Alors qu’il semblait tout indiqué que Michael Myers n’était plus qu’un (déjà) lointain souvenir pour un John Carpenter très désireux de tourner la page, la franchise Halloween, elle, devait de perdurer. Pour cela, les producteurs, dont Carpenter, décident d’entamer un nouveau chapitre, à la façon d’une anthologie basée sur les célébrations du 31 octobre. Riche d’une histoire très mystique sur le projet d’éradication pure et simple de tous les enfants du continent américain via une malédiction ancestrale frappée par le biais de la télévision, Carpenter porte fièrement le projet en continuant de composer la musique de ce nouveau métrage, baptisé Season of the witch, et toujours aidé par Alan Howarth, devenu son acolyte sur de nombreux films. Bien qu’il s’agisse donc toujours des musiques d’un opus d’Halloween, les partitions sont l’objet d’un complet remaniement, loin des thèmes originaux prêtés aux personnages de Michael Myers ou Laurie Strode, absents de ce métrage très particulier sorti en 1982.
Plus électronique que jamais, la bande originale d’Halloween III est le terrain de jeu absolu de Carpenter et Howarth sur leurs synthétiseurs. La thématique du film mêlant le fantastique/mystique et les nouvelles technologies, la musique en définit les contours avec des assonances reflétant l’informatique, la télévision et le numérique. Cette technologie, additionnée à la technique, se reflète ainsi à chaque note grinçante et électrique des partitions. L’ouverture du film et du disque, « Main Title » annonce le ton grave des notes digitales accompagnant cette citrouille télévisée incarnant le mélange du traditionnel (le fête d’Halloween) et du contemporain (l’écran de télévision). « Chariots of pumpkins » s’enchaîne mécaniquement, conduisant avec rythme ce nouveau défilé de compositions au synthé. Le rythme prend d’ailleurs la part sur la mélodie, qui, à la différence des deux premiers Halloween, n’a plus d’importance majeure. Alan Howarth dévoilera au sujet de cette composition : « Le style musical de John Carpenter et moi-même a évolué pour cette bande original, en travaillant exclusivement avec des synthétiseurs électroniques. Ça a donné lieu à une certaine routine procédurale, le film étant d’abord transféré sur une bande vidéo time-codée et synchronisée sur un enregistreur audio master de 24 pistes. C’est alors en visionnant le film que nous en composons la musique. L’ensemble du processus est assez rapide et procure une satisfaction immédiate, nous permettant d’évaluer la partition compilée à l’image. Un atout de travail précieux » .
Bips fracassants, effets sonores en jump scares assourdissants, en écoute isolée, la bande originale d’Halloween III sera donc une expérience inédite dont il ne sera pas forcément inné d’en apprécier les notes piquantes et successives. Comme s’il s’agissait de partitions électroniques expérimentales qui collent certes finalement parfaitement au film lui-même très conceptuel, si ce n’est carrément métaphysique, mais qui à l’oreille peuvent être troublantes, voire dérangeantes. Halloween III est un ovni aussi bien cinématographique que musical, et marque une cassure nette avec ses deux prédécesseurs tout en conservant (à l’image tout du moins) l’atmosphère et le style proprement carpenterien. En tant qu’adepte inconditionnel du synthétiseur et totalement dans son élément, John Carpenter s’est donc fait plaisir avec ces partitions, dont on retrouve des échos issus de Christine ou Prince of Darkness. Les pistes se suivent et se veulent tour à tour nostalgiques (« Drive to Santa Mira », « Hello Grandma »), sinistres (« Starker and Marge », « South Corridor ») ou diablement rythmiques (« First chase », « Goodbye Ellie »).
À la manière d’Halloween II avec le titre des Chordettes, la bande originale de ce troisième opus va être entrecoupée de la cultissime piste 7 : « Halloween montage » (parfois baptisée « TV Commercial ») reprenant l’entêtant jingle des masques Silver Shamrock, ponctuant par ce spot publicitaire sur-étalé dans le film, des notes enfantines qui tranchent littéralement avec le reste des morceaux. La mélodie de cet jingle reprend la comptine London Bridge is falling down du folklore anglais, sur laquelle résonnent les paroles en chœur du désormais célèbre et incontournable « Happy happy Halloween, Halloween, Halloween » et l’invitation morbide de Conal Cochran, énoncée dans sa version originale par Tommy Lee Wallace, le réalisateur du film. Cette mélodie, dans le film, représente également un compte à rebours morbide (et mortel) à l’approche de l’apocalypse programmée par ce dément sorcier des temps modernes. Une annonce du massacre à venir présentée de façon joviale et adressée à des enfants, les principales cibles d’un stratagème machiavélique dont la bande originale en dépeint déjà toute l’horreur.
Eight more days ’til Halloween,
Halloween, Halloween,
Eight more days ’til Halloween,
Silver Shamrock !
Sortie en 1982 en CD chez Varèse Sarabande et en vinyle chez MCA Records, la bande originale d’Halloween III : season of the witch a eu droit à une réédition en 2007 en CD chez AHI Alan Howarth Incorporate avec 13 pistes supplémentaires, allongeant le total original de 36 minutes à plus de 68mn. Vingt-deux de ces pistes originales ont été rééditées en vinyle collector en 2018 chez Death Waltz Recording Company, accompagnées d’un visuel original et des cartes géantes jouant sur le tableau du mystique des masques de la citrouille Jack’O, de la sorcière et du crâne, l’image à jamais rattachée au lugubre projet Silver Shamrock.
Les morceaux préférés de ZeShape :
MAIN TITLE
CHARIOTS OF PUMPKINS
DRIVE TO SANTA MIRA / I REALLY LOVE THIS
FIRST CHASE
HALLOWEEN MONTAGE
HELLO GRANDMA / WHERE IS SHE ? / IT WILL BE MORNING SOON
GOODBYE ELLIE
