbre film, qu’il voulait tout d’abord sans apport musical. En découvrant son public de marbre devant la séquence, avant de revoir sa copie mêlée aux envolées de cordes glaçantes avec les partitions de Bernard Hermann, il réalise tout le pouvoir de la musique sur la séquence clé d’un métrage. John Carpenter conscientise cette importance capitale et compose lui-même le thème principal de son œuvre et toutes les partitions de sa bande originale, le tout en moins de trois jours. Carpenter réalise la bande originale de son film avec l’aide au clavier de Dan Wyman, un professeur de musique en université, et s’annonce au générique sous le nom de « The Bowling Green Philharmonic Orchestra » alors qu’ils n’étaient qu’eux aux manettes. La bande originale est sortie au Japon en 1979, puis en 1983 aux États-Unis et dans le monde à travers l’éditeur Varèse Sarabande. Une édition anniversaire a été éditée en disque compact en 1998 avec des morceaux de dialogues du film, puis une réédition en CD et vinyle collector en 2018, pour les 40 ans du métrage original, avec de nouveaux visuels et artworks.

Si le thème principal d’Halloween, ou Halloween Theme, est aussi reconnaissable, c’est pour son assonance suraiguë, son rythme déconstruit, et sa dominante glaçante. La musique, basée sur une rythmique 5/4, soit cinq temps dans une mesure, est atypique et particulièrement perturbante, comme l’étudie Max Dozolme dans un podcast pour France Inter : « Les boucles de synthétiseurs peuvent nous donner envie de danser, pourtant quelque chose cloche au niveau du rythme, quelque chose qui nous dit que si l’on essaye de faire des pas sur cet air on risque de se prendre les pieds dans le tapis. […] Si l’on suit attentivement l’ostinato de trois notes dans les aigus ainsi que la ligne de basse tendue, on comprend que la mesure choisie par John Carpenter sonne de manière bancale pour des oreilles occidentales. En effet, au lieu de construire sa ritournelle glaçante sur quatre ou six temps, des temps pairs auxquels nos oreilles sont habituées, Carpenter enferme son ostinato dans une mesure à cinq temps. C’est comme s’il manquait un temps à une mesure à six temps ou qu’il y avait un temps en trop dans une mesure à quatre temps, au choix. En tout cas c’est assez dérangeant » .

Cette rythmique à laquelle le commun des mortels n’est pas habitué, Carpenter la tient de son père, qui la lui avait enseignée lorsqu’il était enfant. En effet, lorsqu’il avait 13 ans, son père lui a appris à jouer au bongo sur 4 ou 5 temps, un exercice de percussion, au départ, qui dénote des aspirations traditionnelles et emporte le mélomane sur des chemins nouveaux. Pour Halloween, et mêlée aux notes de piano (l’instrument incontournable de l’univers horrifique par excellence avec le violon), la mélodie devient entêtante sinon entraînante, conduisant l’auditeur dans une angoisse pure et nouvelle. Le film s’ouvre directement sur le thème d’Halloween dans son générique d’ouverture, s’associe à la citrouille et aux caractères orangés annonçant le film. En quelques notes et en une fraction de seconde, le spectateur est plongé de plein pied dans cet univers effrayant dont il ne sortira pas indemne. Cet rythme mélodique ressemble aussi à un autre thème musical culte de l’horreur : celui de L’Exorciste (1973) et le Tubular Bells dont la rythmique est également calquée sur une déconstruction par phases musicales progressives de 7 et 8 temps.

L’ensemble de la musique du film Halloween est une succession de notes minimalistes aux accents appuyés et aux notes stridentes et percutantes. La formule de John Carpenter (simplicité = efficacité) se ressent surtout dans sa musique, qu’il allie aux images avec pugnacité. Hormis le thème principal, qui illustre d’une certaine manière la pente descendante et profonde que représente Michael Myers à l’attaque de chaque victime, on retrouve trois autres thèmes primordiaux : The haunted house, Halloween 1978 (devenu selon les éditions Laurie’s Theme) et The shape stalks (ou selon les versions The shape stalks Laurie), mélodies qui sentent bon l’automne et qui garantissent des soirées à l’ambiance grande frousse. Pour renforcer définitivement les pistes audio du disque, John Carpenter a également inclus à ses partitions des effets sonores très efficaces, du son lourd et dramatique de l’attaque de Judith par le petit Myers ou les apparitions en jump scares du croquemitaine à intervalles réguliers au trio de notes perçantes annonçant la levée de la lame de couteau. Parfois graves, parfois aiguës, ces sons s’ajoutent à l’identité toute particulière d’Halloween dans le large registre des bandes originales de films les plus célèbres du cinéma.
Les morceaux préférés de ZeShape :
Halloween THEME/main titles
Halloween 1978/Laurie’s theme
MYER’S HOUSE/The haunted house
The shape stalks/The shape stalks Laurie
