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L'ANTHOLOGIE DE MICHAEL MYERS ET DE LA SAGA HALLOWEEN

LE SLASHER DU MOIS : MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE (2022)

Entendons-nous bien : considérer le Massacre à la Tronçonneuse original comme un slasher serait passer complètement à côté de l’œuvre intemporelle de Tobe Hooper. Ce serait également ranger trop vite Leatherface dans la catégorie des croquemitaines lambda du cinéma d’horreur. Enfin, au-delà de mélanger les torchons et les serviettes, ce serait prétendre que le film culte de 1974 aurait de quelque manière que ce soit induit le genre à devenir ce qu’il a commencé à être avec Halloween de John Carpenter. Ce serait alors une grave erreur, tant les deux films ne sont finalement l’un et l’autre reliés d’absolument aucune manière. Par extension pourtant, et surtout de par le contexte horrifique au sens général auxquels ils appartiennent tous les deux, Massacre à la tronçonneuse premier du nom sera bel et bien référencé dans la rubrique de Le slasher du mois, mais tant et pour tout pour les séquelles qui ont élevé son tueur emblématique au registre actuel qui lui vaut son retour sur le devant de la scène. Et aussi parce que la version 2022 dépeinte aujourd’hui dans ces lignes lorgne de très près avec ce qu’a créé David Gordon Green en 2018 avec la saga de Michael Myers. Retour sur le phénomène de plus en plus récurrent de la suite tardive, bercé par l’éternelle nostalgie du « c’était mieux avant ».

Après des années de mauvaises suites, Leatherface s’offre un nouveau visage…

S’attaquer à la suite d’un film culte a un prix, et rares sont ceux qui ont réussi le pari, surtout lorsque le temps a passé sans qu’un rouage ne soit parvenu à élaguer la route des embûches de ce type d’exercice. Là où beaucoup se sont cassés les dents à vouloir reproduire bêtement le schéma d’origine ou a transgresser purement et simplement la machine par paresse ou véritable sacrilège (Independance Day : Resurgence, Alien : Covenant, Terminator : Dark Fate, Scream 2022), il y a eu, concernant le genre horrifique du slasher, quelques exceptions mémorables qui ont su tirer leur épingle du jeu (Psychose II, Freddy sort de la nuit, Scream 4, Halloween 2018, pour ne pas citer de remakes dont la relecture d’une œuvre originale est un exercice en somme totalement différent). Après la mode excessive du remake des années 2000, la tendance actuelle y préfère l’adaptation de l’héritage, en renouant avec de (vieilles) franchises et s’octroyant le luxe gratuit d’effacer toutes les suites au profit d’une connexion directe avec l’original. Entamée avec Halloween en 2018, poursuivie depuis avec S.O.S. Fantômes, et dans l’attente que L’Exorciste nous propose sa nouvelle entité, c’est le tueur fou de Massacre à la tronçonneuse qui revient trancher dans le vif pour une nouvelle hécatombe sanglante. Son atout : vivre du culte du film original sans se voir empiété de suites gênantes puisqu’aucune d’entre elles n’a jamais réussi à rester dans les mémoires (exception faite de l’excellent remake de Marcus Niespel en 2003). Reprenant la formule dont usait David Gordon Green dans Halloween, Massacre à la tronçonneuse commence par user du même titre que son modèle, souhaitant s’imposer comme la seule et unique véritable suite (ce qu’avait déjà vainement tenté Texas Chainsaw 3D en 2013). Reste à avoir le potentiel pour y parvenir.

Malheur à ceux qui ont réveillé la bête de son long sommeil…

Près de cinquante ans après ses derniers méfaits, Leatherface voit sa retraite perturbée par l’arrivée de quatre jeunes influenceurs décidés à ressusciter la bourgade perdue du Texas dans laquelle il s’était réfugié. C’est sur cette base fragile que s’entame le film, avec en tout et pour tout quelques courtes minutes d’exposition des nouveaux personnages censés conduire la nouvelle épopée de la franchise. Malheureusement, ce raccourci n’est que le premier des nombreux trous dans le scénario qui, certes, permet une très rapide entrée dans le spectacle et la tension, mais qui repose sur un très faible potentiel émotif, la faute à une absence totale d’empathie pour des personnages qu’on ne nous aura pas permis de connaître en profondeur. Malgré une photographie irréprochable et une certaine recherche visuelle (proche de ce que le remake avait également réussi à proposer) qui dénote toutefois de l’aspect craspec du vieux Texas poussiéreux du premier opus, le film manque d’âme aussi dans sa plus élémentaire réalisation. Les paysages texans, le village fantôme, le soleil de plomb, les bâtisses et sous-sols ne parviennent jamais à créer une véritable ambiance, exception faite du champ de tournesols, reflété jusque dans la magnifique affiche du film. Mais après le creux des personnages, du récit et du cadre intervient l’ultime affront : le mobile au retour pur et simple de Leatherface dans la saga. Un quiproquo regrettable plonge le quatuor et un bus de partenaires dans une horreur qui leur échappe complètement, mais le chef d’orchestre de cette nouvelle hécatombe répond avec maladresse à un incompréhensible besoin de vengeance particulièrement indigeste comparé à la folie latente servie comme essence du personnage dans le film original. Leatherface ne vaut-il donc pas mieux que les croquemitaines dépeints dans les atroces et futiles remakes que furent Halloween en 2007 et Vendredi 13 en 2009 ? Ce Massacre… n’a-t-il donc pas le pouvoir de se forger une véritable identité au milieu de ses malheureux congénères ? Faisons l’impasse sur l’âge qu’est censé avoir Leatherface dans ce film, et l’incroyable force physique qu’il manifeste après une si longue hibernation. Résister ainsi aux balles et aux rhumatismes donnerait presque envie à tout à chacun de programmer sa retraite au Texas… Et pour enfoncer encore plus la lame déjà bien rouillée dans les profondeurs du blasphème, et encore une fois pour copier de plus près la recette d’Halloween 2018, le métrage ramène sur le devant de la scène l’unique survivante du massacre original pour une revanche aussi absurde qu’expéditive relevant davantage de la honteuse stratégie commerciale que du véritable hommage ou renouveau du genre survival. Sally, autrefois incarnée par feu Marylin Burns, revient ici sous les traits d’Olwen Fouéré, pâle alliage de la Jamie Lee Curtis d’Halloween 2018, agrémentée d’une touche de ce que Sigourney Weather ou Linda Hamilton avaient respectivement apporté à leur personnages respectifs dans Alien et Terminator, avec, on ne va pas se mentir, beaucoup plus de classe et d’impact. La faute à un scénario encore une fois beaucoup trop surfait, en plus d’être bourré d’incohérences.

Le girl power doit-il vraiment encore nous imposer ça ?

Ce nouveau Massacre à la tronçonneuse devant implicitement respecter les fans d’origine, les producteurs pensaient-il réellement que les afficionados ne réagiraient pas lorsque Leaterface libère des murs une tronçonneuse vieille de plus de 50 ans avant de la remettre en marche de la façon la plus singulière ? Le public n’allait-il pas s’insurger sur la plus improbable façon dont le tueur choisit de se réfugier soudainement dans sa chambre au lieu de décimer ses proies qu’il poursuivait la minute précédente, juste pour que le personnage de Sally puisse aller à sa rencontre ? Et qu’espérait Sally en énonçant les prénoms de ses amis aux oreilles d’un fou qui de toute façon n’avait jamais entendu parler des jeunes dont il ne s’est que soucié de dépecer un demi-siècle plus tôt ? Enfin, comment excuser un scénario qui joue tant sur la violence des actes d’un fou et qui continue de tirer les ficelles de la supercherie en offrant à Sally le pouvoir de parler ou de tirer à la carabine alors qu’elle est censée agoniser à la douleur d’une éviscération à la tronçonneuse magistralement mise en bobine quelques minutes avant ? Le girl power doit-il si expressément se cramponner à ce type de personnages encore et encore, contre toute logique et au nom de la tendance actuelle vouée à un féminisme mécanique et finalement inopportun ? C’est là tout le contraste qui empêche cette version 2022 de prétendre un instant s’élever au rang du modèle dont il n’essaye finalement jamais de dépeindre le potentiel. Dommage, car les scènes choc (la route vers l’hôpital et le meurtre très graphique du policier, l’accident du transfert, la course effrénée de la tronçonneuse dans le sous-sol, le meurtre à la masse, et bien entendu la boucherie en huis clos sous lumière au néon) permettront de respecter le cahier des charges de ce type de productions (du gore en veux-tu en voilà, aidé par des effets visuels convaincants). L’accent a été placé sur les meurtres et les effets spéciaux saignants (que pouvait-on attendre du producteur du remake de Evil Dead ?), soit l’exact opposé du film de 1974 qui parvenait à créer une ambiance oppressante avec quelques jeux de caméra et une mise en image distillée pour impacter le spectateur dans sa plus intime psychologie. La porte ouverte sur une suite, copiant par là la scène de fin du premier film, réduit à néant une dernière fois toute logique dans le projet, juste par appât du gain. Envisagé à la base pour une sortie cinéma en 2021, ce Massacre à la tronçonneuse aura finalement été récupéré et développé pour la plateforme de vidéo Netflix, une surprise pour le genre qui y verra peut-être à l’avenir une source de prolongement alternatif à la série télévisée (amorcée par Chucky et Souviens-toi l’été dernier, pour ne citer que de proches noms du slasher). Puisque les nouvelles tendances sont là, espérons qu’elles trouveront matière à apporter au public des productions de qualité, au niveau des modèles qu’elles souhaitent si vaillamment remettre au goût du jour. Si là réside réellement l’envie originelle des producteurs, bien entendu…

Aucun doute : Leatherface n’a pas pris une ride… quoique !
MASSACRE À LA TRONCONNEUSE (TEXAS CHAINSAW MASSACRE), UN FILM DE DAVID BLUE GARCIA, USA, 2022

● les + : un massacre rythmé, parsemé de séquences choc violentes et graphiques…
● les – :
… mais aussi d’incohérences et de supercheries nombreuses et regrettables qui mettent à mal l’entièreté du métrage
● meilleure scène du film : l’attaque dans le bus, courue d’avance mais diablement efficace dans l’horreur
● pire séquence du film :
le douloureux moment où le spectateur découvre qu’il est face à un complet massacre de ce que le film aurait pu être s’il avait été traité avec un peu plus de respect et de sérieux

Verdict : *****
 

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Retrouvez chaque 1er du mois un nouveau film dans la rubrique
LE SLASHER DU MOIS,
sans oublier les tueurs fous du cinéma de genre dans Génération croquemitaines : les ancêtres et descendants de Michael Myers !

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